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De la décentralisation en droit positif congolais.


par Olivier KAPATSHINA LOMBE
Université de Kinshasa - Licence 2016
  

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B. L'application du principe constitutionnel de l'autonomie des provinces et des ETD.

Certes, la personnalité juridique , la libre administration , l'autonomie de gestion et l'égalité de traitement sont des principes sacro- saints de la Régionalisation et de la décentralisation de l'Etat congolais (148). L'autonomie financière reconnue aujourd'hui aux provinces de la République démocratique du Congo se fonde sur des bases variées.

Ce paragraphe se propose de se focaliser sur le principe de la retenue à la source des recettes communes, principe qui, dans l'esprit du constituant, devait servir de soupape de sécurité à l'autonomie financière des provinces restées longtemps privées des moyens de leur politique de développement (149).

Le souci du constituant du 18 février 2006 de garantir l'autonomie financière des provinces et par conséquent des entités territoriales décentralisées (ETD) vient d'être épinglé ci-dessus. En effet, ce souci renforcé par le spectre de la confiscation boulimique des ressources financières de l'Etat par le pouvoir central a dicté la distinction opérée par l'article 171 de la Constitution entre les finances du pouvoir central et celles des provinces (150).

En des Termes équipollents et interchangeables, l'article 43 de la loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces dispose: « les finances du pouvoir central et celles des provinces sont distinctes».

Les finances de la province procèdent des ressources propres, des ressources provenant des recettes à caractère national et des ressources exceptionnelles (151) .Dérogeant à cette classification suivant le principe Lexspecialiageneralibusderogat, l'article 147 de la loi n° 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques adopte une autre classification et dispose, parlant des ressources du budget de la province: « Elles comprennent des ressources internes et des ressources extérieures » (152)

(148) MWAJILA TSHIJEMBE, quel est le meilleur système politique pour la République démocratique du Congo : fédéralisme, régionalisme, décentralisation ? , op.cit.p.71.

(149) Pour une vue panoramique de la question des fondements de l'autonomie, lire PUNGA KUMAKINGA ( P) « Autonomie financière des Provinces et problématique du principe constitutionnel de la retenue à la source de 40% des recettes à caractères national. Essai d'évaluation à mi-parcours », in KUMBU ki NGIMBI ( J-M) la décentralisation territoriale en République démocratique du Congo sous le régime de la constitution du 18 février 2006. Bilan et perspectives. Op.cit., p. 135-146.

(150) Article 171 de la Constitution du 18 février 2006.

(151) Lire les articles 47 à 59 de la loi N° 08/012 du 31 Juillet 2008. Op.cit

(152) Lire 147 alinéa 2 de la loi n) 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques, J.O, 52ème année, n° Spécial, 25 juillet 2011.

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Les ressources internes sont composées des recettes courantes, des recettes en capital et des recettes exceptionnelles, alors que les recettes extérieures sont constituées des dons et legs extérieurs courants, des dons et legs extérieurs projets, ainsi que des emprunts garantis par le pouvoir central (153) .

L'article 148 s'occupe d'expliquer en détail les recettes internes. En effet, les recettes courantes de la province comprennent

· La part des recettes à caractère national allouées aux provinces;

· Les impôts et taxes provinciaux d'intérêt commun ;

· Les impôts et taxes spécifiques aux provinces relevant de la fiscalité directe et indirecte;

· Les recettes administratives rattachées aux actes générateurs dont la décision relève de la province;

· Les recettes de participation de la province.

Par contre, les recettes en capital qui sont la deuxième catégorie des recettes internes comprennent les produits de cession d'actifs ; les ressources et subventions affectées aux dépenses d'investissement, notamment les ressources provenant de la caisse nationale de péréquation.

Enfin, la dernière catégorie des recettes internes à la province est faite des dons et legs intérieurs projets des subventions éventuelles du pouvoir central autres que celle saffectées à l'investissement ; le produit des emprunts contractés dans les conditions prévues par la loi relative aux finances publiques.

