1.2- La fermeté Sénégalaise ou
l'heure des comptes entre Wade et Gbagbo
L'impact direct d'une crise majeure en Côte d'Ivoire sur
le Sénégal n'est pas significatif. Les échanges
commerciaux entre les deux pays restent marginaux même si la Côte
d'Ivoire constitue la locomotive de la zone UEMOA dont les deux Etats sont
membres. A la différence donc du Burkina-Faso et du Mali , le
Sénégal, favorisé par sa position géographique et
son accès direct à l'océan atlantique n'avait pas à
redouter les conséquences d'une nouvelle guerre civile en Côte
d'Ivoire avec acuité. En revanche, depuis la crise de septembre 2002 et
le discours xénophobe tenu par les partisans du président Laurent
Gbagbo, les autorités sénégalaises nourrissent de
réelles craintes pour la sécurité de la très forte
diaspora de leur pays en Côte d'Ivoire. Pour Abdoulaye Wade, un
atermoiement de la médiation pourrait offrir au président Gbagbo
le moyen de se réorganiser pour mener des représailles contre les
intérêts de tous les Etats qui n'ont pas accepté d'adouber
sa sacralisation par le Conseil constitutionnel ivoirien. Abdoulaye Wade voyait
donc les intérêts économiques de la diaspora
sénégalaise en Côte d'Ivoire menacés par
Gbagbo.72 Mais la raison la plus déterminante de la
radicalisation de la position du Sénégal est plutôt
liée aux rapports personnels entre les présidents Wade et
Gbagbo.
Premier médiateur dans la crise ivoirienne de septembre
2002, en sa qualité de président en exercice de la CEDEAO,
Abdoulaye Wade fut subrepticement éjecté de la médiation
au profit d'un groupe de contact de la CEDEAO présidé par le
Président togolais Gnassingbé Eyadéma. frustré et
mécontent, le président sénégalais qui se vantait
d'avoir obtenu au cours de sa brève médiation un cessez-le-feu
des parties en conflit a multiplié les invectives contre certains de ses
pairs ouest-africains dont Laurent Gbagbo qu'il soupçonnait d'avoir
manoeuvré pour l'écarter de la médiation. La situation
s'est envenimée au point où le sommet extraordinaire
organisé par Wade en tant que président en exercice de la CEDEAO
le 18 décembre 2003 sur la crise ivoirienne a été
boycotté par la majorité des Chefs d'Etat membres de
l'organisation. Ces derniers « voulaient traduire leur
mécontentement suite aux différentes
72
Wyss, (Marco), Bienfait ou malédiction pour les efforts de
maintien de la paix onusien et africain? le rôle de la France dans la
crise ivoirienne, in la côte d'Ivoire d'une crise à l'autre,
l'Harmattan, 2014, p 97.
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déclarations de A. Wade.«73 Pour
répondre à cette humiliation, Wade déroute la
médiation et fait prendre la main à la diplomatie
française.
« En effet, alors que les belligérants se
trouvaient chez Eyadéma, A. wade annonça que les
négociations ne portaient pas leurs fruits, et posa les jalons d'une
discussion ivoiro-ivoirienne à Paris. C'est dans ce contexte qu'il faut
situer l'initiative de la France qui, en organisant les assises de
Linas-Marcoussis en janvier 2004, n'avait d'autre objectif que de
court-circuiter les efforts du président togolais.« 74
Ce passif que entache remarquablement les rapports entre Wade et Gbagbo,
malgré les apparences diplomatiques, ajouté aux relations
très amicales du président sénégalais avec Alassane
Ouattara ont indubitablement pesé dans la position du
Sénégal en faveur d'une intervention militaire pour faire plier
Gbagbo. Mais ce soutien de taille parmi les voix qui portent au sein de
l'organisation communautaire ouest-africaine ne sera as suffisante pour
réaliser l'unanimité sur la question de l'usage de la force pour
faire céder Gbagbo. Certains Etats ouest-africains s'opposent
ouvertement à une intervention militaire.
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