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Les déterminants géopolitiques des difficultés de la gestion communautaire des conflits en Afrique de l'Ouest. La CEDEAO face au règlement de la crise post-électorale de 2010-2011 en Côte-d'Ivoire.


par Christophe C. H DAVAKAN
Institut de Relations Internationales et Stratégiques - Paris - Master 2 en stratégie internationale 2018
  

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Chapitre II:

l'enlisement de la médiation de la CEDEAO et la montée en puissance de la diplomatie

française

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Même si le sommet extraordinaire de la conférence des Chefs d'Etat de la CEDEAO du 24 décembre 2010 a envisagé « de prendre toutes les mesures nécessaires, y compris l'usage de la force légitime pour réaliser les aspirations du peuple ivoirien«66 et des réunions des états majors des pays de la communauté se sont tenues à cet effet, cette initiative a très rapidement généré des dissensions au sein des Etats membres de l'organisation. Certains Etats se sont alignés sur la fermeté nigériane, mais d'autres par contre ont trouvé inappropriée à cette étape du conflit, une intervention militaire et ont préféré que les négociations pour un règlement pacifique se poursuivent. La médiation stagne pendant que sur le terrain en Côte d'Ivoire la tension monte entre les protagonistes et la situation humanitaire devient de plus en plus préoccupante. Les forces de défense et de sécurité (pro-Gbagbo) multiplient les exactions contre les populations civiles, notamment dans les quartiers favorables à Alassane Ouattara67. C'est dans ce contexte marqué par un net clivage méthodologique dans la gestion de la crise au niveau des Etats membres de la CEDEAO que la communauté internationale va davantage se mobiliser autour de l'urgence ivoirienne, sous l'impulsion de la diplomatie française.

A- La médiation à l'épreuve de la géopolitique intra-communautaire

Nombre d'observateurs ont été agréablement surpris par la cohésion de la CEDEAO dans l'approbation du rapport de certification des résultats du scrutin du 28 novembre et la reconnaissance de Alassane Ouattara comme vainqueur de l'élection présidentielle ivoirienne. En effet, au vue de la frilosité de certains gouvernements par rapport aux exigences démocratiques et des affinités entre leaders politiques, l'effort accompli par les Chefs d'Etat et de gouvernement ouest-africains pour parvenir à l'issue du sommet extraordinaire du 7 décembre 201068 à une telle convergence de vue n'est pas négligeable. Le sommet du 24 décembre 2010 confirmera cette posture appréciable des Etats et ira même plus loin en évoquant dans ses résolutions l'éventualité de l'usage de la force pour faire triompher le

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Point 10 du communiqué final de la session extraordinaire de la conférence des Chefs d `Etat et de gouvernement de la CEDEAO sur la situation en Côte d'Ivoire.

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l'ONUCI accuse le 17 mars les forces de défense et de sécurité d'avoir tué entre 25 et 30

«civils innocents« en pilonnant à l'arme lourde le quartier pro-Gbagbo d'Abobo.

68

Voir le communiqué final issu du sommet qui reconnaît sans ambages Alassane Ouattara

comme vainqueur et invite Laurent Gbagbo à céder pacifiquement le pouvoir au président élu par le peuple ivoirien.

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verdict des urnes tel que exprimé par le peuple ivoirien. Très rapidement, l'option «de faire usage de la force« s'impose comme un choix satisfaisant, approuvé par les membres de la CEDEAO. Deux réunions des chefs d'état major de l'organisation se tiennent les 28 et 29 décembre 2010 et du 18au 20 janvier 2011 pour envisager les modalités pratiques d'une force d'intervention. Le ministre des affaires étrangères du Nigeria demande officiellement le 24 janvier 2011 une résolution du Conseil de sécurité des Nations-unies qui donnerait mandat à la CEDEAO d'user de la force pour faire entendre le verdict des urnes en Côte d'Ivoire en cas d'échec des négociations. Mais contre toute attente, des dissensions apparaissent au sein de l'organisation sous-régionale. Les considérations géopolitiques internes de certains Etats ont provoqué des divergences de grilles de lecture de la situation en Côte d'ivoire, et par conséquent une mésintelligence sur l'approche de résolution du conflit.

