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L'organisation internationale de la francophonie et la démocratie en Afrique noire francophone.


par Abdou-Ramane MAMA
Université d'Abomey-Calavi (UAC) - Master 2 Droit international et organisations internationales 0000
  

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Paragraphe 2 : L'OIF face à la souveraineté des Etats

La souveraineté étatique constitue un principe notoirement connu en droit international. Elle est considérée comme une qualité de l'Etat (A). Toutefois sa conception et son respect au sens strict constitue un obstacle à l'offensive démocratique de l'OIF au sein des Etats (B)

A- La souveraineté comme qualité de l'Etat

La souveraineté est le droit exclusif qu'exerce un Etat sur son territoire ou sur son peuple. Selon Louis Le Fur, la souveraineté est la qualité de l'Etat de n'être obligé ou déterminé que par sa propre volonté, dans les limites du principe supérieur du droit, et conformément au but collectif qu'il est appelé à réaliser184. La conséquence directe de la souveraineté de l'Etat est le principe de l'égalité de tous les Etats et la non-ingérence définie par la Charte des Nations Unies dans l'article 2.7 du Chapitre I : « Aucune

182 GUICHERD Catherine, « Profondeur stratégique de la Francophonie en Afrique », op.cit., p.38.

183 En février 2008 des rebelles tchadiens venant du Soudan s'introduisent dans la capitale tchadienne et tentent un coup de force pour s'approprier le pouvoir. Le président Idriss Déby mobilise alors ses troupes pour la riposte afin de préserver son pouvoir. Leur action n'étant pas suffisante pour contenir ces rebelles, la France a été sollicitée pour intervenir militairement contre les rebelles.

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184 LE FUR Louis, Etat fédéral et confédération d'Etats, 1896, p.443.

disposition dans la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat ». La souveraineté étatique donne la compétence personnelle à l'Etat quant à la question liée à l'organisation du pouvoir politique, à son statut politique, la forme de son régime et les modalités d'exercice du pouvoir politique c'est-à-dire que l'Etat a le droit de « choisir son système politique, économique, social et culturel sans aucune forme d'ingérence de la part d'un autre État »185 ou organisation internationale. Ainsi, s'agissant du chapitre de l'organisation des scrutins électoraux, la souveraineté conduit à considérer que l'Etat est le seul qui en détermine les modalités sans aucune influence extérieure tel que le notifie Hector Gros Espiell lorsqu'il affirme: «à l'organisation constitutionnelle de l'État, à la forme de gouvernement et au système d'intégration des pouvoirs de l'État [...] les élections, en tant que procédé d'intégration des organes législatif et exécutif prévus par la constitution, relevaient du seul domaine du droit interne. Le droit de participer aux élections, d'être électeur et d'être élu, était une question que chaque pays résolvait exclusivement au moyen de son système constitutionnel et juridique. Que les élections aient lieu ou non, qu'elles aient été ajournées ou non, qu'elles aient été authentiques et libres, frauduleuses et viciées, voilà qui laissait le droit international indifférent»186.

Le principe de la non-ingérence, fleuron même de la souveraineté de l'Etat a été hautement défendu par une résolution de l'Assemblée Générale des Nations Unies et un arrêt de la Cour Internationale de Justice. L'Assemblée Générale de l'ONU au paragraphe 5 de sa résolution 2131 du 21 décembre 1965 portant «Déclaration sur l'inadmissibilité de l'intervention dans les affaires intérieures des États » affirmait que « tout État a le

185 Il suffit de procéder à une lecture presque notariale de la Déclaration relative aux principes de droit International touchant les relations amicales et à la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, Rés. AG 2625(XXV), Doc. Off. AG NU, 25e session. Sup. no13, Doc. NU, A/8018 (1970). Aussi, peut-on consulter avec profit l'arrêt Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, supra note 1 aux pp. 133 et s.

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186 GROS-ESPIELL Hector, « Liberté des élections et observation internationale des élections. Rapport Général», dans Colloque de la Laguna, Liberté des élections et observation internationale des élections, Bruylant, Bruxelles, 1994, pp.79 et s. Toutefois, on peut signaler des interventions unilatérales de certaines puissances occidentales dans les affaires intérieures d'un autre État. De telles interventions peuvent se fonder sur des irrégularités électorales ; SCHACHTER Oscar, « Is There a Right to Overthrow an Illegitimate Régime», dans Mélanges Michel Virally, Le droit international au service de la paix, de la justice et du développement, Paris, Pedone, 1991, 423 aux pp. 423 et s. ; SCHACHTER Oscar, « International Law in Theory and Practice », 1982, 178 Rec. des cours 9 aux pp.140-149 ; GORDON Edward, « International Law and the United States Action in Grenada », 1984. Cité par KOKOROKO Dodzi, « Souveraineté étatique et légitimité démocratique », Revue Québécoise de droit international, 2003, p. 23.

