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Les déterminants géopolitiques des difficultés de la gestion communautaire des conflits en Afrique de l'Ouest. La CEDEAO face au règlement de la crise post-électorale de 2010-2011 en Côte-d'Ivoire.


par Christophe C. H DAVAKAN
Institut de Relations Internationales et Stratégiques - Paris - Master 2 en stratégie internationale 2018
  

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B. L'implication de la CEDEAO dans le processus de rétablissement de la paix

Dès le lendemain des attaques du 19 septembre 2002 à Abidjan, Bouaké et Korhogo, visant le renversement du pouvoir de Laurent Gbagbo, la CEDEAO a promptement réagi. Le premier acte de l'organisation sous régionale a été la condamnation par un communiqué signé de son Secrétaire Exécutif Mohammed Ibn Chambas des violences perpétrées en Côte d'Ivoire. S'appuyant sur les dispositions du Protocole additionnel de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance, le communiqué de la CEDEAO dénonce " une conduite inconstitutionnelle" des rebelles et fait remarquer que " ces évènements sont préoccupants du fait qu`ils compromettent les efforts déployés pour instaurer une culture démocratique dans la

39 MEMIER, (Marc) et LUNTUMBUE, (Michel), Op Cit, p 13

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sous-région ouest africaine". 40Ensuite, dès le 23 septembre un sommet extraordinaire des Chefs d'Etat et de Gouvernement est convoqué par le président en exercice, le Chef de l'Etat sénégalais, Abdoulaye Wade. Ce sommet qui se tiendra finalement après un report de quelques jours à Accra dans la capitale ghanéenne, et élargi au président en exercice de l'OUA, le sud africain Thabo Mbeki et son Secrétaire Général Amara Essy ainsi que le représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, ira au delà de la simple condamnation de la rébellion en Côte d'Ivoire. Après avoir réaffirmé la position de la CEDEAO aux termes de laquelle "aucune reconnaissance ne sera accordée à tout gouvernement qui prendra le pouvoir en renversant un gouvernement démocratiquement élu ou en utilisant des moyens anticonstitutionnels",41 le sommet a décidé de la création d'un groupe de contact de haut niveau. Ce groupe de contact composé des Chefs d `Etat du Ghana, de la Guinée-Bissau, du Mali, du Niger, du Nigeria et du Togo aura pour mission « d'établir le contact avec les assaillants, les amener à cesser immédiatement les hostilités, ramener le calme dans les localités occupées et négocier un cadre général de règlement de la crise ». Mais si ce sommet a l'avantage de prouver une fois encore la réactivité de la CEDEAO et son attachement à la culture démocratique dans l'espace ouest africain, il permet tout de même à l'organisation sous régionale de se rendre compte que le règlement de cette crise ne serait pas une sinécure.

1. La CEDEAO face aux impondérables de la crise

Deux faits étonnants se dégagent du communiqué final du sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement de la CEDEAO d'Accra. Il s'agit de la reconnaissance officielle des forces rebelles comme des « assaillants », et de l'abstention de l'organisation communautaire de décider de l'envoi d'une force d'interposition entre les belligérants. En créant un groupe de contact «missionné« pour prendre contact avec les forces rebelles et « négocier un cadre général de règlement de la crise », la CEDEAO entreprend ainsi une médiation devant amener les protagonistes de la crise autour d'une table de discussion. On s'étonne que tout en faisant une telle option, l'organisation qualifie les forces rebelles d' « assaillants » et se contente

40 www.panapress.com, la CEDEAO condamne la mutinerie en Côte d'Ivoire, 20 septembre 2002

41 CEDEAO, Communiqué Final du Sommet extraordinaire des Chefs d'Etat et de Gouvernement sur la situation en Côte d'Ivoire, Accra, 29 septembre 2002

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d'inviter ces derniers à « déposer les armes et de régler leurs différends avec le gouvernement par des voies pacifiques » sans envisager immédiatement la mise en place d'une force d'interposition alors que les violences continuent de se répandre dans plusieurs régions de la Côte d'Ivoire.

De toute évidence, cette position de l'organisation communautaire ne s'est pas manifestée ex nihilo. Elle procède plutôt d'un certain nombre de préoccupations chères au président ivoirien Laurent Gbagbo, que ce dernier a défendu bec et ongles lors du sommet d'Accra.

Premièrement, le Chef de l'Etat ivoirien qui, dès le début de la crise avait pointé du doigt le Burkina Faso comme instigateur des attaques contre son pays préférait faire jouer les accords de défense entre la Côte d'Ivoire et la France. Dans cette optique il était capital pour le gouvernement ivoirien de faire accepter implicitement à la CEDEAO que les attaques perpétrées contre son pays étaient menées par des « assaillants », donc des forces armées extérieures à la Côte d'Ivoire et non des groupes rebelles de l'intérieur.

