CHAPITRE 4 : DE LA POLITIQUE SANS CULTURE A
LA CULTURE SANS POLITIQUE AU CAMEROUN : L'URGENCE D'UN REAJUSTEMENT DU
PROJET D'EMERGENCE
A tout prendre, la culture peut mieux et plus facilement
que tous les grands projets structurants qui trônent au coeur du
programme d'émergence du Cameroun et de l'Afrique, donner les moyens
d'une transformation en profondeur de notre société mais aussi de
son rayonnement au plan international.200
101
200Richard Laurent
OMBGA, « Les nouveaux défis de la culture camerounaise
», in Annales de la Faculté des arts, lettres et
sciences humaines, Vol.1, n°13, Nouvelle série,
Second Semestre, Université de Yaoundé I, 2011, p.13.
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Depuis son accession à l'indépendance, le
gouvernement camerounais a mis sur pied une série de programme et de
projets de développement pour engager ce pays sur le train de
l'amélioration qualitative et quantitative des conditions de vie de la
population. Ces programmes et projets de développement avaient ou ont
tous un dénominateur commun : sortir le pays de la misère, la
pauvreté, la précarité car faut-il le rappeler, lorsque ce
pays accède à la souveraineté internationale le
1er janvier 1960, tout est à faire ou à refaire. Il
est à l'image des autres pays de l'Afrique subsaharienne. Jean Claude
SHANDA TONME observe à ce sujet que, « l'Afrique noire qui
émerge des indépendances est une constellation des nations
pauvres où tout est à faire et à construire,
peut-être même à inventer ».201Maurice
KAMTO observe dans le même sens que « sauf quelques cas
exceptionnels, les économies subsahariennes n'ont jamais affiché
des performances comparables à celles des pays nord-africains et encore
moins à celles des pays du Sud-est asiatique
».202
Plusieurs années après ces constatations, la
situation économico-sociale de l'Afrique en général n'a
guère changée. Cette situation est décrite fort
judicieusement par Guy Parfait SONGUE en ces termes : « l'Afrique est
indépendante depuis environ un demi-siècle, et malgré tous
les discours tenus et les politiques menées jusqu'ici pour son
développement, elle semble sombrer dans une espèce de
développement du sous-développement ».203
Face donc à ces constellations de misère et de
pauvreté, l'Etat du Cameroun va mettre sur un pied une série de
projets voire programme de sortie de crise. Ces projets de sortie de crise sont
davantage connus sous le vocable de politique de développement qui sera
explicité dans les lignes suivante. Cette clarification est suivie de
l'analyse des politiques de développement implémentées au
Cameroun depuis les indépendances.
1- Politiques sans culture au Cameroun
Dans son sens définitionnel, la notion de politique de
développement renvoie à l'ensemble des orientations prises et des
stratégies adoptées par les pouvoirs publics pour favoriser les
transformations politiques, économiques, sociales donc le but est de
répondre à un besoin précis qui est
généralement celui de l'amélioration substantielle des
conditions de vie de la population. L'implémentation d'une politique de
développement sur le terrain précède
201 SHANDA TONME, La malédiction de
l'Afrique ....Op. Cit, p.162
202Maurice KAMTO,
L'urgence de la pensée : réflexions sur une
pré-condition du développement en Afrique, Yaoundé,
Mandara, p.130.
203Guy Parfait
SONGUE, « L'imposture des politiques de développement en
Afrique : entre illusions, faillite et besoin de refondation » in
Jean-Emmanuel PONDI (sous-dir), Repenser le
développement à partir de l'Afrique, Yaoundé,
Afrédit, 2015, p.171.
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l'identification du problème que cette politique
souhaite résoudre. Plus précisément, trois grandes
étapes essentielles structurent le cheminement d'une politique de
développement à savoir : la préparation ou de la
conception, l'exécution et enfin l'évaluation.
Ainsi, dans l'optique de trouver les solutions afin de
permettre le développement du Cameroun et ceux depuis les
indépendances jusqu'à présent, quatre politiques de
développement ont déjà été appliquées
au Cameroun : les plans quinquennaux, le plan d'ajustement
structurel, le DSRP et le DSCE.
