B- Une intervention étriquée de l'OIF
L'OIF n'est pas une organisation de maintien de la paix. Par
conséquent, elle ne dispose pas d'une force de maintien de la paix. Du
reste, son intervention dans les crises repose essentiellement sur la
médiation. En effet, en tant que processus de plus en plus
structuré, « la médiation offre à tous les
acteurs d'un conflit un cadre souple, neutre et impartial d'échange et
de prise de décision, propice à la résolution des
conflits»176. «Le développement récent des
crises et des conflits dans l'espace francophone a permis à la
Francophonie de confirmer le caractère complexe de leurs nouvelles
dynamiques et lui donne l'occasion de rappeler, dans ce contexte
évolutif, l'importance de la médiation internationale dans la
prévention et le règlement pacifique des
différends»177. L'OIF qui
175 Les accords de Marcoussis ou accords Kléber se sont
tenus du 15 au 26 janvier 2003 en France à Linas-Marcoussis et visaient
à mettre un terme à la guerre civile de Cote d'Ivoire qui s'y
déroulait depuis 2002. Autour de la table de négociations, les
forces nouvelles rebelles du nord et les différents partis politiques du
pays étaient invités par le Président français,
Jacques Chirac, pour négocier à huit clos les conditions de
retour à la paix. Les accords furent signés au centre des
conférences internationales, avenue Kléber à Paris.
78
176 OIF, 2é Retraite sur la
médiation de la Francophonie, 2012, p.31.
177Ibidem, p.6
en fait son instrument diplomatique principal n'arrive pas
à réellement s'imposer dans le cadre du règlement des
conflits en Afrique noire francophone. Cette situation s'explique d'abord par
la multiplicité des acteurs intervenant dans le règlement des
conflits et ensuite par leur difficile coopération et
complémentarité.
Tout d'abord il faut reconnaitre que «l'OIF participe
aux processus de règlement des conflits affectant les pays de l'Afrique
francophone non pas en tant qu'acteur isolé, mais dans le cadre des
concertations multilatérales mises en place»178.
C'est justement à ce niveau que le problème se pose dans le
règlement du conflit car chaque médiateur est mandaté par
une institution spécifique et doit mener aussi sa diplomatie d'une
manière aussi spécifique.
Autrement dit, «En pratique, le médiateur
désigné par la communauté internationale se trouve
confronté à l'intervention d'autres médiateurs,
envoyés spéciaux, représentants de diverses institutions
internationales, acteurs étatiques ou non étatiques, de nombreux
observateurs, situation qui fragilise sa mission auprès des
parties»179. On assiste en la matière bien souvent
à une véritable « cacophonie », et la coordination des
acteurs pour la plupart concurrents autour d'un chef de file est difficile
à organiser180. La dimension externe de la crise tchadienne
caractérisée par une pluralité d'intervenants externes
illustre bien les défis généraux des médiations.
Selon Ngarlem Toldé, «ce qui semble caractériser la
plupart d'entre elles est l'absence d'un centre (formel ou informel) de
synchronisation et d'harmonisation»181.
De façon générale, la présence sur
place de plusieurs médiateurs, envoyés spéciaux et
d'importantes organisations internationales et non- gouvernementales est
susceptible de créer une grande confusion quant aux
responsabilités du médiateur principal. L'harmonisation et la
coordination des initiatives des feuilles de routes des médiateurs
restent donc une problématique cruciale pour le succès des
initiatives de médiation dans
178 GUICHERD Catherine, « Profondeur stratégique
de la Francophonie en Afrique », 2013, p.38, in BAGAYOKO
Niagalé et RAMEL Frédéric, Francophonie et profondeur
stratégique, IRSEM.
179 OIF, 2é Retraite sur la
médiation de la Francophonie, ouvrage précité.,
p.31.
180Ibidem, p.31.
79
181 NGARLEM Toldé, La Francophonie et la
résolution des conflits : réflexion sur la notion de tiers,
Lyon, Université Jean Moulin (Lyon 3), Thèse de doctorat soutenue
le 20 décembre 2012, p. 159.
les conflits. Dans le cas spécifique de la
médiation francophone, son action parait subordonnée à
l'action d'autres organisations disposant d'une envergure politique et
financière plus grande182. Ainsi dans son rapport de
2006-2008, le Secrétaire Général de la Francophonie a
souligné que dans la crise tchadienne de 2007-2008183, c'est
l'action politico-militaire de la France et de l'Union Européenne qui a
réellement permis de dépasser la crise interne. De la même
façon en Côte d'Ivoire, malgré son dévouement
à s'impliquer dans la résolution de la crise électorale de
2005-2011, c'est l'utilisation de la force militaire associée aux
pressions politiques entreprises par d'abord l'ONU et ensuite la France qui a
permis d'apaiser les esprits.
Hormis l'instabilité politique, c'est le respect du
principe sacrosaint de la souveraineté qui constitue l'autre obstacle
à une meilleure implication de l'OIF dans la démocratie en
Afrique noire francophone.
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