INTRODUCTION
PROBLEMATIQUE
Il n'est point de société sans ordre, il n'est
point de société sans justice, encore moins de justice sans juge
investi de pouvoir de la rendre. Au 19ème siècle,
l'Etat gendarme défendait exclusivement l'ordre public en garantissant
la salubrité, la sécurité et la tranquillité
publique des personnes et de la collectivité. Aujourd'hui, l'Etat
défend également une certaine conception morale et politique de
la société1.
On oppose souvent la notion de l'ordre public au respect des
libertés individuelles ; c'est la nécessité de
protéger la société en générale qui justifie
que l'Etat par le biais de ses instruments (police, Ministère Public)
dispose du monopole de la violence légitime afin de maintenir l'ordre
public en limitant parfois les libertés individuelles. Ainsi, les
décisions de police ou du Ministère Public ne sont légales
que si elles sont fondées sur la nécessité de maintenir
l'ordre public.
Ainsi, pour M.F. Goyet et M. Rolland, le ministère
public étant une institution destinée à assurer la
défense de l'intérêt général et de l'ordre
public en veillant à ce que la loi et le droit soient observés et
correctement appliqués, il est chargé d'assurer la défense
des intérêts de toute la société et de l'ordre
public en veillant à ce que la loi soit appliquée de
manière égale envers tous. C'est celui qui a la mission de
rechercher les infractions qui troublent effectivement l'ordre public,
d'arrêter leurs auteurs et de le traduire devant les cours et tribunaux
tout en exerçant l'action publique afin de solliciter l'application des
sanctions prévues par la loi. Le Ministère Public désigne
à la fois l'institution et les membres qui la composent en l'occurrence
les magistrats2.
Cependant, nonobstant le fait que la constitution et les lois
de la RDC proclament le caractère exceptionnel des arrestations et
détentions préventives au profit de la liberté
1 Cfr. Arrêté du
gouverneur de la ville interdisant la vente de l'eau en sachet.
2 M. F. GOYET et M. Rolland, le Ministère
Public en Droit Français, Seme. Jur ; 1950 ; cités par M.
KISAKA - Kia- Ngoy ; Cours d'Organisation et Compétence Judicaire, Tome
II, Année Académique 1985 - 1986, Fac. Droit, 1 er
graduat/UNIKIN, p. 128).
2
individuelle3, il est fréquemment
constaté en pratique que les agents et officiers de police judiciaire
ainsi que les officiers du ministère public (magistrats de parquets)
recourent fréquemment aux arrestations souvent non justifiées,
dans les buts soit de percevoir de l'argent, soit de trafiquer leur influence,
soit encore de démontrer leur autorité. Par ailleurs, l'exercice
du pouvoir du juge de détention apparait de nos jours comme une simple
formalité tendant à régulariser simplement la
détention opérée par le ministère
public4.
En conséquence, la liberté individuelle en tant
que droit fondamental de l'homme, est actuellement très menacée
en République démocratique du Congo. En plus, les maisons
carcérales sont de plus en plus encombrées par les
détentions préventives qui deviennent en quelque sorte, une
règle.
Ainsi, il nous est intéressant de poser les questions
ci-après :
- Est-ce qu'en procédure pénale de la
République démocratique du Congo, existe-t-il au profit des
victimes, des recours tendant à faire cesser l'état d'arrestation
et de détention arbitraires, et dans l'affirmative, la question
d'efficacité de ces recours ?
- Quelle serait une meilleure procédure pour limiter le
pouvoir du Ministère public ?
- A quelle sanction l'OMP peut-il s'attendre en cas d'une
attestation ou détention irrégulière ? : La
responsabilité du ministère public.
HYPOTHESES
L'hypothèse étant une réponse provisoire
aux questions soulevées dans la problématique, nous allons
répondre aux différentes questions soulevées dans la
problématique. D'abord à la première question,
contrairement aux textes internationaux relatifs aux droits de l'homme, le
droit congolais n'a pas encore organisé des vois de recours tendant
à faire cesser les arrestations et de détentions arbitraires, il
n'existe semble-t-il que des mécanismes implicites dont
l'efficacité
3Art.17, al.1 de la Constitution du 18 février
2006 telle que révisée à ce jour, in JORDC,
n° spécial, février 2006. 4L. LUZOLO BAMBI et
BAYONA BA MEYA, Manuel de procédure pénale, Kin, PUC,
2011, p. 303.
3
serait très moindres, à l'instar de
l'intervention de l'autorité du ministère public ainsi que la
saisine du juge de détention par l'inculpé pour sa demande de
mise en liberté provisoire.