En réussissant à faire adopter par le sommet un communiqué final à sa mesure, le président ivoirien cherchera durant cette période comme le fait remarquer Hugo Sada "à se prévaloir des conclusions du sommet d'Accra pour limiter les effets d'une dynamique régionale dont il perçoit alors le triple risque: celui de l'irruption dans le jeu ivoirien des pays de la région, dont beaucoup, à ses yeux, lui sont hostiles, soutiennent les rebelles ou sont proches d'Alassane Ouattara ; celui de la mise en place d'une force d'interposition qui, de facto, protégerait les positions des rebelles dans le nord et l'ouest du pays, et donc l'empêcherait de mettre en oeuvre une solution militaire ; et celui d'une médiation qui donnerait aux rebelles un statut d'opposants reconnus postulants à un partage du pouvoir en Côte d'Ivoire, avec de nouvelles règles constitutionnelles et d'éventuelles élections anticipées. "42On voit dans la démarche du président ivoirien une manière à peine voilée d'éviter la prise en main totale du processus de paix par la CEDEAO.

42 SADA, (Hugo), Le conflit ivoirien : enjeux régionaux et maintien de la paix en Afrique, in Politique étrangère, N°2, 2003, p 323

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Mais s'il est parvenu grâce à une interposition de la France43, au motif officiel avancé par l'Hexagone de protéger les ressortissants français et étrangers vivant en Côte d'Ivoire, à contenir les rebelles au delà de Yamoussoukro, le président ivoirien n'a pas réussi à faire jouer l'accord de défense entre les deux Etats. En qualifiant le conflit d'ivoiro-ivoirien, la France s'est refusée à toute immixtion dans les affaires intérieures de la Côte d'Ivoire et se cantonne dans un rôle, suspect aux yeux du pouvoir ivoirien, de protecteur de ses ressortissants et des étrangers.

Sur le plan du règlement politique de la crise qui est à la charge de la CEDEAO, le groupe de contact mis en place par le sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement éprouve de difficultés à dérouler sa feuille de route. Ses premières négociations eu vue d'un cessez le feu ont échoué. Mieux, la diplomatie parallèle mise en oeuvre par le Ministre sénégalais des Affaires Etrangères, à l'initiative du président Abdoulaye Wade en sa qualité de président en exercice, et appuyée par le Secrétaire Exécutif de l'Organisation n'a pas pu prospérer du fait d'inextricables rivalités politiques régionales. Le président en exercice, Abdoulaye Wade est accusé par certains de ses pairs de prendre des initiatives trop solitaires. D'autres Chefs d'Etat de la sous-région, soucieux d'utiliser le règlement de cette crise à des fins personnelles ne cachent plus leurs envies de leadership dans la médiation.

L'organisation communautaire qui obtient tout de même un cessez-le-feu le 17 octobre sans pour autant éviter que le conflit s'étende dans l'est et le sud-ouest de la Côte d'Ivoire avec l'apparition de nouveaux mouvements rebelles, à savoir le MJP et le MPIGO prend conscience de l'enlisement de sa mission. En attendant les propositions de la Commission Défense et Sécurité chargée d'examiner les modalités de la mise en oeuvre d'une Force de Paix, le président Gnassingbé Eyadema du Togo prend le relais en tant que coordonateur de la médiation. S'il parvient à accorder les protagonistes de la crise sur le volet militaire, il ne progresse guère quant aux solutions politiques. L'échec de la CEDEAO dans la recherche d'une solution globale et immédiate à la crise ivoirienne se révèlera au grand jour au sommet extraordinaire de l'organisation tenu à Dakar le 18 décembre 2002 par l'indifférence consciente ou non affichée par de nombreux Chefs d'Etat qui ont brillé par leur absence. Seulement quatre Chefs d'Etat sur quinze étaient présents à Dakar!

43 Dès le 22 septembre 2002, la France envoie en Côte d'Ivoire les premiers renforts militaires pour assurer la sécurité des étrangers dont quelque 3000 seront évacués. Une force française s'installe à Yamoussoukro pour empêcher la progression des forces en conflit.

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Dans l'esprit de sa nouvelle diplomatie d'après la chute du mur de Berlin en Afrique, fondée sur le principe de "ni ingérence, ni indifférence", la France constate l'incapacité de plus en plus visible de la CEDEAO à assurer la médiation, et essaie de reprendre la main. Elle obtient du Sénégal qui assurait toujours la présidence de l'organisation que la situation ivoirienne soit portée devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Concomitamment, l'ancienne puissance coloniale prend l'initiative d'inviter toutes les forces politiques ivoiriennes pour une table ronde à Linas-Marcoussis en territoire français, suivi d'un sommet qui a réuni à l'avenue Kleber à Paris les Chefs d'Etat directement concernés par la crise ainsi que les représentants de l'ONU, de l'Union européenne, l'Union africaine et de la CEDEAO. Les Accords politiques sortis de ses assises, appelés Accords de Linas-Marcoussis ou Accords Kleber vont mettre fin aux hostilités et susciter de réels espoirs pour l'aboutissement du processus de sortie de crise. Dépitée tout de même par son incapacité malgré les heureuses perspectives qui se dégagent de ces Accords, la CEDEAO se verra quelque peu consolider dans sa mission dans la crise ivoirienne par le Conseil de Sécurité des Nations Unies.

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