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droit de choisir son système politique, économique, social et culturel sans aucune forme d'ingérence de la part de n'importe quel État »187. Quant à la Cour Internationale de Justice, dans son arrêt du 27 juin 1986 sur l'« Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua », elle a reconnu une valeur coutumière à un tel principe et considéré que « l'intervention interdite doit donc porter sur des matières à propos desquelles le principe de souveraineté des États permet à chacun de se décider librement»188, et la Cour d'ajouter qu'il en est ainsi du «choix du système politique, économique, social et culturel : Les orientations politiques internes d'un État relèvent de la compétence exclusive de celui-ci [...] Chaque État possède le droit fondamental de choisir et de mettre en oeuvre comme il l'entend son système politique, économique et social [...] La Cour ne découvre aucun instrument ayant une valeur juridique, unilatérale ou synallagmatique, par lequel le Nicaragua se serait engagé quant au principe et aux modalités de la tenue d'élections [...]. L'adhésion d'un État à une doctrine particulière ne constitue pas une violation du droit international coutumier. Conclure autrement reviendrait à priver de son sens le principe fondamental de la souveraineté des États sur lequel repose tout le droit international et la liberté qu'un État a de choisir son système politique, social et culturel»189. La valorisation de ce principe de souveraineté a abouti à une tendance très poussée de fétichisation de l'autonomie constitutionnelle et autorise l'Etat à accepter ou rejeter toute initiative qu'il considère comme étant une menace à son intégrité territoriale ou une immixtion dans ses affaires intérieures. C'est ainsi au nom de

187 Dans le prolongement de cette résolution, on peut citer la Déclaration sur l'inadmissibilité de l'intervention dans les affaires intérieures des États et de l'ingérence dans les affaires intérieures des États, Rés. AG 36/103, Doc. Off. AG NU, 36e sess. Doc. NU A/RES/36/103, (1981), sans passer sous silence l'Affaire du Détroit de Corfour (Albanie c. Royaume-Uni), arrêt 9 avril 1949, [1949] C.I.J. Rec. 4. à la p. 35 : « le prétendu droit d'intervention ne peut être envisagé par elle [la Cour] que comme une manifestation d'une politique de force, politique qui, dans le passé, a donné lieu aux abus les plus graves et qui ne saurait, quelles que soient les déficiences présentes de l'organisation internationale, trouver aucune place dans le droit international ». Pour d'amples explications, voir VINCINEAU Michel, « Quelques commentaires à propos de la « Déclaration sur l'inadmissibilité de l'intervention et de l'ingérence dans les affaires intérieures des États », dans Mélanges Charles Chaumont, 555, supra note 8 aux pp. 555-577. Cité par KOKOROKO Dodzi, op.cit., p.5.

188 Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, supra note 1 à la p. 133 : « la seule dérogation reconnue à la règle concerne les régimes nazis et racistes, autrement dit, « toutes les idéologies et pratiques totalitaires ou autres, en particulier, nazies, fascistes, néo-fascistes fondées sur l'exclusivisme ou l'intolérance raciale ou ethnique, la haine, la terreur, le déni systématique des droits de l'homme et des libertés fondamentales » ; LANG Caroline, L'affaire Nicaragua c. États-Unis devant la CIJ, Paris, Librairie générale de droit et jurisprudence, 1990 ; EISEN MANN Pierre-Michel, « L'arrêt de la CIJ du 27 juin 1986 dans l'affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci », 1986, A.F.D.I., 153 aux pp. 153 et s. Cité par KOKOROKO Dodzi, « Souveraineté étatique et légitimité démocratique », article précité, p.5.

189Ibidem.

la souveraineté, qu'au Togo et au Zimbabwe lors des élections présidentielles de 1993 et de 2002, plusieurs organisations non-gouvernementales telles le Groupe d'Études et de Recherches sur la Démocratie et le Développement Économique et Social(GERDDES), l'Union Interafricaine des Droits de l'homme (UIDH) ou l'UE ont été exclues, parce que supposées proches des oppositions politiques aux pouvoirs en place190. En définitive, la souveraineté peut être utilisée comme un alibi par les autorités politiques afin de manipuler leur peuple et leur nation à leur guise sans pour autant craindre une remise en cause de leur légitimité de la part de quelque Etat ou organisation internationale que ce soit. Même si ce principe a beaucoup évolué aujourd'hui en droit international191, les Etats en restent toujours très attachés dans leur rapport entre eux ou avec les acteurs dérivés du droit international. Dans le cadre de l'OIF, l'attachement des Etats à leur souveraineté est une entrave à une meilleure implication démocratique.

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