1- Les activistes secondaires de l'option militaire

En dehors du Nigeria pour les raisons déjà évoquées plus haut et sur lesquelles nous ne reviendrons par ici, un certains nombre de pays sont restés fidèles à l'esprit de la conférence des Chefs d'Etat de la CEDEAO du 24 décembre, du moins pour ce qui concerne la position officielle, pour réitérer leur adhésion à une intervention militaire. Au nombre de ceux-ci figurent notamment le Burkina-Faso et le Sénégal pour des raisons qui ne sont pas toujours identiques.

1.1- Le Burkina-Faso ou le souci de se débarrasser d'un fardeau économique et social

Pour comprendre la fermeté du Burkina-Faso sur l'option militaire pour une résolution rapide de la crise, il faut remonter à la crise ivoirienne de 2002 et ses effets collatéraux au plan politique, économique et social sur ce pays. D'abord, le concept de «l'ivoirité« habilement récupéré par Laurent Gbagbo pour triompher sur fond de manifestations sanglantes de sa confrontation électorale avec le Général Guéï en 2000 a suscité des craintes auprès des autorités burkinabés. Pour le nouveau pouvoir ivoirien aussi, les accointances connues de Alassane Ouattara avec le Burkina-Faso et ses autorités ne manque pas de susciter une certaine méfiance. Pour preuve, lorsqu'intervient en janvier 2001 la prétendue tentative coup d'Etat dite de «la mercedes noire« contre le président nouvellement élu, le Burkina-Faso a été très tôt pointé du doigt.

«Au cours du premier semestre 2002, les tensions allaient même s'aviver avec une succession d'incidents militaro-diplomatiques, notamment l'arrestation sur le sol burkinabé, d'un

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« commando » prétendument chargé d'éliminer « IB » et certains de ses compagnons exilés, puis celle d'adjudant ivoirien venu, sous une fausse identité, vérifier la rumeur selon laquelle des rebelles étaient entraînés au célèbre camp de Pô, et enfin l'assassinat , dans la nuit du 1er au 2 août à Ouagadougou, du député ivoirien Balla Keita. Ce meurtre, perpétré dans des circonstances qui restent encore très floues, est considéré par nombre de commentateurs comme l'un des événements déclencheurs de la rébellion ivoirienne.«69 C'est dans ce climat de hautes suspicions entre les deux gouvernements qu'intervient en Côte d'Ivoire le 19 septembre 2002 la tentative coup d'Etat qui a débouché sur une crise militaro-politique qui va durer presque une décennie. A maintes reprises, le gouvernement ivoirien pointera du doigt le Burkina-Faso comme territoire servant de base arrière aux rebelles ayant pris le contrôle de près de 60% du territoire ivoirien, évoquant les connivences supposées ou réelles de certains leaders de la rébellion avec les autorités burkinabés. En guise de représailles, le gouvernement ivoirien, sous le fallacieux prétexte de rechercher des assaillants potentiellement cachés dans des abris précaires dans différents quartiers d'Abidjan, mais connus comme des taudis où vivent essentiellement des ouvriers burkinabés et accessoirement maliens, détruisent des bidonvilles à Abidjan. L'opération menée en novembre 2002 est intervenue à la suite du premier discours à la Nation du président Laurent Gbagbo après les événement du 19 septembre, qui avait prévenu que « Les quartiers dits précaires » soupçonnés d'abriter des assaillants allaient être « nettoyés ». 70 Plusieurs milliers de burkinabés résidents en Côte d'ivoire, dont certains depuis plusieurs générations se retrouvent sans-abris. A l'intérieur du pays, précisément à Soubré, fuyant des violences orchestrées par des populations autochtones, plusieurs centaines de paysans burkinabés établis depuis plusieurs décennies à la faveur de la politique d'incitation à l'immigration des ouest-africains menée par le président Houphou`t Boigny pour développer notamment l'agriculture, ont dû abandonner leurs champs et leurs biens pour retourner dans leur pays d'origine. Terre d'immigration par excellence pour le Burkina-Faso, la Côte d'Ivoire abrite une population de ressortissants burkinabés qui se chiffre à près de 3 millions. Face à cette situation, le gouvernement burkinabé se trouve contraint de lancer ce qu'il a appelé l'«opération Bayiri« qui signifie en langue nationale Mooré «retour au pays natal« pour assurer le rapatriement de ses citoyens qui ont perdu tous leurs biens en Côte d'Ivoire, et au profit desquels une

