Le juge et le contrat de bail à usage professionnel en droit OHADA.par Giovanni Thiam Omontayo HOUNKPONOU Faculté de Droit et de Sciences Politiques de l'Université d'Abomey-calavi (BENIN) - Master 2 en Droit et Institutions Judiciaires 2015 |
L'admission par les parties d'un renouvellement automatique du bailA l'expiration, le contrat n'est pas renouvelé automatiquement. Il appartient à l'une des parties de prendre l'initiative de ce renouvellement. Si aucune des deux parties ne le fait, le bail se poursuit par tacite reconduction. Il est permis, en cette matière, de ne pas s'étonner de la formule de « propriété commerciale » pour expliquer le bénéfice d'un probable droit au renouvellement d'un preneur de bail à usage professionnel24(*). Cependant, pour que ce renouvellement soit effectif, des conditions doivent être remplies. Nous montrerons d'une part que le renouvellement automatique du bail est affecté par un caractère d'ordre public (Paragraphe 1) et d'autre part par certaines conditions particulières (Paragraphe 2). Paragraphe 1Le caractère d'ordre public du renouvellement du bailLe droit au renouvellement du bail à usage professionnel est un droit subjectif qui revêt le caractère d'ordre public et, comme tel, il obéit à des conditions formelles (A)qui sont édictées par l'Acte uniforme relatif au droit commercial général. L'importance particulière de ce droit pour le professionnel commerçant à conduit le législateur à préconiser des conditions substantielles (B) pour son renouvellement. A. Les conditions formelles du droit au renouvellementEn vertu de l'article 123 de l'acte uniforme relatif au droit commercial général, le droit au renouvellement du bail est acquis au preneur qui justifie avoir exploité, conformément aux stipulations du bail, l'activité prévue à celui-ci, pendant une durée minimale de deux ans. Trois conditions sont ainsi mises à l'existence du droit : la qualité du preneur des lieux ou locaux loués, l'exploitation de l'activité prévue dans le bail, et l'écoulement d'un délai minimal. L'exploitation doit être le fait du locataire, c'est-à-dire de la personne même du commerçant, de l'industriel, de l'artisan ou du professionnel. Elle peut se faire par l'intermédiaire d'un gérant, salarié ou non, le locataire restant toujours le propriétaire de son fonds ou de sa clientèle. Dans le cas particulier de la location-gérance, celle-ci ne change pas le bénéficiaire du droit au renouvellement qui demeure le locataire le propriétaire du fonds ou de la clientèle. En cas de cession ou de décès du preneur, l'exploitation passe entre les mains des héritiers ou des successeurs et, avec elle, le bénéfice du droit au renouvellement du bail. Les locaux doivent être destinés à un usage professionnel voir commercial. Pour les conditions d'exploitation, en tant qu'il est destiné au maintien de l'activité du locataire, le droit au renouvellement du bail n'a de raison d'être que si ce locataire exploite l'activité envisagée ou décrite dans le bail. L'exigence d'un usage industriel, commercial, artisanal ou professionnel des locaux ou immeubles induit un usage effectif25(*), mis non pas nécessairement sans interruption, l'activité du locataire pouvant être saisonnière. Il n'importe, d'ailleurs, que le bail soit saisonnier. Cependant une question fondamentale doit être posée. Qu'en est-il du locataire qui veut changer ou diversifier son activité ? Cela nous ramène aux problèmes des déspécialisations ou même de changer totalement l'activité connexe ou complémentaire ou même de changer totalement l'activité. Cela est possible car le commerçant a le droit de jouir paisiblement des locaux. Selon l'alinéa 2 de l'article 113 de l'AUDCG. Si le bail est à durée déterminée, la durée minimale de l'exploitation court de sa date d'entrée en vigueur à la date de signification du congé par le bailleur ou à celle de la demande, le preneur qui demande le renouvellement du bail, s'il est un cessionnaire, pourra comprendre dans le délai de deux ans, la période pendant laquelle son cédant a exploité le fonds. Le droit au renouvellement du bail à usage professionnel joue également à l'égard du preneur des lieux loués quand bien même ce preneur serait un commerçant étranger, sans distinction qu'il s'agisse d'une personne physique ou morale. En tout cas, l'article 123 alinéa 1 de l'AUDCG ne dit mot sur la question. Et on doit admettre que le commerçant étranger ne puisse pas vivre une discrimination liée à sa nationalité. En droit français, l'article L. 145-13 du code de commerce dispose que la nationalité du locataire personne physique permet aux commerçant industriels ou artisans de nationalité étrangère qui ont combattu dans les armées françaises ou alliées pendant la guerre de 1914 et 1939 de bénéficier du renouvellement du bail commercial. Il en est de même pour les étrangers qui ont des enfants ayant la nationalité française26(*). * 24 Eric Dibas-Franck, op. cit, n°18, p.39. * 25 Une exploitation effective correspond à une exploitation réelle, ce qui suppose un courant d'affaires, en termes de clientèle, moindre qu'un commerce de détail. Elle n'est pas nécessairement personnelle, le propriétaire du fonds pouvant recourir à un préposé ou un tiers ou à un gérant libre pour l'exploitation. En cas d'interruption, celle-ci ne doit pas se prolonger au point de faire disparaitre la clientèle, question qui relève de l'appréciation souveraine des juges de fond. Enfin, l'exploitation doit être licite et conforme aux stipulations du contrat de bail. Le preneur s'expose à une résiliation judiciaire du bail s'il donne aux locaux un autre usage. * 26Eric Dibas-Franck, le renouvellement du bail à usage professionnel des pays de la zone OHADA, op. cit, p.58, n°42. |
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