1.1-Les plans quinquennaux204
Les plans quinquennaux furent la toute première
politique de développement du Cameroun lorsqu'il accède à
son autonomie interne le 1er janvier 1960. C'est dans ce sens que,
de 1960 à 1991, six plans quinquennaux ont successivement
été appliqués au Cameroun dans un souci
d'amélioration substantielle des conditions de vie de la population.
Trois organes constitutifs étaient chargés de
l'élaboration des plans quinquennaux : les comités de
développement, les groupes d'études techniques
multidisciplinaires et les commissions nationales de planification.
Le premier plan quinquennal (1960-1965) avait donc
pour objectif fondamental le dédoublement du revenu par habitant qui
devait passer de 21500 FCFA à 43500 FCFA dans une période de
vingt ans. Ce doublement du revenu par habitant devrait être
précédé par la mise en place des structures
économiques et sociales appropriées, la réduction des
disparités régionales à travers la scolarisation des
masses et la construction des infrastructures sanitaires, éducatives,
universitaires etc.
Le second plan quinquennal couvrant la période
1966-1971, d'après Ernest TOUNA MAMA, fut l'objet d'une
élaboration plus démocratique dans la mesure où, son
élaboration a été confiée à l'assistance
technique française. Il s'inscrivait dans la même dynamique en
termes d'objectif que le premier plan quinquennal.
La période 1971-1976 marque la phase
d'implémentation du troisième plan quinquennal aux
objectifs similaires avec les deux premiers, mais qui apporte une innovation en
mettant un accent particulier sur les investissements productifs direct d'une
part en occurrence ceux liés à l'industrie, à
l'énergie aux mines et d'autre part, sur les investissements liés
au développement des infrastructures.
204Nous tirons l'essentiel des informations sur les
plans quinquennaux et les PAS de l'ouvrage de l'économiste TOUNA MAMA
intitulé, L'économie camerounaise : pour un nouveau
départ, Yaoundé, Afrédit, 2008.
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De 1976 à 1981, marque la période
d'implémentation du quatrième plan quinquennal. Ce plan
était conséquentiel d'une élaboration démocratique
avec un souci de promotion de l'unité nationale et du
développement autocentré. Son objectif visait à assurer un
taux de croissance du PIB par habitant d'au moins 5% par an. Les
priorités de ce plan étaient axées sur le
développement rural avec la création et l'extension des grandes
plantations modernes, industriel avec la promotion des exportations
industrielles. Ces priorités visaient l'accroissement de la
productivité, de la compétitivité des entreprises
industrielles et enfin le développement du secteur tertiaire à
travers la création d'un Office Commercial Camerounais, la
création d'un organisme chargé de la promotion du commerce
extérieur etc.
Avec un bilan largement positif issu de
l'implémentation des quatre premiers plans quinquennaux, le
cinquième plan quinquennal (1981-1986) a été
élaboré dans une dynamique prospective afin d'assurer une vie
meilleure aux 16 millions d'habitants que devait compter le Cameroun à
l'aurore de l'année 2000. C'est dans ce sens que ces objectifs seront
orientés vers la réalisation effective de l'autosuffisance
alimentaire, la redynamisation des structures de production, la
réorientation de l'industrialisation à travers la revalorisation
prioritaire des matières premières locales.
Le sixième plan quinquennal (1986-1991)
s'inscrit dans la même démarche prospectiviste de
développement pour l'an 2000 que le cinquième. Les orientations
de ce plan gravitaient autour du libéralisme communautaire avec
l'encouragement des initiatives privées, la solidarité nationale
; le développement auto-entretenu avec comme composante la satisfaction
des aspirations nationales ; la démocratisation et la justice sociale
à travers l'épanouissement collective des individus,
l'égalité de chance entre les individus afin de
bénéficier des fruits de la croissance et enfin comme
dernière orientation, l'intégration nationale qui constitue le
socle granitique d'un développement équilibré entre toute
les composantes sociologiques du pays. Il est important de souligner que c'est
au cours de l'implémentation de ce dernier plan quinquennal que va
naitre le premier PAS suite à la crise économique comme nous le
verrons dans les lignes suivantes.
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