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Banégas, (Richard) et Otayek, (René), Le Burkina-Faso dans la crise ivoirienne : effets
d'aubaine et incertitudes politiques, Politique africaine, Editions Karthala, N° 89, 2003, p71

70

Barry, (Alpha), correspondant de RFI au Burkina-Faso, www.rfi.fr

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assistance conséquente s'impose sur le long terme. Plusieurs milliers de ressortissants burkinabés se sont empressés de répondre à l'appel et sont convoyés sous escorte de la gendarmerie nationale par des dizaines d'autocars à Ouagadougou. Il est évident que des rapatriements de cette ampleur vont poser dans la société burkinabé de réels problèmes d'orde sanitaire, alimentaire et de réinsertion social. Une telle charge crée forcément sur le long terme des soucis budgétaires pour un gouvernement dont les resources sont déjà assez limitées.

A ces passifs politique et social résultant de la crise ivoirienne de 2002-2007, s'ajoute l'impact économique, le plus redouté par le pouvoir burkinabé, en raison du poids économique de la Côte d'Ivoire dans la sous-région, mais surtout de l'arrimage naturel du voisin burkinabé au territoire de transit qu'elle représente pour les importations et les exportations de l'hinterland. En effet, l'économie burkinabé, très tributaire des infrastructures portuaires d'Abidjan a enregistré pendant la crise précédente de remarquables ralentissements d'activités dans plusieurs secteurs, notamment le transport et l'industrie. Malgré le fait que nombre d'opérateurs économiques burkinabés se soient rabattus sur les ports d'Accra, de Lomé ou de Cotonou, les conséquences de la fermeture des frontières ivoiriennes ou de l'insécurité sur le corridor Abidjan - Ouagadougou, selon les périodes, a causé un sérieux manque à gagner à l'économie burkinabé. Au seul bureau principal des douanes de Ouagadougou qui enregistre les importations par voie ferrée, de la côte d'Ivoire, on évalue à plus 1,6 milliards de francs CFA la baisse mensuelle de recettes fiscales.71 Plusieurs sociétés telles que la Sitarail ont connu des baisses drastiques de ressources qui les ont contraintes à des réductions d'effectifs, aggravant ainsi les effets sociaux induits par la crise déjà caractérisée par une flambée généralisée des prix des produits de première nécessité.

Redoutant donc naturellement l'éclatement en Côte d'Ivoire d'une nouvelle guerre civile et voyant dans cette victoire proclamée de Alassane Ouattara une ultime occasion d'en finir avec ce concept de l'«ivoirité« dont les effets collatéraux ont largement affecté le peuple burkinabé, le président Blaise Compaoré n'a pas résisté à la solution la plus radicale. Il trouvera en appui à sa posture, le président Abdoulaye Wade qui, en plus de s'inquiéter pour les conséquences qu'une nouvelle crise pourrait avoir sur le Sénégal, ne manque pas de griefs

71

Supérieur, (De Boeck), Les conséquences de la crise ivoirienne sur les pays sahéliens

enclavés: un premier tour d'horizon, in Afrique contemporaine, N° 205, 2003, p10

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personnels à l'encontre de Laurent Gbagbo dont il souhaite le départ dans les plus brefs délais.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci