L'organisation internationale de la francophonie et la démocratie en Afrique noire francophone.par Abdou-Ramane MAMA Université d'Abomey-Calavi (UAC) - Master 2 Droit international et organisations internationales 0000 |
B- Une révision objective de la valeur normative des textesL'Organisation Internationale de la Francophonie est essentiellement fondée sur le droit mou, autrement dit des normes assez flexibles et dont la valeur normative est très faible. En d'autres termes, ces normes donnent à l'Etat une plus grande marge d'action. En droit international, elles sont désignées sous le terme de soft law 312 par opposition au hard law313 et se retrouvent aussi bien dans les résolutions des organisations 310 SODOKIN Koffigan, Contribution de l'OIF au droit international de la démocratie, article précité., p.73. 311 MASSART-PIERARD Françoise, « La Francophonie, un nouvel intervenant sur la scène internationale », op.cit., p.26. 312 C'est «au début des années 1980, l'intérêt pour le soft law devient plus général et change un peu d'orientation. Entre 1974 - 1984, la pratique étatique à savoir le recours aux instruments internationaux qui n'ont pas la forme de traités mais qui disposent d'une portée politique et, peut-être juridique devient objet d'étude». Voir P.M. EISEMANN, «The gentleman's agreements comme source du droit international», Journal du droit international, 1979, p. 329. Cité par Fillipa CHATZISTAVROU, « L'usage du soft law dans le système juridique international et ses implications sémantiques et pratiques sur la notion de règle de droit», Le Portique, 2005. http//:journals.openedition.org/leportique/591 313 Selon WEIL Prosper, A côté d'une hard law, « constituée par des normes créatrices de droit et d'obligations juridiques précises, le système normatif du droit international comporte de plus en plus de normes dont la substance est tellement peu contraignante que l'obligation de l'un et le droit de l'autre en deviennent presque insaisissables». Voir www.superprof.fr/ressources/droit/droit-europeen-et-communautaire/droit-internationnal/force-juridique-non-contraignante.html. internationales que dans les textes conventionnels des organisations internationales. Selon CHEVALLIER Jacques, «Ce droit doux (soft law), parce que dépourvu de dimension contraignante, est aussi inévitablement un droit flou: formulé en termes d'objectifs, directives ou de recommandations, le droit perd de sa précision; non seulement se multiplient les termes vagues, tels que «charte» ou «partenariat», mais encore la formulation sous forme de principes ou de standards crée une zone d'incertitude et d'indétermination. Faute de prédétermination, la signification des énoncés juridiques dépendra dans une large mesure de l'interprétation qui en sera donnée, notamment par le juge... »314. Dans le cas spécifique de l'OIF, l'instrument central de l'organisation qu'est la Charte rénovée de 2005 ainsi que les textes organisant la démocratie au sein de l'espace francophone n'ont aucune force contraignante. Par conséquent ces textes essentiellement incitatifs et programmatoires ne créent aucune obligation pour les Etats membres315. La conséquence d'une telle souplesse est la banalisation par les Etats des recommandations démocratiques contenues dans ces textes. Ainsi les révisions arbitraires des constitutions à des fins personnelles, le non-respect des échéances électorales, la violation de la limitation du nombre de mandats qui sont des actes prohibés dans l'espace francophone et qui pourtant sont entrepris sans aucune crainte de sanctions sont en partie dus de la faiblesse normative des textes fondateurs de l'OIF et l'inexistence de véritables sanctions à l'endroit des dirigeants politiques. Du reste, s'il n'est pas possible que l'OIF s'identifie à l'ONU ou à L'UA comme une organisation capable d'utiliser des moyens coercitifs pour le retour démocratique, il faut à tout le moins pour un meilleur accompagnement de la démocratie, qu'elle pense à rendre contraignante la déclaration de Bamako en la transformant en une convention qui pourra être signée et ratifiée par les Etats qui Le soft law se trouverait dans une situation intermédiaire entre les textes n'ayant aucune force juridique et ceux qui sont revêtus de force contraignante. « Elle comprend les actes à faible caractère contraignant à savoir les déclarations protocolaires, les résolutions, les communications, les recommandations, les chartes, les programmes, les déclarations d'intentions, les guidelines, les principes et autres positions prises en commun ou encore des accords adoptés par les Etats. Cette liste peut être aussi étendue aux communiqués aux déclarations, aux conclusions, aux accords informels, aux opinions, aux actes, aux accords interinstitutionnels, aux concertations et aux accords de nature purement politique (gentlemen's agreement)». Voir Fillipa CHATZISTAVROU, « L'usage du soft law dans le système juridique international et ses implications sémantiques et pratiques sur la notion de règle de droit», op.cit., http//:journals.openedition.org/leportique/591 314 CHEVALLIER Jacques, L'Etat postmoderne, LGDI, 2004, 2e éd., p.123. 120 315 «Aux cotés des actes conventionnels à caractère contraignant du droit international qui produisent des droits et des obligations pour les parties, ce type d'actes n'a pas nécessairement ni immédiatement un caractère juridique et, par conséquent, n'est pas forcément contraignant». Voir Fillipa CHATZISTAVROU, « L'usage du soft law dans le système juridique international et ses implications sémantiques et pratiques sur la notion de règle de droit», op.cit. 121 manifestent leur désir d'adhérer à l'Organisation. L'avantage de ce projet est que la déclaration une fois transformée en convention devra être ratifiée par les Etats membres et entrainer ainsi des obligations contractuelles à leur égard. . Par ailleurs, en rendant la déclaration de Bamako contraignante, la Francophonie doit élargir le concept de rupture de la démocratie. Autrement dit, elle ne doit plus réduire la rupture démocratique au simple coup d'Etat contre un régime démocratiquement élu mais plutôt étendre ce critère à celui du non-respect des échéances électorales et de la violation du principe de limitation du nombre de mandat qui est le noeud gordien de plusieurs crises politiques en Afrique noire francophone. Par ces actions, la Francophonie pourra ainsi empêcher voire prévenir plusieurs crises dans ses Etats et gouvernements membres. Bref, la révision de la normativité des textes de la Francophonie doit pouvoir aboutir à une véritable sanction à l'égard des Etats qui ne respecteraient pas les obligations qui naissent de leur adhésion à l'organisation. Toutefois il ne s'agit pas d'appliquer des sanctions qui porteraient atteinte à la quiétude des populations. Il s'agira plutôt de mettre en oeuvre des sanctions à l'égard des dirigeants politiques qui se rendraient coupables de violations des règles démocratiques contenues dans les instruments de l'OIF. Il peut s'agir par exemple de l'interdiction de voyager de l'autorité politique coupable d'actes antidémocratiques, (violations des droits de l'Homme et des libertés publiques par exemple) ou le soutien à la comparution desdites autorités devant les juridictions pénales nationales, régionales ou la Cour Pénale Internationale. De ce point de vue, s'il est vrai que l'OIF dans son projet d'appui à la construction de l'Etat de droit apporte déjà son soutien à la justice internationale en oeuvrant à la comparution des autorités politiques responsables de crimes de guerre, crimes contre l'humanité ou crimes de génocide dans l'espace noir francophone, son implication plus accrue est souhaitée. Ceci constitue sans doute un moyen de dissuasion et de pression en vue de la poursuite normale du processus de démocratisation. Somme toute, si la doctrine démocratique de l'OIF doit être rénovée, son action politique ne doit pas non plus être du reste. |
|