Le juge et le contrat de bail à usage professionnel en droit OHADA.par Giovanni Thiam Omontayo HOUNKPONOU Faculté de Droit et de Sciences Politiques de l'Université d'Abomey-calavi (BENIN) - Master 2 en Droit et Institutions Judiciaires 2015 |
Paragraphe 2La dispense de paiement d'une indemnité d'évictionLe propriétaire qui refuse, le renouvellement et donne les motifs échappe au paiement de l'indemnité (article 127 AUDCG). Le droit de reprise c'est le droit de reprendre son immeuble sans être tenu à une sanction pécuniaire.La propriété commerciale est surtout affaiblie par la reprise pour reconstruire ou pour habiter En effet, deux cas ou le bailleur peut refuser le renouvellement sans être tenu au paiement d'aucune indemnité : premièrement, s'il justifie de griefs graves et légitimes à l'égard du preneur sortant44(*) (A) ; deuxièmement, s'il est établi que l'immeuble doit être totalement ou partiellement démoli et de le reconstruire45(*) (B) à raison de son insalubrité ou des dangers qu'il présente. A. La justification d'un motif grave et légitime contre le preneurLes motifs graves et légitimes, ce sont, en général, soit le défaut de paiement du loyer et des charges, soit la cessation sans raison sérieuse et légitime de l'exploitation du fonds, soit encore toute faute contractuelle comme la dégradation ou le défaut d'entretien du local, l'inexécution des travaux incombant au locataire, la transformation matérielle des lieux et les travaux exécutés sans autorisation du propriétaire, le changement de destination en dehors des cas où il est autorisé, les cessions ou sous-locations irrégulières et même des fautes extracontractuelles telles que des violences du locataire sur le bailleur46(*), des propos injurieux et grossiers à son égard ou encore des accusations mensongères publiées contre lui par un locataire propriétaire d'un journal47(*). Conformément à l'article 127 al 2 de l'AUDCG, le bailleur peut s'opposer au renouvellement sans payer l'indemnité s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du preneur sortant. Cela peut être la violation d'une obligation contractuelle, travaux ou changement de destination des lieux loués sans autorisation du bailleur, dégradations diverses, sous location interdites, caractère immoral du commerce exploité et surtout non-paiement ou paiement irrégulier des loyers et aussi défaut du fonds sont les manquements les plus invoqués. Pour le législateur communautaire, ce motif doit consister soit dans l'inexécution par le locataire d'une obligation substantielle du bail, soit encore dans la cessation de l'exploitation de l'activité ; ce motif ne peut être invoqué que si les faits se sont poursuivis ou renouvelés plus de deux mois après une mise en demeure du bailleur, par signification d'huissier de justice ou notification par tout moyen permettant d'établir la réception effective par le destinataire, d'avoir à faire cesser.Il faut aussi préciser que la plupart des causes de non renouvellement sans indemnité pour violation d'une obligation contractuelle sont aussi des causes de résiliation du bail.
Compte tenu de la gravité de la sanction que représente pour le locataire la perte de son bail sans indemnité, l'exigence est faite désormais, pour que l'infraction commise par le locataire puisse être invoquée comme motif de refus, que le bailleur commence par mettre le locataire en demeure de cesser son infraction. Il en est ainsi du moins quand il s'agit soit de l'inexécution d'une obligation soit de l'interruption ou la cessation de l'activité de fonds, en somme d'une infraction continue. Mais le bailleur n'a pas un droit acquis au non renouvellement sans indemnité. Il a la preuve des faits. Il lui faudra encore convaincre le juge de la gravité et de l'illégitimité des fautes du locataire. Ces motifs graves et légitimes sont appréciés souverainement par les tribunaux48(*). Si le motif est jugé grave et légitime, le locataire perd tout droit à renouvellement et à indemnité. Il ne lui reste plus qu'à quitter les lieux. Si au contraire, le congé est jugé injustifié, le tribunal ne peut pas imposer au bailleur le renouvellement du bail, s'il continue de s'y opposer. Il considèrera qu'il s'agit d'un congé avec indemnité ; mais le bailleur peut exercer un droit de repentir et offrir le renouvellement du bail. * 44 Article 127-1 de l'AUDCG * 45 Article 127-2 de l'AUDCG * 46 C. A. Rouen, 16 janvier 1970, D, 1960, som.201. * 47Cass. Civ., 20 juin 1977, B, III.295. * 48Cass. Civ., 9 avril 1970, JCP, G, 1970, II.16.477. |
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