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Les déterminants géopolitiques des difficultés de la gestion communautaire des conflits en Afrique de l'Ouest. La CEDEAO face au règlement de la crise post-électorale de 2010-2011 en Côte-d'Ivoire.


par Christophe C. H DAVAKAN
Institut de Relations Internationales et Stratégiques - Paris - Master 2 en stratégie internationale 2018
  

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2. Les espoirs déçus de la CEDEAO

Par la résolution 1464 du 4 février 2003, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a fait de la CEDEAO le coeur battant du dispositif de rétablissement de la paix en autorisant l'ECOFORCE à imposer avec l'appui de la force française Licorne, la paix en Côte d'Ivoire en référence au chapitre VII de la charte des Nations Unies. Consolidé par ce mandat onusien, la CEDEAO reprend l'initiative pour faire avancer le processus de paix. Le 6 mars 2003, à l'initiative du nouveau président en exercice de l'organisation, le ghanéen John Kufuor, les leaders des différentes forces politiques ivoiriennes ont tenu une réunion de concertation à Accra afin de mettre en place le gouvernement de réconciliation dirigé par le Premier ministre Seydou Diarra, conformément aux Accords de Linas-Marcoussis.

Sur le plan militaire, la Commission Défense et Sécurité de la CEDEAO obtient une redéfinition de la Mission des Nations Unies en Côte d'Ivoire (MINUCI) créée par la résolution 1479 du 13 mai 2003 par le Conseil de Sécurité qui deviendra une opération de maintien de paix. La MUNICI est ainsi muée en "Opération des Nations Unies en Côte

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d'Ivoire, ONUCI."44Mais l'accalmie observée sur le champ militaire suite à la mise en place du dispositif ONUCI-ECOFORCE-LICORNE de maintien de paix contraste avec les convulsions qui continuent d'avoir cours sur le terrain politique.

En effet, le président Laurent Gbagbo qui n'avait accepté de lâcher du lest qu'à son corps défendant pour permettre la conclusion des Accords de Linas-Marcoussis qui le dépouillaient d'une bonne partie de ses prérogatives présidentielles au profit du Premier ministre, fait de la résistance dans la mise en oeuvre des réformes prévues. Le bras de fer entre le Président et le Premier ministre appuyé par les forces politiques de l'opposition paralyse très rapidement le gouvernement de transition. Le président ghanéen, John Kufuor encouragé par le secrétaire Général des Nations Unies, Kofi Annan invite à nouveau les protagonistes de la crise à Accra le 30 juillet 2004 à un sommet extraordinaire des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la Communauté. Ce sommet auquel prit part aussi le président Thabo Mbéki en qualité de président de l'Union africaine était destiné à aplanir les difficultés survenues dans l'application des Accords de Linas-Marcoussis, et lever les blocages du processus de paix. Les Accords obtenus à l'issue du sommet dits Accords d'Accra II ont relancé les activités du gouvernement de transition paralysé depuis un moment par des clivages internes. Mais très tôt, des dissensions au sommet de l'exécutif de transition apparaissent à nouveau et s'amplifient, au point où le 20 octobre, "la CEDEAO tire sur la sonnette d'alarme et dit exprimer avec préoccupation l'absence de progrès enregistré dans le processus de paix en Côte d'Ivoire."45

Sur le théâtre des opérations militaires, les Forces Armées Nationales de Côte d'Ivoire (FANCI), toujours restées sous le commandement du président de la république de Côte d'Ivoire violent le cessez-le-feu en bombardant les villes de Bouaké, Yamoussoukro et Korhogo. Cette opération qui fait plusieurs dizaines de victimes civiles et militaires, dont neuf soldats français est unanimement condamnée par la communauté internationale.

44 L'ONUCI a été constituée en application de la résolution 1528 du 27 février 2004 qui fait suite à la résolution 1464 autorisant la mise en place de la MINUCI et de l'ECOFORCE. Déployée initialement pour une période de 12 mois, son mandat sera régulièrement prolongé jusqu'à la fin du processus électoral en Côte d'Ivoire.

