Section 2 : Un maintien effectif de la stabilité
démocratique.
L'une des raisons qui maintient aujourd'hui la
démocratie dans une situation léthargique en Afrique noire
francophone est la multiplicité des crises politiques. En effet l'espace
africain noir francophone est au cours de cette décennie une zone
constamment instable et «reste l'épicentre de
l'instabilité dans le monde avec quelques 120 conflits entre 1946 et
2005»141. En soutenant que la démocratie ne saurait
s'épanouir que dans un environnement d'accalmie politique, ces conflits
ébranlent et ralentissent dangereusement le processus
démocratique engagé depuis plus de vingt ans dans le continent et
accroit le taux de pauvreté. La francophonie dans son engagement de
renforcement de la démocratie s'est donnée la ferme
résolution d'oeuvrer aux cotés des Etats pour le maintien de la
paix, condition sine qua non de la réalisation du projet
francophone. La démarche de la Francophonie dans la résolution
des crises est très originale. Elle reste en effet très active
dans la diplomatie préventive. Par ailleurs, l'évolution de
l'institution a conduit de façon
55
141 VETTOVAGLIA Jean- Pierre, Médiation et
facilitation dans l'espace francophone : Théorie et pratique,
Bruxelles, Bruylant, 2010, Vol.1, p.4
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bénéfique à rompre avec la tradition et
s'engager davantage dans les sanctions de l'Etat fautif en cas de crise. Ainsi,
l'OIF s'investit dans l'éviction des crises par leur prévention
(paragraphe1). Mais une fois que les crises ont
éclaté, elle procède à leur gestion
(paragraphe2).
Paragraphe 1 : La politique de prévention
Le moyen le plus efficace de préserver la paix est
d'oeuvrer à l'éviction des crises politiques. La
déclaration de Bamako adoptée en 2000 accorde au
Secrétaire Général un champ d'actions à
entreprendre pour le maintien de la paix. La mise en oeuvre de ce rôle
d'avant-garde démocratique conféré au Secrétaire
Général (A) a aussi permis à l'OIF de s'investir dans
l'émergence d'un nouveau concept qu'est la Réforme du
Système de Sécurité (B).
A- Une approche anticipatrice des crises
C'est à l'aune de la légitimité
découlant de la Charte de la Francophonie et des engagements consensuels
souscrits par les États et les gouvernements francophones dans les
Déclarations de Bamako et de Saint-Boniface, que sont conduites, sous
l'autorité du Secrétaire Général en liaison avec
les instances, les actions de la Francophonie en matière de
prévention des crises et des conflits.
Le Secrétaire Général de la Francophonie
représente alors l'autorité centrale dans la tâche de la
prévention des conflits dans l'espace francophone. La réussite du
processus de prévention reste en effet tributaire des motivations et des
précautions mises en oeuvre par ce dernier en collaboration avec les
instances. A cet effet, le chapitre 5 paragraphe 1er de la
déclaration de Bamako dispose qu'en s'appuyant sur un travail de veille
continue, par la collecte permanente d'information et l'évaluation
systématique de la démocratie, des droits et des libertés
à l'aune des engagements de Bamako, le Secrétaire
Général dispose d'outils propres à une prévention
tant structurelle qu'opérationnelle. Ces outils sont de divers ordres et
sont, principalement, d'ordre structurel et visent à approfondir la vie
démocratique de ses États membres, à travers la
consolidation de l'État de droit, la tenue
d'élections libres, fiables et transparentes, la
gestion d'une vie politique apaisée, l'intériorisation de la
culture démocratique et le plein respect des droits de l'Homme. Les
mécanismes ad hoc peuvent être actionnés soit en vue
d'apporter des réponses à l'imminence d'une crise, soit afin
d'éviter qu'un conflit déjà déclaré ne
s'aggrave, en particulier par l'envoi de médiateurs ou de
facilitateurs.
Ainsi au Tchad, à la suite de la visite conjointe du
Secrétaire Général, du Président de la
République française et du Commissaire au développement de
l'Union Européenne au lendemain des événements de
février 2008142, l'envoyé spécial du
Secrétaire Général désigné en mars 2008,
Mohamed El Hacen Ould Lebatt, a contribué au renforcement du dialogue
entre les acteurs politiques et sociaux tchadiens dans le cadre du processus de
relance de la mise en oeuvre de l'accord du 13 août 2007, devant conduire
à la tenue d'élections pluralistes et crédibles. Suite aux
nombreuses contestations de l'opposition intervenues lors du processus de
révision des textes électoraux, l'envoyé spécial a
participé à plus d'une dizaine de séances
plénières du comité de suivi et d'appui de cet accord, au
sein duquel la Francophonie bénéficie du statut d'observateur et
de facilitateur. À cette fin, la Francophonie a mis à la
disposition du comité de suivi une expertise juridique de haut niveau
pour élaborer des propositions juridiquement fondées et
politiquement acceptées par toutes les parties.