Ensuite, la multitude des dossiers ou le surcharge du
ministère public fait que certains individus auteurs
présumés des infractions passent plusieurs jours au delà
même du délai légal du MAP dans des maisons
d'arrêtdes parquets. Ils sont parfois envoyés dans des grandes
prisons sans que le magistrat instructeur de l'affaire informe le juge
compétent de l'existence même du dossier.
Ainsi, le mandat d'arrêt provisoire est
considéré comme une arrestation arbitraire lorsqu'il
dépasse le délai légal prévu par la loi. Ceci nous
laisse penser que l'institutionnalisation du juge d'instruction et
l'application rigoureuse de la loi portant statut de magistrats seraient
indispensables pour que le Ministère public ne soit plus
dorénavant l'unique organe de poursuite et d'instruction.
Le souci d'apporter un remède aux abus que commettent
les officiers du ministère public pendant l'instruction
préjuridictionnelle, nous a conduit à penser à la
création d'un juge d'instruction. Parmi ces abus, nous pouvons citer
notammentle classement sans suite et abusif des dossiers, le non respectdes
délais raisonnables des détentions préventives, le danger
pour l'Officier du Ministère Public de n'instruire qu'à charge et
non à décharge.
INTERET DU SUJET
Il est certainement avéré que plus d'une
personne se poseraient la question de savoir à quelle fin, mieux pour
quel intérêt avons-nous opté pour le sujet sous examen. En
effet, placé au coeur de la poursuite, le justiciable est
confrontée à des multiples problèmes liés aux
détentions et arrestations dans la phase pré juridictionnelle
à tel point qu'il ne sait pas comment detecter si ces dernières
sont régulièrement faites et cela depuis les temps les plus
mémoriaux. A l'heure actuelle certes, l'importance d'une telle
problématique n'est pas à discuter car, dans un pays comme la RDC
l'on est confronté au phénomène d'arrestation et de
détention illégales à grande échelle, il faudrait
avoir en face un système de recours efficace pour faire cesser le plus
rapidement que possible des situations pareilles, lesquelles portent gravement
atteinte aux libertés individuelles des citoyens et des personnes.
4
Notre intérêt dans la rédaction de ce
présent travail se situe dans l'examen de possibles voies de recours
existant au profit de victimes de ces abus, les sanctions y afférentes
au cas où l'organe habileté n'aurait pas respecté la
procédure pour arrêter ou détenir une personne ainsi que
les moyens pour remédier à cette situation.
L'intérêt de ce travail est la fois théorique et
pratique.
S'agissant de l'intérêt théorique, ce
travail à l'avantage de présenter succinctement les
différentes voies de recours en cas d'arrestation et de
détentions arbitraires. De là découle également un
intérêt pratique.
En effet, l'intérêt pratique réside en ce
que toute personne (membre de la société ; décideur,
enseignant, praticien du droit, etc..) soucieuse d'une justice bonne et
équitable pourra trouver dans cette étude un précieux
instrument, mieux un guide à même de lui fournir des
éléments appropriés en la matière de
détention et arrestation dans la phase pré juridictionnelle.
L'intérêt de cette étude ne pourra bien se manifester que
si une méthode conséquente est suivie.
METHODES ET TECHNIQUES DE RECHERCHE
A. Méthodes
Le mot "méthode" revêt plusieurs sens et n'a pu
concilier les différents auteurs qui s'y sont penchés. Mais dans
le cadre de ce travail, nous allons outrepasser cette polémique tout en
nous ralliant à Pirette Rongere qui la définit comme étant
la procédure particulière appliquée à l'un ou
l'autre de stade de la recherche5. C'est dans ce sens que nous avons
retenu les méthodes juridiques et descriptives;
1) La méthode juridique : cette
dernière nous permettra de faire un examen du fonctionnement de notre
ministère public dans le passé et de mettre à nu les
défaillances possibles dudit Ministère Public. Elle nous
permettra aussi d'analyser et d'interpréter différentes sources
de droit ayant traits à notre sujet d'étude.
2) L'approche descriptive: cette
méthode interviendra dans notre recherche pour nous faire
connaître une situation existante de façon objective et
détaillée.
5 P. RONGERE, Méthode des Sciences
Sociales, Paris, éd. Dalloz, 1971, p. 18.
5
B. Techniques
Par techniques de recherches, il faut entendre "les moyens par
lesquels le chercheur passe pour récolter les données
indispensables à l'élaboration de son travail
scientifique"6. Ainsi, nous avions recouru à la technique
d'observation directe et la technique documentaire.
