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Le juge et le contrat de bail à  usage professionnel en droit OHADA.


par Giovanni Thiam Omontayo HOUNKPONOU
Faculté de Droit et de Sciences Politiques de l'Université d'Abomey-calavi (BENIN) - Master 2 en Droit et Institutions Judiciaires 2015
  

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SECTION 2

Ladétermination du juge compétent dans la résiliation du bail professionnel

L'obligation faite au juge de rendre sa décision avec célérité se retrouve même dans le droit national, dans des cas autres que le référé. C'est ainsi que le tribunal doit juger avec célérité et directement sans qu'elles ne passent préalablement devant le juge de la mise en état. Donc l'exigence de célérité qui se dégage de l'expression « juridiction statuant à bref délai » employée par l'article 133 de l'acte uniforme ne constitue pas non plus un critère d'appréciation de la compétence exclusive du juge des référés en matière de résiliation de bail à usage professionnel puisque, comme on l'a vu, le juge du fond est également soumis, pour certaines matières, au même impératif.Il apparait ainsi de ce qui précède que la notion de « juridiction statuant à bref délai » ne renvoie pas exclusivement au juge des référés, mais englobe également la juridiction du fond.

Paragraphe 1

Le principe de renvoi aux règles de compétence des Etats-parties

La question théorique de la détermination de la juridiction compétente ratione materiae125(*) pour connaitre de l'action en résiliation du bail commercial était l'une des plus discutées aussi bien en doctrine126(*) qu'en jurisprudence127(*). Les juridictions des Etats Membres oscillaient entre la compétence exclusive du juge du fond (B) et la compétence du juge des référés conditionnée (A).

A. La compétence conditionnée du juge des référés

L'article 133 alinéa 4 du nouvel Acte uniforme sur le droit commercial dispose que : « Le contrat de bail peut prévoir une clause résolutoire de plein droit. La juridiction compétente statuant à bref délai constate la résiliation du bail et prononce, le cas échéant, l'expulsion du preneur et de tout occupant de son chef en cas d'inexécution d'une clause ou d'une condition du bail, après la mise en demeure visée aux alinéas précédents. ».

Il résulte de l'analyse faite de cet article que le la compétence première mise en relief par le législateur de l'OHADA est celle du juge des référés du tribunal saisi. Mais dans cette thèse de l'admission de la compétence du juge des référés, la branche de la doctrine qui penche sur cette admission, conditionne cette compétence du juge des référés. Pour eux la compétence du juge des référés en matière de résiliation du bail à usage professionnel est conditionnée de deux principales variantes.

La première est fondée sur la plénitude de la liberté conventionnelle. Elle considère que les parties pourraient par leurs suffrages, qualifier le juge des référés aux fins de constater la résiliation et prononcer l'expulsion. C'est le sen, au regard de cette opinion, de la clause de résiliation de plano insérée couramment dans les contrats de bail à usage professionnel.

Mais cette opinion n'a son sens que si la clause n'est pas suivie d'une attribution expresse de compétence au juge des référés. Dans ce cas on se serait en présence d'une clause classique d'attribution de compétence et non d'un renvoi conventionnelle aux règles ordinaires de compétence. Il demeure qu'en pareille occurrence la juridiction des référés reste compétente puisque qu'en droit commun, le juge des constats et de l'évidence est encore celui des référés128(*).

En outre, il nous semble que la principale limite à la compétence du juge des référés, réside dans l'article 854 du Code de Procédure Civile, Commerciale, Sociale, Administrative et des Comptes qui dispose que: « Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de première instance peut ordonner en référé, toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend».

L'analyse de ce texte fait ressortir que les mesures que peut prendre le juge des référés rentrent dans le cadre provisoire, donc ne doivent pas trancher le fond du litige. C'est ce qui explique d'ailleurs qu'il est généralement admis que le juge des référés ne peut se prononcer sur la responsabilité encore moins allouer des dommages et intérêts quand bien même il y'aurait urgence ou absence de contestation sérieuses. Or, la résiliation d'un bail, tout comme la résolution d'un contrat quelconque, n'a aucun caractère provisoire puisqu'il s'agit de mettre fin à une situation contractuelle et de vider définitivement le litige né de l'inexécution par une partie de ses obligations.


Il semble donc que le juge des référés, même en l'absence de contestations sérieuses, ne devrait pas pouvoir prononcer la résiliation d'un bail ou de tout autre contrat. Ce point de vue rejoint celui du Professeur Pierre ESTOUP exprimé dans son ouvrage «Pratique des Procédures rapides» publié en 1990. Par contre, s'il ne peut résilier le bail, le juge des référés dispose néanmoins d'autres attributions. Il peut, en effet, ordonner l'expulsion du preneur en usant de ses pouvoirs. En effet, ce texte permet au juge des référés de prendre des mesures conservatoires ou de remise en l'état afin de prévenir un dommage imminent ou de mettre fin à un trouble manifestement illicite. On peut ainsi considérer que le preneur qui continue d'occuper le local d'autrui sans payer le loyer, cause un trouble manifestement illicite et, par conséquent, le juge des référés, constatant ce fait, pourrait, à notre avis, sans prononcer la résiliation du bail (ce qui excéderait ses pouvoirs), ordonner l'expulsion du preneur en attendant que la question de la survie du bail soit réglée par le juge du fond. Cette mesure d'expulsion constitue une remise en l'état. Le juge des référés pourra alors, en vertu du même texte, renvoyer l'affaire devant le juge du fond afin qu'il soit statué sur le sort du bail. Son ordonnance vaudra acte de saisine du juge du fond.


En définitive, nous pensons que le juge des référés, en l'absence d'une clause résolutoire de plein droit, ne peut prononcer la résiliation d'un bail, mais seulement la mesure de remise en l'état qu'est l'expulsion du preneur.

* 125 Sous l'angle de la compétence territoriale, l'article 134 du nouvel Acte uniforme, attribuait compétence à la « juridiction dans le ressort de laquelle sont situés les locaux donnés à bail ». Dans la pratique judiciaire, la détermination de la juridiction compétente rationae loci ne pose aucun problème.

* 126 V. Joseph. DJOGBENOU, « Commentaire de l'avis n° 1/2003/EP du 4 juin 2003 de la CCJA : quel sort à la compétence du juge des référés en matière de résiliation du bail commercial et de l'expulsion du preneur au regard de l'article 101 de l'Acte Uniforme portant Droit Commercial Général ? »

* 127 Paul GERARD POUGUE et Sylvain SOREL KUATE TAMEGHE (dir), les grandes décisions de la cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA, l'Harmattan, 2010, p. 101 et s.

* 128 Cette compétence du juge des référés serait exclue en absence de clause de résiliation de droit. Le juge du fond serait alors seul compétent puisqu'il s'agira d'interpréter le bail et d'apprécier les conditions de rupture des obligations.

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