45 BAPIDI, (Didier), La CEDEAO dans la crise ivoirienne : 2002-2007, contribution de l'organisation sous régionale dans la recherche d'une solution pacifique au conflit ivoirien, Saarbr·cken, Presses Académique francophones, 2015, p 61

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Face à ce nouveau constat d'échec des efforts de la CEDEAO que le camp présidentiel ivoirien récuse à mots couverts, soupçonnant toujours un certain nombre de pays membres d'être opposés à ses intérêts, L'Union africaine se résout à prendre le relais dans la médiation. Le 6 novembre 2004 le président nigérian, Olusegun Obasanjo, président en exercice de l'organisation continentale organise à Ota au Nigeria des consultations avec la Commission de l'Union africaine et la CEDEAO. L'Union africaine mandate à l'issue de son sommet de novembre 2004 à Abuja, le président Thabo Mbeki comme médiateur de la crise ivoirienne. Le président sud africain, très déterminé à sauver la face de l'Afrique qui a déjà suffisamment montré ses faiblesses dans la résolution de ce conflit, invite dès le 6 avril 2OO5 à Pretoria les principaux leaders ivoiriens dont le Président Laurent Gbagbo, le Premier ministre Seydou Diarra et le Secrétaire Général des FNCI,46 Guillaume Soro. Les négociations basées sur les plateformes de Linas-Marcoussis, de Accra I et Accra II ainsi que les résolutions des Nations Unies débouchent sur la volonté partagée par toutes les parties d'organiser l'élection présidentielle en octobre 2005. Le président Gbagbo, visiblement plus rassuré par la médiation sud africaine finit par céder sur la question de l'éligibilité d'Alassane Ouattara à la présidentielle, qui était pour lui un point non négociable depuis les Accords de Linas-Marcoussis.

Quand on se réfère aux mobiles ayant conduit à la rébellion, cette concession de Laurent Gbagbo constitue une avancée considérable dans la résolution du conflit. Mais très tôt de nouveaux points de discorde liés notamment à l'établissement des listes électorales apparaissent et le processus de paix s'embourbe à nouveau. On assistera même à une escalade de la violence qui va se solder par un massacre de plusieurs dizaines de personne dans l'ouest du pays. Les Accords de Pretoria I ainsi plombés vont conduire à Pretoria II le 29 juin 2005, mais les parties maintiennent la date du 30 octobre pour la tenue de l'élection présidentielle.

Les tiraillements finiront par avoir raison de cet agenda électoral et, aux querelles déjà existantes, va s'ajouter la question du maintien au pouvoir de Laurent Gbagbo comme président de la république au delà de la date du 30 octobre (son mandat constitutionnel devant déjà arriver à terme). Statuant sur un rapport de la CEDEAO sur la situation, l'Union africaine

46 Les FNCI (Forces Nouvelles de Côte d'Ivoire), sont une coalition de mouvements rebelles composée du MPCI, du MPIGO et du MJP, qui ont pris part aux différentes étapes des négociations du processus de paix en Côte d'Ivoire

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constate tout comme les leaders ivoiriens l'impossibilité d'organiser l'élection présidentielle à cette date et proroge le mandat du président Gbagbo d'un an à compter du 31 octobre 2005. Mais son pouvoir sera vidé de ces prérogatives substantielles qui seront attribuées au nouveau Premier ministre de consensus, Charles Konan Banny, conformément à la résolution 1633 adoptée par le Conseil de Sécurité sur la base des recommandations de la CEDEAO et de l`UA. Gbagbo qui dénonce une "mise sous tutelle de fait de son pays" par cette résolution s'engage dans un bras de fer et se dit déterminé à exercer ses pouvoirs constitutionnels. L'impasse se crée à nouveau car à la date du 30 octobre 2006 l'élection présidentielle n'a pas pu se tenir. Le président Laurent Gbagbo brave encore la résolution 1721 adoptée le 1er novembre 2006 à la suite de nouvelles recommandations de la CEDEAO et de l'UA et propose ce qu'il appelle "un dialogue direct " avec le Secrétaire Général des FNCI. Conscient que le rapport de force se joue entre lui et les mouvements rebelles, désormais appelés FNCI, le président ivoirien ne rechigne même plus à se soumettre à la médiation du président Blaise Compaoré qu'il accusait directement de soutenir la rébellion. Les laborieuses négociations engagées sous l'égide du président burkinabé en qualité de président exercice de la CEDEAO aboutissent à la conclusion des Accords politiques de Ouagadougou le 4 mars 2007.

C'est finalement ces Accords politiques de Ouagadougou essentiellement conclus grâce à l'entregent personnel du Chef de l'Etat Burkinabé, qui partagent le pouvoir exécutif entre le Président Laurent Gbagbo et son nouveau Premier ministre, Guillaume Soro qui vont ressusciter de réels espoirs de sortie de crise. L'élection présidentielle prévue comme ultime étape du processus de sortie de crise et maintes fois reportée pour cause de divergences liées notamment à la question du désarmement et à l'établissement des listes électorales finit par se tenir le 31 octobre 2010. Mais si les Accords de Ouagadougou et la tenue de la présidentielle peuvent apparaître à juste titre comme une reprise en main par la CEDEAO du processus de paix, couronné par un relatif succès, le second tour du scrutin organisé le 28 novembre 2010 va déboucher sur une crise dont le bilan humanitaire sera sans précédent dans l'histoire de la Côte d'Ivoire.

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