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Le juge et le contrat de bail à  usage professionnel en droit OHADA.


par Giovanni Thiam Omontayo HOUNKPONOU
Faculté de Droit et de Sciences Politiques de l'Université d'Abomey-calavi (BENIN) - Master 2 en Droit et Institutions Judiciaires 2015
  

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Paragraphe 2

Les attributions du juge compétent dans la résiliation du bail à usage professionnel

Comme nous l'avons relevé supra, le juge du fond (tribunal d'instance) est, en principe, seul compétent pour prononcer la résiliation du bail à usage professionnel et trancher ainsi définitivement le contentieux né de l'inexécution par l'une des parties de ses obligations. Il ordonnera, le cas échéant, l'expulsion du preneur ainsi que de tout occupant de son chef.

En présence d'une clause résolutoire de plein droit, dans certains cas, le juge du fond se limitera à constater la résiliation du bail et ordonnera l'expulsion du preneur ainsi que de tout occupant de son chef.

Il parait important de rappeler ici que le contentieux de la résiliation du bail commercial fait partie des affaires urgentes (l'article 133 de l'acte uniforme sur le droit commercial général exigeant de la juridiction compétente de statuer à « bref délai ») et doit donc être directement traité par la chambre saisie sans renvoi en mise en état. Dans une première approche, nous examinerons l'attribution classique des juges des référés et du fond (A), ensuite celle particulière du juge béninois (B).

A. L'attribution classique des juges des référés et du fond

Le juge des référés est d'abord celui de l'urgence, de l'absence de contestation, c'est-à-dire de l'évidence et du provisoire, il faut noter que le bail à usage professionnel est l'une des matières dans lesquelles la jurisprudence s'est efforcée de fixer avec plus ou moins de bonheur sa compétence.

La question ne présente pas de difficultés majeures si l'occupant est dépourvu de titre d'occupation. Le juge des référés constate le défaut de ce titre. L'occupation s'assimilant à une voie de fait, le juge des référés peut y mettre fin à la diligence du propriétaire et de tous ayants droit132(*). Mais l'article 133 suppose que l'occupant est muni d'un titre que cette disposition entend anéantir.

En l'état, deux situations peuvent se présenter. D'une part, les parties ont prévu une clause résolutoire. En vertu du principe de l'autonomie de la volonté, la clause résolutoire lie, non seulement les parties, mais également le juge. Juge des constats tirés de l'évidence, le juge des référés constate la résiliation de droit et ordonne l'expulsion133(*). Dans ce cas, le bailleur ou le preneur n'est pas contraint de solliciter la résiliation judiciaire lors même que la résiliation de droit est établie.

D'autre part, les parties n'ont pas prévu de clause résolutoire. C'est le cas lorsque le bail n'est pas constaté par écrit134(*), ou que, même écrit, la résiliation conventionnelle n'a pas accroché l'intention des parties. C'est ici le champ de l'article 133 de l'AUDCG, lorsque l'occupant ne respecte pas les conditions du bail.

L'article 133 discuté renvoie alors devant la « la juridiction compétente statuant a bref délai » « la résiliation du bail et l'expulsion du preneur ». En effet, le bailleur est-il tenu, dans cette hypothèse, de formuler ensemble des demandes en résiliation et en expulsion ? Ne pourrait-il pas effectuer distinctement la demande en expulsion et celle en résiliation ?

En effet, si l'on admet que les demandes peuvent être distinctement formulées, le juge des référés recouvrirait sa compétence pour statuer sur l'une de ses matières de prédilection, l'expulsion135(*). Sans porter atteinte au fond, la résiliation relevant de la compétence du juge du fond, cette solution a l'avantage de satisfaire le bailleur contre le preneur indélicat sans porter véritablement atteinte à la stabilité du fond de commerce : c'est l'approche distinctive des compétences.

Il n'est par ailleurs pas exclu, du moins en théorie, que le juge du fond rétablisse le preneur dans les lieux après l'expulsion de celui-ci par le juge des référés ou qu'il prononce la résiliation aux torts du bailleur et, par suite, admette rétroactivement le paiement d'une indemnité d'éviction au profit du preneur. L'approche distributive des compétences entre les juges des référés et du fonds permettrait ainsi aux parties d'obtenir à titre provisoire, un relâchement des relations conventionnelles à l'image de la séparation des corps en matière matrimoniale.

Mais si les demandes en résiliation et en expulsion ne devraient pas être distinctes mais conjointes, la compétence du juge des référés devrait être écartée. La résiliation impliquant l'interprétation et l'appréciation au fond de l'exécution par les parties de leurs obligations contractuelles échappe à la compétence du juge des référés136(*). Tel est, selon le professeur Joseph DJOGBENOU137(*), le choix opéré par l'article 133 dans les alinéas discuté de l'AUDCG. L'ordre public devrait trouver dans ce cas expression et manifestation.

* 132 Il faut préciser en outre qu'en absence de titre, la condition de l'urgence ainsi que la provision à devoir au titre de propriété du bailleur confèrent au juge des référés la plénitude de sa compétence.

* 133 La mise en oeuvre de la clause résolutoire met en réalité le preneur dans la situation d'un occupant sans titre dont l'expulsion peut être ordonnée par le juge des référés.

* 134 Suivant l'article 71 de l'acte uniforme portant droit commercial général de 1998, « est réputée bail commercial, toute convention, même non écrite... »

* 135 Cette compétence du juge des référés a été soutenue en doctrine par CEZAR-BRU et HERAUD, dans un ouvrage paru en 1938 et au titre évocateur des référés, t.1, p. 246. Les auteurs la fondent sur l'urgence, le juge des référés ne se prononçant pas sur la réalisation mais exclusivement sur l'expulsion. Cette position avait été déjà consacré en jurisprudence : paris, 21 avril 1860 ; Sirey 62. 2. 165 ; Paris, 12 janvier 1867, ibid, 67. 2. 36.

* 136 En France, une jurisprudence ancienne s'est prononcé contre la compétence du juge des référés en l'absence de clause résolutoire : Paris, 13 janvier 1886, 3ème arrêt rapporté en sous-note sous Paris, 1er Août 1890, Rec. Serey, 92.2.250.

* 137 Commentaire de l'avis N°1/2003/EP du 4 juin de la CCJA : quel sort à la compétence du juge des référés en matière de résiliation du bail commercial et de l'expulsion du preneur au regard de l'article 101 de l'Acte Uniforme portant Droit Commercial Général ?

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault