B. L'application du principe constitutionnel de
l'autonomie des provinces et des ETD.
Certes, la personnalité juridique , la libre
administration , l'autonomie de gestion et l'égalité de
traitement sont des principes sacro- saints de la Régionalisation et de
la décentralisation de l'Etat congolais (148). L'autonomie
financière reconnue aujourd'hui aux provinces de la République
démocratique du Congo se fonde sur des bases variées.
Ce paragraphe se propose de se focaliser sur le principe de la
retenue à la source des recettes communes, principe qui, dans l'esprit
du constituant, devait servir de soupape de sécurité à
l'autonomie financière des provinces restées longtemps
privées des moyens de leur politique de développement
(149).
Le souci du constituant du 18 février 2006 de garantir
l'autonomie financière des provinces et par conséquent des
entités territoriales décentralisées (ETD) vient
d'être épinglé ci-dessus. En effet, ce souci
renforcé par le spectre de la confiscation boulimique des ressources
financières de l'Etat par le pouvoir central a dicté la
distinction opérée par l'article 171 de la Constitution entre les
finances du pouvoir central et celles des provinces (150).
En des Termes équipollents et interchangeables,
l'article 43 de la loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes
fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces dispose:
« les finances du pouvoir central et celles des provinces sont
distinctes».
Les finances de la province procèdent des ressources
propres, des ressources provenant des recettes à caractère
national et des ressources exceptionnelles (151) .Dérogeant
à cette classification suivant le principe
Lexspecialiageneralibusderogat, l'article 147 de la loi n° 11/011
du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques adopte une autre
classification et dispose, parlant des ressources du budget de la province:
« Elles comprennent des ressources internes et des ressources
extérieures » (152)
(148) MWAJILA TSHIJEMBE, quel est le meilleur
système politique pour la République démocratique du
Congo : fédéralisme, régionalisme,
décentralisation ? , op.cit.p.71.
(149) Pour une vue panoramique de la question des fondements de
l'autonomie, lire PUNGA KUMAKINGA ( P) « Autonomie financière des
Provinces et problématique du principe constitutionnel de la retenue
à la source de 40% des recettes à caractères national.
Essai d'évaluation à mi-parcours », in KUMBU ki NGIMBI (
J-M) la décentralisation territoriale en République
démocratique du Congo sous le régime de la constitution du 18
février 2006. Bilan et perspectives. Op.cit., p. 135-146.
(150) Article 171 de la Constitution du 18 février
2006.
(151) Lire les articles 47 à 59 de la loi N° 08/012
du 31 Juillet 2008. Op.cit
(152) Lire 147 alinéa 2 de la loi n) 11/011 du 13
juillet 2011 relative aux finances publiques, J.O, 52ème
année, n° Spécial, 25 juillet 2011.
62
Les ressources internes sont composées des recettes
courantes, des recettes en capital et des recettes exceptionnelles, alors que
les recettes extérieures sont constituées des dons et legs
extérieurs courants, des dons et legs extérieurs projets, ainsi
que des emprunts garantis par le pouvoir central (153) .
L'article 148 s'occupe d'expliquer en détail les
recettes internes. En effet, les recettes courantes de la province
comprennent
· La part des recettes à caractère national
allouées aux provinces;
· Les impôts et taxes provinciaux
d'intérêt commun ;
· Les impôts et taxes spécifiques aux
provinces relevant de la fiscalité directe et indirecte;
· Les recettes administratives rattachées aux actes
générateurs dont la décision relève de la
province;
· Les recettes de participation de la province.
Par contre, les recettes en capital qui sont la
deuxième catégorie des recettes internes comprennent les produits
de cession d'actifs ; les ressources et subventions affectées aux
dépenses d'investissement, notamment les ressources provenant de la
caisse nationale de péréquation.
Enfin, la dernière catégorie des recettes
internes à la province est faite des dons et legs intérieurs
projets des subventions éventuelles du pouvoir central autres que celle
saffectées à l'investissement ; le produit des emprunts
contractés dans les conditions prévues par la loi relative aux
finances publiques.
