3- La culture sans politique au Cameroun
Bien qu'il soit difficile voire impossible d'admettre de nos
jours l'existence des peuples sans culture comme l'aurait prétendu
l'occident qui se voyait doté d'une mission civilisatrice, chaque peuple
est doté d'une culture. Cette culture est une marque d'identité
d'un peuple. C'est elle qui différencie les peuples. Elle est donc
d'après Henri TEDONGMO TEKO « ce qui est propre à chaque
groupe social et diffère d'un groupe social à un autre
».222Chaque société humaine est dotée
d'un art et d'une culture. Elle est la somme des solutions qu'invente ce peuple
face aux problèmes qu'il rencontre.
Le Cameroun tout comme les autres pays du monde, est
doté d'une culture. Et dans cette perspective, nous convenons à
la suite de Jean-Pierre WARNIER qu' « il n'existe aucune
société au monde qui ne possède sa propre culture. C'est
en cela que toute culture est socialisée ».223Il
est important de souligner que lorsque nous parlons de culture, il s'agit des
expressions culturelles qui sont diamétralement opposées aux
expressions ornementales, c'est-à dire folklorique. Il ne s'agit pas de
ses expressions folkloriques qu'on retrouve dans les aéroports lors de
l'accueil d'un chef d'Etat étranger, des hautes personnalités
étrangères par exemple. Ces expressions folkloriques voire cette
folklorisation de la culture sont également
221 Entretien mené le 11/09/2017 à
11h40 au MINAC
222 Henri TEDONGMO TEKO, Sociologie de
l'entrepreneuriat...Op. Cit, p.72.
223 Jean-Pierre WARNIER, La mondialisation
de la culture, Paris La Découverte, 2007 4 e éditions,
p.7.
118
perceptible lors des manifestations protocolaires. La culture
n'est pas ce folklore voire ces expressions folkloriques.
La culture est plutôt d'après le président
Paul BIYA, une conjonction de valeurs humaines, morales, esthétiques,
sociales par lesquelles les citoyens camerounais s'identifient ; «
elle n'est donc ni le folklore des aéroports, ni les exhibitions
ponctuelles des cérémonies protocolaires
».224Cette culture qui a longtemps souffert de sa
folklorisation d'après lui, et qui souffre toujours d'ailleurs de cette
folklorisation, nécessite la mise sur pied d'une nouvelle orientation en
matière de promotion culturelle qui aura pour grande ambition
de restituer sa dignité et sa fierté à l'ensemble du
peuple camerounais. Il est donc paradoxale que cette prise de conscience de la
folklorisation de la culture par le président Paul BIYA depuis 1987
demeure d'actualité dans la mesure où, la seule perception qu'ont
certains de nos dirigeants de la culture, soit ce folklore qu'on observe lors
des cérémonies qui meublent souvent les manifestations
publiques.
La culture camerounaise a sa spécificité, sa
singularité ainsi que sa typicité. Elle est dynamique car suivant
l'ère du temps. Ce foisonnement de la culture camerounaise est
corolairement liée à la multiplicité ethnique et
culturelle de ce pays. Et c'est sans doute la raison pour laquelle Dominique
AUZIAS, Jean-Paul LABOURDETTE et al, parlant du Cameroun diront :
Il est des voyages qui marquent. Des pays dont les
couleurs imprègnent et ensorcellent, le Cameroun est de ceux-là.
Les langues locales se mêlent au français, et à l'anglais ;
l'animisme se conjugue à loisir avec l'islam et le christianisme, pour
former un peuple des plus fascinants du monde. Un « concentré
d'Afrique », « Toute l'Afrique dans un seul pays », «
L'Afrique en miniature », clament souvent les slogans du ministère
du Tourisme ou des tour-opérateurs.225
Mais, au demeurant, pour mieux analyser la culture de cette
Afrique en miniature, ce
concentré d'Afrique dans un pays, une
meilleure intelligibilité de la culture de ce pays nous impose à
un exercice empirique, c'est-à dire axer notre réflexion sur
l'ethnographie de la culture au sein de notre environnement social.
224Paul BIYA, Op. Cit, p.110.
225Le Magazine Le petit futé Cameroun
2013-2014, Paris, 6e édition
119
3.1- L'ethnographie de la culture
Bien qu'il ne soit pas une priorité dans les politiques
de développement, le secteur culturel est un secteur en effervescence,
en perpétuel mouvement voire changement. Les événements
à caractère culturel que nous évoquerons abondamment plus
bas constituent des marqueurs et même le baromètre de la
diversité culturelle de cette Afrique en miniature. Ainsi, lors
de notre entretien avec le Professeur Christophe MBIDA MINDZIE, il nous faisait
observé qu'un regard posé sur la culture camerounaise nous
amène à observés celle-ci de deux manières.
Premièrement, comme citoyen qui vit la culture au
quotidien, la culture camerounaise est forte, elle est diversifiée, elle
est riche et elle regorge d'énormes potentialités. Lorsqu'on se
balade à travers le Cameroun, l'on observe une multitude d'expressions
culturelles vivantes qui
sont perceptibles à travers les langues locales, le
style architectural des chefferies traditionnelles à l'Ouest Cameroun
en occurrence. L'on se rend aussi compte que le Cameroun est doté des
atouts touristiques comme le palais des rois Bamoun de Foumban, le musée
aquatique de Kribi, le musée de la chefferie de Bafoussam, le
musée de civilisation de Dschang, le parc national de Waza, le Mont
Cameroun, les chutes de la Lobbé etc. A travers cette
observation du déploiement de la culture camerounaise, nous pouvons
visiblement nous rendre compte que malgré le phénomène de
mondialisation culturelle qui tend vers une uniformisation culturelle, les
camerounais restent quand même tant bien que mal ancrés dans leur
culture.
Deuxièmement, l'on observe qu'au Cameroun,
l'énorme potentialité culturelle est malheureusement
sous-utilisée, sous-exploitée. C'est une culture qui est
valorisée par les détenteurs, les légataires,
c'est-à dire les communautés locales mais qui au niveau
étatique, est visiblement considérée comme un outil de
distraction. Cette valorisation se fait à travers les festivals
patrimoniaux qui sont organisés même si c'est à travers le
bricolage productif, mais qui sont révélateurs de la valeur que
ces communautés donnent à leurs cultures.
Ainsi, lorsque nous parlons de bricolage, il s'agit pour nous
de montrer comment les communautés locales qui font partis de ce que
Jean-Marc ELA appelle pertinemment le monde d?en bas qui n'ont souvent
aucune maitrise, aucune compétence dans l'organisation des festivals, se
réunissent et à travers le bricolage parvient à promouvoir
leurs cultures. Le bricolage dans le cadre de cette étude trouve toute
sa pertinence avec le sociologue et théologien africain en boubou
Jean-Marc ELA lorsqu'il dit :
120
Quand je parle de bricolage, je pense à tous ces
savoirs produits par la société pour relever les défis de
son environnement(...) Si l'on veut cerner notre réalité, il
faudra rencontrer l'Afrique là où elle s'invente, à partir
de ces bricolages qui forment en quelque sorte le tissu de notre vie sociale
».226
Le dynamisme de la culture camerounaise est également
perceptible à travers les artistes musiciens qui contribuent au
rayonnement artistique et culturel de ce pays au niveau international d'une
part, et d'autre part, à travers les festivals patrimoniaux.
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