Au Bénin, dans le souci de prévenir les risques
de crise qui se dessinaient à la suite de la remise en cause, par
l'opposition, de la loi portant organisation de la liste électorale
permanente informatisée, pourtant adoptée à
l'unanimité, en mai 2009, l'OIF est intervenue, sur sollicitation du
président de la République. Elle a ainsi contribué de
façon significative, en liaison avec l'ONU et le Programme des Nations
unies pour le développement (PNUD), à faire surmonter les
divergences entre les parties et à relancer la réalisation
consensuelle de la liste électorale permanente informatisée, dans
la perspective des élections présidentielle et législative
de 2011. Le Niger était confronté à une grave
57
142 En janvier 2008, les rebelles tchadiens
soutenus par le Soudan, ont envahi le Tchad à partir des bases
situées au Darfour. Les rebelles tchadiens et les forces
gouvernementales s'affrontèrent à Ndjamena le 2 février.
Cette tentative de coup d'Etat qui a provoqué de nombreuses
hécatombes et est une conséquence des multiples contestations des
partis de l'opposition face au régime du Président Idriss
Deby.
58
crise politique, depuis juin 2009, marquée par une
succession d'actes posés par le Président de la République
visant à modifier la Constitution, par voie référendaire
sur des questions fondamentales et qui étaient de nature à
affecter gravement le fonctionnement régulier des institutions. Depuis
le début de cette crise, l'OIF a suivi avec la plus grande attention
l'évolution de la situation, en liaison avec les instances et les
partenaires régionaux et internationaux, et marqué, tout en
condamnant fermement ces agissements contraires à la Déclaration
de Bamako, sa disponibilité à accompagner toute initiative
pouvant encourager l'instauration d'un dialogue politique entre tous les
acteurs et faciliter une sortie de crise pacifique. Le Conseil Parlementaire de
la Francophonie (CPF) s'est prononcé à deux reprises sur la
question, lors de ses sessions du 10 juillet 2009 et du 14 décembre
2009. Le Secrétaire Général a dépêché
deux missions de haut niveau au Niger. La première a été
conduite par Pierre Buyoya, du 23 au 26 juillet 2009. L'envoyé
spécial du Secrétaire Général a
réitéré la disponibilité de la Francophonie
à apaiser la situation et à favoriser le retour au strict respect
de la légalité constitutionnelle et de l'État de droit. La
seconde, menée par Ousmane Paye, conseiller spécial du
Secrétaire général de la Francophonie, en décembre
2009, au lendemain de la 74è session du CPF, faisant valoir
auprès de ses différents interlocuteurs le souci
expressément énoncé par les instances de
privilégier le caractère consensuel du retour à l'ordre
constitutionnel et à la vie démocratique. Le Conseil
Parlementaire de la Francophonie (CPF), réuni le 14 décembre
2009, a également jugé opportun de donner toutes ses chances
à la médiation engagée sous l'égide de la
Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest
(CEDEAO) et conduite par l'ancien président du Nigeria, Abdoulsalami
Abubakar, et à laquelle l'OIF a participé en qualité
d'observateur. Le Sommet des chefs d'État de la CEDEAO, qui s'est tenu
le 16 février 2010 à Abuja, a cependant constaté la
faiblesse des progrès réalisés dans le cadre du dialogue
inter-nigérien. C'est dans ce contexte que sont intervenus le coup
d'État militaire du 18 février 2010 et la prise du pouvoir par un
groupe de militaires organisé en Conseil suprême pour la
restauration de la démocratie. Conformément aux dispositions de
la Déclaration de Bamako, le Conseil Parlementaire de la Francophonie
(CPF) s'est réuni en session extraordinaire à Paris, le
1er mars 2010, pour apprécier la
situation et a exhorté les acteurs politiques
nigériens à ramener rapidement, en oeuvrant de manière
consensuelle et inclusive, leur pays sur le chemin de la démocratie,
notamment en organisant des élections libres, fiables et transparentes,
en rétablissant des institutions conformément aux principes d'un
État de droit et en respectant le plein exercice des droits.
L'efficacité du procédé de prévention dans
l'enrayement des crises politiques est très notable et constitue pour
l'OIF un moyen de réalisation du projet francophone.
Dans un but d'approfondissement de ce dispositif de veuille,
l'OIF contribue fortement à la réforme du système de
Sécurité
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