Cette dernière catégorie des recettes internes est susceptible de créer une confusion, tant les recettes exceptionnelles ont souvent été considérées par la doctrine comme celles provenant aussi bien des dons, legs que de l'aide bilatérale et ou multilatérale.

D'ailleurs, la loi n° 08/012 du 31juillet 2008 portant principes fondamentaux

relatifs à la libre administration des provinces (154) 17 inclut dans les ressources
exceptionnelles l'emprunt, qu'il soit intérieur ou extérieur. Par contre, l'emprunt relève des recettes dites extérieures par la loi relative aux finances publiques (155) .

(153) Article 147 alinéas 4 et 5.

(154) Article 59 alinéas 1 et 2 de la loi n° 08/012 du 31 juillet 2008.op.cit.

(155) Article 147 alinéas 5 de la loi n° 11/011 du 31 juillet 2008.op.cit.

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Quoiqu'il en soit, la Constitution ainsi que lois sus évoquées ont accordé et reconnu aux provinces une autonomie financière indiscutable garantie par les recettes aussi bien internes et extérieures. L'autonomie financière implique que les provinces en tant que personnes juridiques et entités indépendantes bénéficient du droit de mobiliser et d'affecter librement leurs ressources sans qu'aucune interférence ne se justifie.

D'aucuns prétendent que l'autonomie ne signifie pas indépendance (156). Pourtant, le dictionnaire petit Larousse illustré définit l'autonomie premièrement par le concept d'indépendance, avant de poursuivre qu'il s'agit d'une possibilité de décider pour un organisme, pour un individu, par rapport à un pouvoir central, à une hiérarchie, une autorité (157),

Le lexique d'économie (158) dit de l'autonomie financière qu'elle est une facilité, pour une entreprise ou un service public, d'administrer directement son budget si elle possède la personnalité morale. L'autonomie politique et financière dont bénéficient les provinces congolaises relève de la Constitution. Un acte, fût-il législatif, qui s'efforce de la torpiller ou de la vider de sa substance est simplement inconstitutionnel et devrait être déclaré tel par le juge constitutionnel. C'est seul ce juge qui est habilité à apprécier si les provinces usent normalement ou non de leur autonomie.

Le constituant congolais était animé par un pressentiment justifié par l'histoire de la décentralisation en RDC. Alors qu'il avait parfaitement distingué les finances du pouvoir central de celles des provinces, il s'est vite rendu compte qu'il y avait une catégorie de ressources communes (ressources d'intérêt national) que les deux niveaux de pouvoir devraient se partager. Ainsi, pour éviter l'accaparement de ces ressources par le pouvoir central - comme il en avait souvent été le cas -, le constituant imagina une soupape de sécurité en instituant le mécanisme de la retenue à la source de la part des recettes à caractère national par les provinces et ce, pour garantir pleinement à celles-ci leur autonomie financière.

En reconnaissant aux provinces une autonomie politique et financière, le constituant du 18 février 2006 entendait impulser le développement de celles-ci en mettant à leur disposition d'importants pouvoirs et moyens financiers.

(156) VUNDUWE te PEMAKO, F., Traité de droit administratif, op.cit, p.431.

(157) le Petit Larousse illustré, 1996.

(158) SILEM, A . et ALBERTIN , J-M., Lexique d'économie, 8ème éd., Paris , Dalloz ; 2004, p.62.

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Par le mécanisme constitutionnel de la retenue à la source des 40% des recettes à caractère national, il instituait une garantie de sécurité à l'autonomie financière.

Ainsi, en foulant aux pieds la retenue à la source des 40%, le gouvernement central non seulement viole la constitution, mais aussi torpille cette autonomie financière, gage du développement des provinces. C'est dire que le progrès des provinces de la RDC tardera encore tant que la Constitution ne sera pas ou sera mal appliquée à son article 175.

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