Le juge et le contrat de bail à usage professionnel en droit OHADA.par Giovanni Thiam Omontayo HOUNKPONOU Faculté de Droit et de Sciences Politiques de l'Université d'Abomey-calavi (BENIN) - Master 2 en Droit et Institutions Judiciaires 2015 |
CHAPITRE 2L'intervention acceptée du juge dans la révision du loyer du bail à usage professionnel251657728 La question de révision du loyer dans le cadre d'un bail à usage professionnel est bien souvent unecasse-tête et source de bien de mésintelligence entre bailleur et locataire, surtout lorsqu'aucune clause du contrat de bail n'a prévu les conditions de sa révision. Les bailleurs ont en effet souvent la fâcheuse habitude de faire de la surenchère lorsque la demande est grande.Cette question est traitée par les articles 116 et suivants de l'Acte Uniforme portant Droit Commercial Général révisé le 15 décembre 2010, en vigueur depuis le mois de mai 2011 et qui s'appliquent à la révision du loyer d'un bail à usage professionnel. La vie du loyer des immeubles à usage professionnelle renferme deux réalités. D'abord, le juge se voit intervenir dans la gestion du contentieux issu de la révision du loyer en prélude à un désaccord entre les parties (Section 2). Ensuite, cette intervention pouvant être écarté en cas d'accord entre les parties contractantes (Section 1). SECTION 1L'admission par les parties d'un accord amiable dans la fixation du loyerUn bailleur ne peut en conséquence imposer unilatéralement au locataire une revalorisation du loyer. Il ne suffit pas de dire au locataire, comme on le fait souvent: "le loyer sera augmenté à partir de telle date". Il faut que le locataire accepte l'augmentation par écrit, et de préférence dans le cadre d'un avenant au contrat. On aura à étudier aucour de cette section dans une première idée le plafonnement du nouveau loyer issu de l'accord des parties (paragraphe 1)et, dans une seconde idée les conditions additionnelles qui sont nécessaire dans la fixation du nouveau loyer (paragraphe 2)par les parties contractantesdu bail à usage professionnel. Paragraphe 1Le respect du principe du plafonnement du loyer révisé par les partiesLes parties fixent librement le montant du loyer, sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires applicables en droit interne qui pourraient restreindre cette liberté51(*). Lorsque les parties ne versent aucune restriction légale et réglementaire aux débats, il convient de leur laisser toute liberté pour s'accorder sur le nouveau montant à chaque période triennale ou selon leur propre convenance. Si le mécanisme du plafonnement est une des sources principales de litige, il n'est pas le seul. Viennent en effet alimenter les débats de la détermination de la valeur locative ; dont la complexité s'explique notamment par le manque de transparence du marché pour les boutiques. Un accord amiable sur un nouveau loyer est bien entendu toujours possible et préférable. Celui-ci exprès ou tacite, requiert seulement que l'accord du locataire soit caractérisé. C'est ce qui apparait, dans un premier temps, à l'étude du principe de plafonnement dans la fixation du loyer (A) qui précédera, dans un second temps, celle du déplafonnement du loyer (B) du bail à usage professionnel. A. Le principe duplafonnement du nouveau loyerEn vertu de l'article 116 alinéa 2 de l'AUDCG, le loyer est révisable dans les conditions fixées par les parties ou à défaut lors de chaque renouvellement au titre de l'article 123 du même acte. Le plafonnement est une limitation à la hausse du montant du loyer du bail à renouveler, ce n'est que dans l'hypothèse où la valeur locative est supérieure au loyer en cours que cette règle d'exception s'applique.L'application de la règle du plafonnement nécessite la maîtrise de trois paramètres: le loyer de base, la période de variation, le choix des indices. L'article L 145-34 du Code de Commerce français mentionne la variation de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré. C'est donc au prix originaire du bail qu'il faut rapporter la variation indiciaire. Certains événements au cours du bail peuvent amener les parties à modifier le loyer initial, c'est le cas, par exemple, de l'adjonction ou de la réduction de surfaces ou d'un changement de destination. Cependant, dans tous les cas où les parties conviennent d'un nouveau loyer se substituant au prix initial, il existe une impossibilité technique à appliquer la règle du plafonnement, puisque le loyer initial n'existe plus, il convient alors de revenir à la règle de la valeur locative. Le plafonnement du loyer constitue une exception au principe posé par l'article L.145-33 du Code de commerce français aux termes duquel le montant des loyers des baux renouvelés ou à réviser doit correspondre à la valeur locative. Ce mécanisme protégeant le locataire en ce qu'il lui permet de limiter la hausse du loyer est bien souvent à l'origine de conflits entre propriétaire et locataire. Des questions demeurent malgré tout : quel est le champ d'application du plafonnement ? Et subsidiairement, quel est le mécanisme de ce plafonnement ? Y a-t-il des baux exclus du plafonnement ? . Le législateur de l'OHADA ne dit mot sur ces questions. Les parties sont libres de fixer leur loyer. Ce qui n'autorise pas les bailleurs de fixer arbitrairement son prix. Par conséquent, le loyer du bail renouvelé doit être calculé sur une période de trois ans. Dans l'hypothèse selon laquelle la durée du bail dépasse la durée légale d'un bail à usage professionnel, le plafonnement du loyer du bail à usage professionnel ne peut plus s'appliquer. Seule, dans ce cas, une fixation du nouveau loyer du bail à la valeur locative est possible.Des questions se sont posées à propos du pas-de-porte versé par le preneur : doit-il être ajouté au loyer originaire pour le calcul du loyer renouvelé du bail à usage professionnel ? A la vérité, le pas-de-porte versé par un preneur peut être un supplément de loyer, la contrepartie de la propriété commerciale ou une « compensation des avantages commerciaux et indemnité complémentaire et forfaitaire du loyer ». Cela a suffi pour que certaines cours d'appel décident que le pas-de-porte ne doit pas être pris en compte pour le calcul du loyer renouvelé du bail. Le pas de porte est un supplément de loyer versé dès la conclusion du bail initial. Par conséquent, il doit être retenu pour le calcul du nouveau loyer du bail à hauteur de 1/9 du loyer originaire dès lors que le bail initial a une durée légale. La question du loyer conventionnellement réduit ou majoré en cours de bail peut susciter quelques hésitations. Elle reçoit une réponse variable. Deux décisions de la Cour d'appel de Paris sont instructives. On peut relever dans la première, une application « distributive » du coefficient de plafonnement à chacune des deux périodes du loyer contractuel52(*). Dans la seconde décision, il apparait que la majoration de loyer ne doit se produire que pour une durée du bail et devenir caduque à son expiration53(*). Le plafonnement est un mécanisme visant donc à protéger le locataire contre une hausse du loyer ; il agit comme une limitation à cette variation à la hausse du loyer du bail à renouveler. Cependant, ce verrou n'agira que lorsque la valeur locative est supérieure au loyer en cours. * 51 TPI Cotonou (Bénin), N° 018/ 2ème Ch. Com., 10-5-2001 : ADJANOHOUN Odette C/ Héritiers ASSOURAMOU Mathias, Ohadata J-04-288. * 52 C.A. Paris, 29 janvier 1986, Bull. Loyers 1986, n° 206. * 53 C.A. Paris, 19 janvier 1988, D. 1988, I.R. 46. |
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