Cette dernière catégorie des recettes internes
est susceptible de créer une confusion, tant les recettes
exceptionnelles ont souvent été considérées par la
doctrine comme celles provenant aussi bien des dons, legs que de l'aide
bilatérale et ou multilatérale.
D'ailleurs, la loi n° 08/012 du 31juillet 2008 portant
principes fondamentaux
relatifs à la libre administration des provinces
(154) 17 inclut dans les ressources exceptionnelles l'emprunt,
qu'il soit intérieur ou extérieur. Par contre, l'emprunt
relève des recettes dites extérieures par la loi relative aux
finances publiques (155) .
(153) Article 147 alinéas 4 et 5.
(154) Article 59 alinéas 1 et 2 de la loi n° 08/012
du 31 juillet 2008.op.cit.
(155) Article 147 alinéas 5 de la loi n° 11/011 du
31 juillet 2008.op.cit.
63
Quoiqu'il en soit, la Constitution ainsi que lois sus
évoquées ont accordé et reconnu aux provinces une
autonomie financière indiscutable garantie par les recettes aussi bien
internes et extérieures. L'autonomie financière implique que les
provinces en tant que personnes juridiques et entités
indépendantes bénéficient du droit de mobiliser et
d'affecter librement leurs ressources sans qu'aucune interférence ne se
justifie.
D'aucuns prétendent que l'autonomie ne signifie pas
indépendance (156). Pourtant, le dictionnaire petit Larousse
illustré définit l'autonomie premièrement par le concept
d'indépendance, avant de poursuivre qu'il s'agit d'une
possibilité de décider pour un organisme, pour un individu, par
rapport à un pouvoir central, à une hiérarchie, une
autorité (157),
Le lexique d'économie (158) dit de
l'autonomie financière qu'elle est une facilité, pour une
entreprise ou un service public, d'administrer directement son budget si elle
possède la personnalité morale. L'autonomie politique et
financière dont bénéficient les provinces congolaises
relève de la Constitution. Un acte, fût-il législatif, qui
s'efforce de la torpiller ou de la vider de sa substance est simplement
inconstitutionnel et devrait être déclaré tel par le juge
constitutionnel. C'est seul ce juge qui est habilité à
apprécier si les provinces usent normalement ou non de leur
autonomie.
Le constituant congolais était animé par un
pressentiment justifié par l'histoire de la décentralisation en
RDC. Alors qu'il avait parfaitement distingué les finances du pouvoir
central de celles des provinces, il s'est vite rendu compte qu'il y avait une
catégorie de ressources communes (ressources d'intérêt
national) que les deux niveaux de pouvoir devraient se partager. Ainsi, pour
éviter l'accaparement de ces ressources par le pouvoir central - comme
il en avait souvent été le cas -, le constituant imagina une
soupape de sécurité en instituant le mécanisme de la
retenue à la source de la part des recettes à caractère
national par les provinces et ce, pour garantir pleinement à celles-ci
leur autonomie financière.
En reconnaissant aux provinces une autonomie politique et
financière, le constituant du 18 février 2006 entendait impulser
le développement de celles-ci en mettant à leur disposition
d'importants pouvoirs et moyens financiers.
(156) VUNDUWE te PEMAKO, F., Traité de droit
administratif, op.cit, p.431.
(157) le Petit Larousse illustré, 1996.
(158) SILEM, A . et ALBERTIN , J-M., Lexique
d'économie, 8ème éd., Paris ,
Dalloz ; 2004, p.62.
64
Par le mécanisme constitutionnel de la retenue à
la source des 40% des recettes à caractère national, il
instituait une garantie de sécurité à l'autonomie
financière.
Ainsi, en foulant aux pieds la retenue à la source des
40%, le gouvernement central non seulement viole la constitution, mais aussi
torpille cette autonomie financière, gage du développement des
provinces. C'est dire que le progrès des provinces de la RDC tardera
encore tant que la Constitution ne sera pas ou sera mal appliquée
à son article 175.
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