![]() |
Les déterminants géopolitiques des difficultés de la gestion communautaire des conflits en Afrique de l'Ouest. La CEDEAO face au règlement de la crise post-électorale de 2010-2011 en Côte-d'Ivoire.par Christophe C. H DAVAKAN Institut de Relations Internationales et Stratégiques - Paris - Master 2 en stratégie internationale 2018 |
Deuxième Partie:De la crise post-électorale au
rétablissement de la légitimité
|
48 |
Voir communiqué final en annexe 2 |
54
assignée de convaincre Laurent GBAGBO à reconnaître sa défaite et céder le pouvoir à Alassane Ouattara. Après avoir rencontré le Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations-unies en Côte d'Ivoire, Young Jin Choi, les trois Chefs d'Etat ont eu une longue entrevue de plus de trois heures avec le président Laurent Gbagbo au palais présidentiel avant d'aller rencontrer Alassane Ouatttara et ses soutiens réfugiés depuis la proclamation des résultats du second tour de la présidentielle à l'hôtel du Golfe sous forte protection des soldats de l'ONUCI, la mission des Nations-Unies en Côte d'Ivoire. Malgré son opiniâtreté, l'équipe des trois Chefs d'Etat est reparti d'Abidjan sans aucune avancée dans la résolution pacifique de la crise. Laurent Gbagbo reste campé sur sa position de vainqueur «légitimé« par le Conseil Constitutionnel dont il excipe les «preuves« pour convaincre la mission, tandis que Alassane Ouattara et son camp sont demeurés persuadés de leur victoire et estiment que « le statut de président de la République de Monsieur Ouattara n'est pas négociable«. En termes clairs, les positions des uns et des autres sont encore loin de bouger.
Sur le terrain, la tension devient de plus en plus palpable. Le camp Ouattara lance un appel à une grève générale eu vue de paralyser l'activité économique dans le pays et contraindre Gbagbo à céder le pouvoir. Peu suivi les premiers jours, le mouvement finira par perturber significativement l'activité économique à Abidjan et dans plusieurs villes à l'intérieur du Pays. Ce mouvement intervient dans un contexte de blocus financier décrété par l'UEMOA49 et les institutions de Brettonwood. En effet, conformément aux mesures de rétorsion prises à l'encontre du gouvernement illégitime de Laurent Gbagbo par la CEDEAO pour le contraindre à céder le pouvoir, l'UEMOA a pris une séries de mesures dont l'objectif est de pousser le pouvoir Gbagbo à une cessation de paiement. Ainsi, dès le 26 janvier 2011 les agences de la banque centrale , BCEAO50 devraient fermer sur toute l`étendue du territoire de la Côte d'Ivoire. Toutes les agences des banques primaires ivoiriennes seront déconnectées du système bancaire de la sous-région, isolant ainsi le pays de toute possibilité de transaction avec les autres Etats de l'UEMOA. Le pays va se trouver rapidement confronté à un assèchement de liquidité qui va durement impacter les activités économiques. L'UEMOA a
49
UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine) est une organisation qui a pour mission l'intégration économique des Etats membres, à travers le renforcement de la compétitivité des activités économiques en favorisant au sein de l'espace ouest-africain l'accès à un marché concurrentiel et juridiquement encadré. Il regroupe les pays ouest africain ayant en partage le franc CFA.
50 |
BCEAO ( Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest) |
55
également demandé à la BCEAO de prendre les dispositions pour récuser la signature du gouvernement Gbagbo. Ces différentes mesures auxquelles viendront s'ajouter celles de la Banque mondiale et du FMI qui ont suspendu tous leurs programmes en cours avec la Côte d'Ivoire vont notablement corser la situation économique et sociale du Pays au début de l'année 2011.
La colère monte dans le camp Gbagbo et des actes de violence sont de plus en plus enregistrés, notamment à Abidjan. A Yopougon, quartier populaire à la périphérie d'Abidjan et très favorable au président Gbagbo un convoi de la mission des Nations-Unies est pris à partie et des véhicules incendiés. Un casque bleu s'est vu le bras tranché à la machette par une foule surexcitée de partisans de Gbagbo.
Sur la plan diplomatique, le nouveau gouvernement nommé par Gbagbo à la suite de son investiture contestée et dirigé par Aké Ngbo brandit la menace de renvoyer tous les chefs de missions diplomatiques dont les pays reconnaîtraient les ambassadeurs ivoiriens entre-temps nommés par Alassane Ouattara et son gouvernement dirigé par Guillaume Soro. Ceci d'autant plus que « dans le sillage des Nations-Unies qui ont accepté les lettres de créances de Youssouf Bamba, nouvel ambassadeur nommé par Alassane Ouattara, les pays de la région devraient en faire de même«.51
Face à cette escalade de la tension que va sûrement amplifier la bactérie de sanctions à venir dans l'esprit de l'approche de sanctions graduelles adoptée par la CEDEAO, une nouvelle mission de l'organisation sous-régionale se rend à Abidjan le 3 janvier, effectuée par le même groupe de Chefs d'Etats mandatés par le précédent sommet extraordinaire de la CEDEAO. Mais le président Laurent Gbagbo s'obstine toujours à revendiquer sa victoire et une fois de plus, invite à un recomptage des suffrages du scrutin du 28 novembre et refuse tous les aménagements proposés pour lui offrir une retraite paisible. Ce nouvel échec des négociations semble pousser la CEDEAO à une espèce de radicalisation.