Paragraphe 2 : La politique de gestion
La gestion des crises est concurremment assurée par le
Secrétaire Général et le CPF (A). Mais l'OIF va
au-delà de ces précautions en étendant ses actions aux
opérations de maintien de la paix (B).
A- Une démarche coordonnée par le tandem
Secrétariat Général et CPF
Selon le chapitre 5, al 2 de la déclaration de Bamako,
« face à une crise de la démocratie ou en cas de
violation grave des droits de l'Homme, les instances de la Francophonie se
saisissent conformément aux dispositions de la Charte, de la question
afin de prendre toute initiative destinée à prévenir leur
aggravation et à contribuer à un règlement». A
ce point, une diversité de décisions peut être prise par le
Secrétaire Général. Il peut réunir un comité
ad hoc consultatif restreint, envoyer un facilitateur dans
le cadre de la recherche d'une solution consensuelle ou encore
des observateurs judiciaires lors d'un procès «suscitant la
préoccupation de la communauté francophone». Il peut
songer aussi à l'envoi d'un médiateur, recourir aux bons offices
ou à la conciliation. Selon Mme Christine Dessouches, il s'agit d'un
«recours à la facilitation ...expressément prévu,
en cas de crise ou de violations graves des droits de l'Homme, dans une
démarche tant préventive que réactive afin que la
situation ne se dégrade pas plus ou, surtout, qu'elle connaisse un
règlement pacifique»152. Toutefois, le
succès de la procédure de facilitation dépend intimement
de «l'acceptation préalable du processus de facilitation par
les autorités du pays concerné».
Sur les applications pratiques de ce dispositif, depuis 2000,
l'OIF s'est impliquée dans la recherche de solutions aux graves crises
qui ont secoué l'espace noir francophone. Sur ce plan, il convient de
citer la désignation, par le Secrétaire Général,
d'un Envoyé spécial en Côte d'Ivoire, l'Ambassadeur Lansana
KOUYATE, à la suite de la grave crise de septembre 2002, ayant
entraîné la partition de fait du pays, qui sera confirmé en
tant que Représentant permanent de l'OIF au sein du Comité de
suivi des Accords de Marcoussis du 23 janvier 2003, transformé en Groupe
de Travail International d'accompagnement du processus de transition et Chef du
Bureau de l'OIF en à Abidjan. Au Burundi, le Secrétaire
Général dépêchera M. Hacen OULD LEBATT, Ancien
Ministre des affaires étrangères de Mauritanie, en
décembre 1998, pour une mission de bonne volonté et d'information
auprès du Président BUYOYA, puis, en tant qu'Observateur lors des
négociations d'Arusha, qui se sont traduites par la signature en
août 2000 de l'Accord d'Arusha. En République Démocratique
du Congo, le Secrétaire Général allait désigner le
Président ZINSOU comme Envoyé spécial en vue de
contribuer, après l'arrivée au pouvoir du Président Joseph
Désiré KABILA, à la conception des termes de l'ouverture
et du dialogue national, à travers plusieurs missions de bons offices,
d'octobre 1998 à la fin de l'année 1999. Les destinées de
ce dialogue seront finalement présidées par le facilitateur
désigné, l'ancien Président MASIRE, auprès duquel
le
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152 DESSOUCHES Christine, « Exposé
de problématique : la pratique de l'OIF en matière de
médiation », in Retraite sur la médiation de la
Francophonie, 2007, pp. 22-36.
Secrétaire Général de la Francophonie
nommera, à partir de février 2001 M. Hacen OULD LEBATT, en tant
que Chef du Bureau de la Facilitation en RDC, d'abord au titre de la
Francophonie, puis de l'ONU, et qui oeuvrera, dans ce cadre à la
négociation de l'Accord de Pretoria, sur la base de l'Accord de
Lusaka.
