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Les déterminants géopolitiques des difficultés de la gestion communautaire des conflits en Afrique de l'Ouest. La CEDEAO face au règlement de la crise post-électorale de 2010-2011 en Côte-d'Ivoire.


par Christophe C. H DAVAKAN
Institut de Relations Internationales et Stratégiques - Paris - Master 2 en stratégie internationale 2018
  

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2. Les causes liées à l'instabilité de la sous-région ouest africaine

La fin de la guerre froide a eu comme conséquence immédiate entre autres le désengagement des puissances occidentales de l'Afrique. Cette situation vécue comme un "lâchage" par nombre de régimes dictatoriaux qui trouvaient leur soupape de sécurité dans les rivalités du monde bipolaire a entrainé des mouvements de contestations qui ont souvent débouché sur des luttes armées internes. L'Afrique de l'ouest a été particulièrement agitée en cette période où les luttes de pouvoir, attisées par la soif de démocratisation ont favorisé dans certains pays des affrontements internes, souvent d'une violence inouïe. "Ainsi, la dynamique de régionalisation de l'insécurité en Afrique de l'ouest s'est déclenchée en 1989 lorsque Charles Taylor, un membre de l'élite libérienne, a lancé une rébellion armée contre la dictature de Samuel Doe au Liberia."35 A la faveur des jeux d'alliances nouées sur fond de calculs politiques régionaux et de l'implantation transnationale des ethnies dans la région, le conflit libérien s'est très vite exporté en Côte d'Ivoire. Derrière l'affrontement entre les forces rebelles conduites par Charles Taylor et les forces gouvernementales du président Samuel Doe, on retrouve une lutte de pouvoir entre deux ethnies, à savoir les Khrans dont est issu Samuel Doe et les Gio, ethnie de Charles Taylor. Or les Khran qu'on identifie au Guéré de l'ouest de la Côte d'Ivoire avec lesquels ils parlent la même langue ont très tôt après la chute de Samuel Doe fait de l'ouest ivoirien avec le soutien de Laurent Gbagbo, leur base arrière pour continuer la lutte contre Charles Taylor.

Dans sa quête des appuis régionaux pour la conquête du pouvoir, Laurent Gbagbo avait dès les années 1980 établi des contacts avec Samuel Doe dont il soutiendra les proches même après l'arrivée au pouvoir de Charles Taylor. Ce dernier, naguère soutenu dans sa rébellion contre le pouvoir en place à Monrovia par le défunt Président ivoirien Félix Houphouët-Boigny par l'intermédiaire de son chef d'état major d `alors qui n'était autre que le Général Robert Guéï avait des raisons d'en vouloir au pouvoir de Laurent Gbagbo. Ce passif contribuera remarquablement à complexifier le conflit ivoirien qui, à l'origine a été déclenché par un groupe de militaires essentiellement issus des communautés ethniques du nord de la Côte d'Ivoire pour des légitimes besoins identitaires. Mais très tôt, Charles Taylor qui cherchait depuis longtemps les moyens pour saper la base arrière des Khran que se trouve être l'ouest de la Côte d'Ivoire n'hésite pas à s'inviter dans le conflit. Avec l'intention à peine voilée de faire tomber Laurent Gbagbo, le président libérien soutien la création sur le

35 MEMIER, (Marc) et LUNTUMBUE, (Michel), Op Cit, p 11

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territoire ivoirien de groupes rebelles connexes qu'il entraine et arme. Selon un rapport de l'ONG britannique Global Witness, le MPIGO et le MJP, deux groupes ayant rejoints la rébellion dans l'ouest de la Côte d'Ivoire serait composé « à 90% des mercenaires libériens et sierra léonais, pour la plupart provenant de l'ancien RUF ou des forces de sécurité de Taylor ».36

En face, Laurent Gbagbo que les luttes de pouvoir avait rapproché de Samuel Doe, donc des Khran du Liberia désormais refugiés dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire, apparentés aux Guéré dont le Président ivoirien bénéficie du soutien, n'a pas eu de difficultés à recruter et armer des anciens membres du LURD37 pour l'appuyer contre la rébellion. Ainsi, des combattants du LURD ont été recrutés et armés pour combattre aux côtés des FANCI (Forces Armées Nationales de Côte d'Ivoire). Un accord avait même été conclu selon lequel « les Khran libériens participeraient à la guerre menée par Gbagbo en échange de quoi leur serait accordés le libre passage au Liberia et une aide militaire pour renverser Taylor ».38 L'appropriation du conflit ivoirien par les factions en opposition au Liberia était telle que parfois les combats sur le théâtre ivoirien n'opposaient que des libériens entre eux, comme l'illustre la bataille de Toulepleu au début de l'année 2003.

D'un autre côté, la situation politique d'avant le 19 septembre 2002 devenue de plus en plus délétère en Côte d'Ivoire semblait ne pas laisser indifférent le Burkina Faso qui avait deux raisons fondamentales de se préoccuper du climat politique interne de son grand voisin. D'abord en tant que pays enclavé, ne disposant pas d'un accès direct à la côte maritime le Burkina est tributaire de la Côte d'Ivoire pour ses échanges commerciaux avec l'extérieur. L'essentiel du trafic burkinabé en matière d'importation et d'exportation transite par le Port d'Abidjan. Ensuite on relève sur le sol ivoirien une forte diaspora burkinabé constituée essentiellement d'agriculteurs et d'ouvriers estimés à plus de trois millions, et dont les

36 COMARIN, (Elio), Côte d'Ivoire : comment Taylor contrôle l'Ouest via le MPIGO et le MJP, www1.rfi.fr, 03 avril 2003

37 Le LURD (Libériens Unis pour la Réconciliation et la Démocratie) est un rassemblement de factions armées de l'ancien ULIMO (Mouvement Unifié pour la démocratie au Libéria) qui combattait le NPFL (Front Patriotique National de Libération du Liberia) de Charles Taylor. La fraction Khran du LURD basée dans l'ouest ivoirien était totalement acquise à la cause de Laurent Gbagbo.

38 ERO, (Comfort), et MARSHALL, (Anne), L'ouest de la Côte d'Ivoire : un conflit libérien ? in Politique Africaine N°89, mars 2003, p 97

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transferts financiers réguliers dans leur pays d'origine représente un pactole non négligeable pour l'économie nationale. Le Burkina, pour ces raisons majeures s'est toujours intéressé de très près au développement de la situation politique en Côte d'Ivoire." Après le déclenchement de la rébellion, le soutien du régime de Blaise Compaoré à la cause des rebelles ivoiriens s'est vérifié à travers un appui politique et militaire. Les leaders du mouvement rebelles du MPCI ont effectué plusieurs voyages à Ouagadougou durant l'insurrection armée pour « prendre des instructions ou informer les autorités », et ce jusqu'au plus haut niveau de l'Etat".39

Quoique déclenché par une forte crispation politique interne, le conflit ivoirien de septembre 2002 a trouvé un terrain favorable dans un environnement où la conflictualité régionale présentait déjà une sérieuse menace. La guerre civile qui a commencé au Liberia en décembre 1989 et qui a déstabilisé par la suite la Sierra Leone avant de s'exporter brièvement sur le territoire Guinéen avait déjà suffisamment miné la Côte d'Ivoire pour qu'une rébellion ne prenne pas des allures assez complexes dans son évolution. C'est donc à une crise aux ramifications régionales multiples et insoupçonnées que doit faire face la CEDEAO qui s'est promptement portée au chevet de la Côte d'Ivoire pour essayer d'endiguer le conflit et proposer sa médiation.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway