Le juge et le contrat de bail à usage professionnel en droit OHADA.par Giovanni Thiam Omontayo HOUNKPONOU Faculté de Droit et de Sciences Politiques de l'Université d'Abomey-calavi (BENIN) - Master 2 en Droit et Institutions Judiciaires 2015 |
B. La simplification du contenu de la mise en demeureLa mise en demeure est en effet destinée à informer le débiteur d'une obligation contractuelle de la volonté du créancier d'en tirer les conséquences qui s'imposent.C'est pourquoi dans l'instance en résiliation du bail professionnel, la mise en demeure doit obéir à un formalisme presque sacramentel. Selon l'article 133 alinéa 2 de l'Acte uniforme susvisé : « à peine de nullité, la mise en demeure doit indiquer la ou les clauses et conditions du bail non respectées et informer le destinataire qu'à défaut de s'exécuter dans un délai d'un mois à compter de sa réception, la juridiction compétente statuant à bref délai est saisie aux fins de résiliation du bail et d'expulsion, le cas échéant, du preneur et de tout occupant de son chef ». Ainsi, la validité de la mise en demeure est subordonnée au respect de ces deux conditions cumulatives. Il faut d'emblée relever que l'exigence classique de la reproduction des dispositions de l'article 101 de l'Acte uniforme sur le droit commercial général, n'a pas survécu à la réforme. A la place, l'article 133 du nouvel Acte uniforme a prévu l'obligation pour le demandeur en résiliation du bail d'indiquer dans la mise en demeure la ou les clauses et conditions du bail non respectées.Par ailleurs, l'acte de mise en demeure doit informer le destinataire qu'à défaut de s'exécuter dans un délai d'un mois à compter de sa réception, la juridiction compétente pourra être saisie aux fins de résiliation du bail et d'expulsion.Cette exigence formelle était déjà contenue dans l'ancien article 101 de l'Acte uniforme portant sur le droit commercial général. Mais, la particularité du nouvel Acte uniforme réside dans la précision du point de départ du délai d'un mois prévu par la loi, ce délai courant à compter de la réception de la mise en demeure.Sous l'angle processuel, le délai d'un mois à compter de la réception de la mise en demeure s'analyse en un « délai d'attente »81(*) que le demandeur en résiliation du bail professionnel doit respecter avant de porter son action devant le juge.A l'image de l'absence de mise en demeure , le non-respect du délai d'un mois prévu par l'alinéa 2 de l'article 133 de l'Acte uniforme sur le droit commercial, doit être sanctionné par une fin de non-recevoir. En effet, l'action en résiliation initiée avant l'expiration du délai d'un mois à compter de la réception de la mise en demeure est prématurée (le droit d'agir n'existe pas encore).Quoi qu'il en soit, l'obligation d'indication dans la mise en demeure des conditions du bail violées et d'information du destinataire qu'en cas d'inexécution dans un délai d'un mois à compter de sa réception le juge sera saisi d'une action en résiliation, est prescrite « à peine de nullité » de la mise en demeure. Sous l'empire des textes antérieures, la jurisprudence des tribunaux sénégalais n'était pas fixée sur la sanction du non-respect de l'obligation de reproduction dans la mise en demeure des dispositions de l'article 101 de l'Acte uniforme portant sur le droit commercial général. Le tribunal régional de Kaolack (Sénégal) a été saisi d'une action en résiliation d'un bail commercial initiée par une personne qui n'avait pas respecté l'obligation de reproduction de ce texte. Le tribunal dans son jugement du 14 août 2002 a énoncé que : « l'article 101 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général dispose que la mise en demeure doit reproduire sous peine de nullité les termes du présent article ; Que ladite prescription n'ayant pas été observée, il y a lieu de constater la nullité de la procédure ».Cependant, le jugement du tribunal régional Hors Classe de Dakar rendu le 18 juin 2008 a préféré sanctionner cette irrégularité par une décision de débouté au fond82(*). En réalité, la sanction de la nullité qui frappe l'acte de mise en demeure n'en rejaillit pas moins sur la recevabilité de l'action en résiliation du bail à usage professionnel. La nullité entrainant l'anéantissement de la mise en demeure, bascule, du coup, les parties dans la situation d'une instance en résiliation initiée sans mise en demeure préalable. Or, cette irrégularité est sanctionnée par une fin de non-recevoir tenant à l'irrecevabilité de l'action.Un jugement du tribunal de première Instance de Bafoussam du 16 septembre 2005 a bien campé ce débat en énonçant que : « la mise en demeure préalable avec reproduction sous peine de nullité des termes (de l'article 101 de l'AUDCG) est une condition indispensable à toute résiliation d'un bail commercial ; Mais attendu qu'en l'espèce, la sommation de payer et de libérer du 17 Mars 2003 servie au défendeur et tenant lieu de dite mise en demeure ne satisfait pas aux exigences légales prescrites par l'article susvisé en ce qu'elle ne reproduit aucunement les termes de ce texte ; Qu'il échet par conséquent de déclarer cette sommation nulle et partant irrecevable en l'état l'action de la demanderesse ».Cette même juridiction a décidé, plus explicitement, dans son jugement du 2 septembre 2005 qu'« en raison de la nullité de l'exploit susvisé, tout se passe comme s'il n'y a jamais eu de mise en demeure préalable telle qu'exigée par l'article 101 de l'Acte uniforme susvisé » et que l'action en résiliation doit être déclarée irrecevable. Enfin, une décision du 15 avril 2008 rendue par le tribunal régional Hors Classe de Dakar a estimé que la nullité de la mise en demeure pour non reproduction de l'ancien article 101 de l'Acte uniforme sur le droit commercial général entraine l'irrecevabilité de l'action en résiliation.Mais, au-delà du souci de rééquilibrage des droits des parties au bail à usage professionnel durant la procédure de résiliation du bail, les rédacteurs du nouvel Acte uniforme ont entendu maintenir le dispositif de protection des créanciers inscrits au cours de l'instance. * 81 Isabelle Petel-Teyssie, « Défenses, exceptions, fins de non-recevoir », Rép Proc. Civ, Dalloz, août 2005, n° 34. * 82 TRHC Dakar, n° 1257/08 du 18 juin 2008. |
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