En cas de rupture de la démocratie ou de violation
massive des droits de l'Homme dans l'un des pays membres, le Secrétaire
Général est habilité à recourir aux
procédures prévues à l'alinéa 3 du chapitre V de la
Déclaration de Bamako, aux fins du rétablissement de l'ordre
constitutionnel ou de l'arrêt immédiat de ces violations. En
dernier recours, le CPF peut décider de suspendre l'État de
l'Organisation. Cette décision s'impose « en cas de coup
d'État militaire contre un régime issu d'élections
démocratiques »153.
Ce fut le cas à l'occasion du coup d'Etat en
Centrafrique, ayant porté au pouvoir le Général BOZIZE, en
mars 2003 avec la situation tendue qui a prévalu au lendemain des
élections de 2005, du coup d'Etat au Togo, en février 2005, lors
du décès du Président EYADEMA. Dans le cas
spécifique de la Centrafrique, la participation de la Francophonie a
été ainsi qualifiée par M. Pierre Buyoya 154 : «
en République centrafricaine, la médiation de la Francophonie est
particulièrement visible car elle a bâti, avec les acteurs
politiques et sociaux impliqués dans le processus politique et
électoral, un précieux capital de confiance. Elle a su mobiliser
à temps une expertise utile et a, en outre, joué un rôle de
plaidoyer auprès d'autres acteurs internationaux pour appuyer les
efforts de consolidation de la paix.»155. Dans le
même pays, le coup d'Etat intervenu en mars 2013 n'a pas
échappé à la censure du CPF. En effet, ayant pris
connaissance du rapport circonstancié de la mission d'information et de
contact dépêchée par le Secrétaire
Général du 29 mars au 05 avril 2013 à Bangui et
dirigée par Monsieur Louis Michel, les représentants
présents au CPF ont confirmé la condamnation du coup de force
exprimée avec fermeté par le Secrétaire
Général le 25 mars. Dans une résolution, et
153 Déclaration de Bamako, Chapitre 5, al 3.
154 Pierre Buyoya était l'envoyé spécial du
SG de l'OIF en Centrafrique.
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155 OIF, Rapport du SG/OIF: 2008- 2010, p.32.
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conformément aux dispositions du chapitre 5 de la
Déclaration de Bamako, les membres du CPF ont décidé de
prononcer la suspension de la République Centrafricaine tout en
reconnaissant la décision prise par les chefs d'Etat et de gouvernement
de la CEEAC instaurant un dispositif institutionnel de transition.
En Afrique de l'ouest, l'intervention de l'OIF aura
été aussi salutaire. La vive crise politique qu'a connue la
Guinée à la suite des répressions et des massacres du 28
septembre 2009 a conduit M. Abdou Diouf à designer le Président
Blaise Compaoré pour trouver une issue à la crise. Par la suite,
l'envoi de différentes missions et la participation de Groupe
international de contact (GIC) ont permis de rétablir l'ordre
constitutionnel. Les efforts menés par l'OIF en collaboration avec la
CEDEAO vont aboutir à la conclusion d'une déclaration du 15
janvier 2010 signée par le président de la junte, le
Général Sékouba Konaté et le président
Compaoré qui prévoit une transition de six mois
présidée par le Président de la junte et un Premier
Ministre issu des forces vives de Guinée.
On voit alors clairement à travers cette implication de
l'OIF dans les processus de transition que, l'objectif de l'organisation
à travers le chapitre V, al 3 ne se limite pas à condamner les
atteintes à la démocratie ; il s'agit aussi d'inciter et
d'accompagner les États concernés sur le chemin du retour
à un ordre constitutionnel démocratique. La Francophonie
s'attache donc à renforcer les institutions des pays en transition,
qu'elles soient ad hoc ou permanentes, aux fins de restauration de la
stabilité politique et de la démocratie ainsi que du respect des
droits et des libertés.
En conclusion, plusieurs foyers de conflits se trouvent dans
l'espace francophone. La Francophonie a donc une réelle carte à
jouer dans leur règlement en faisant valoir ses outils de
médiation et de facilitation. Elle doit donc renforcer son engagement,
ce qui lui permettra également de perfectionner ses approches.
La médiation et la facilitation n'empêchant
parfois pas que les conflits éclatent, l'OIF étant ses actions en
contribuant également aux opérations du maintien de la paix.
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