1) La technique d'observation directe :
cette dernière nous permettra d'effectuer une descente sur les
différents lieux où sont établis les Ministères
Publics pour nous rendre compte de la manière dont ils fonctionnent et
de nous approcher des inculpés afin de savoir la raison pour laquelle
ils ont été arrêtés.
2) La technique documentaire: elles sont
désignées ainsi parce qu'elles mettent en présence le
chercheur d'une part et de l'autre des documents supposés contenir des
informations recherchées. Elle s'appelle aussi techniques non vivantes
ou techniques d'observation indirecte7.
ETAT DE LA QUESTION
Prétendre mener cette étude sans avoir à
se référer constamment à celles de nos
prédécesseurs serait pour nous une façon de flouer la
réalité et par conséquent méconnaître les
apports non négligeables des autres dans le domaine de
l'édification du Droit.
En effet, nous ne sommes pas le premier à traiter la
question touchant les arrestations et détentions arbitraires. D'autres
chercheurs s'y sont intéréssés avant nous, à
l'instar de :
1) CISHESA NZONGA Jossart, Étudiant à
l'université officielle de Bukavu, 3ème année de Graduat
en Droit public, 2017-2018 consternant «un détenu préventif
acquitté, perspective de réparation du préjudice subi :
Analyse critique». Ce dernier estime qu'il y a possibilité de
relaxer un détenu après qu'il a subi un préjudice et
cherche à savoir à qui incombe la responsabilité de
réparation.
6 ASSANI MPOYO, Notes de cours d'introduction
à la rechercher scientifique, 2ème graduat,
Faculté de Droit, UNIKIN, 2006 - 2007.
7 S. SHOMBA KINYAMBA ; Méthodologie de la
recherche scientifique, Kinshasa - RDC, éd. MES, p. 46.
6
2) Faustin HELIE qui aborde le sujet concernant la
détention préventive, estime que cette dernière est une
mesure à triple avantages; d'abord il estime qu'elle facilite
l'instruction en plaçant le prévenu à la disposition de la
justice, en lui interdisant de faire disparaitre les preuves, ensuite, elle
assure la sécurité publique en le mettant hors d'état de
nuire, enfin, elle garantit l'exécution de la peine qui sera
prononcée en l'empêchant de prendre fuite. Cet auteur aborde cette
question dans le sens à démontrer les intérêts que
cette mesure procure à la société sans tenir compte des
préjudices qui en découlent. Sa théorie se limite au fait
que la détention préventive aussi inopérante ou
illégale qu'elle soit, protège la société et
facilite la justice à réprimer les délinquants. En plus,
il ne tient pas compte du principe fondamental de la présomption
d`innocence. Selon lui, cette mesure empêcherait à l'auteur
présumé innocent de prendre fuite. Du coup, on déduit une
certaine présomption de culpabilité dans sa
pensée8.
3) D'autres auteurs considèrent cette mesure de
détention préventive comme une mesure bourrée
d`inconvénients néfastes. A l'instar de Bernard BOULOC qui estime
que « des personnes en détention, dont le jugement s'est
terminé par un acquittement ou condamnation avec sursis, avaient
passé parfois des nombreux mois en prison avant la décision
définitive qui les remettrait en liberté et que leur
réinsertion sociale apparaissait difficile parce qu'entre-temps leur
emploi avait été retiré, et leur ménage se trouvait
ébranlé »9.
Quant à nous, la spécificité de notre
recherche et sa particularité par rapport aux travaux antérieurs
d'autres chercheurs, s'inscrit dans le souci de savoir s'il existe des
garanties au profit des victimes des arrestations et/ou détentions
arbitraires leur permettant de faire face à ces abus.
DELIMITATION DU SUJET
Ce travail est circonscrit par rapport à l'espace et
à la matière. Dans l'espace, elle est limitée sur le
territoire de la République Démocratique du Congo. Quant à
la matière, elle concerne le droit positif congolais et plus
particulièrement sur la procédure pénale ordinaire.
8F. HELIE, Traité de l'instruction
criminel, Tome IV, 2ème éd., 1948, p. 606.
9 B. BOULOC, Procédure pénale,
22ème éd., Paris, Dalloz, 2010, p. 680.
7
SOMMAIRE
Ce présent travail sera subdivisé en deux chapitres
et chaque chapitre à son tour complètera des sections.
Le premier chapitre : Le droit de recours contre les arrestations
et détentions arbitraires.
Le second chapitre : Les perspectives pour mettre fin aux
phénomènes des arrestations arbitraires et de détentions
illégales : l'institutionnalisation du juge d'instruction et l'examen de
responsabilité disciplinaire du magistrat du parquet.
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