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La place de la politique culturelle dans le projet d'émergence du Cameroun à  l'horizon 2035. Contribution à  une analyse des politiques publiques.


par Arouna Pountougnigni Mfenjou
Université de Yaoundé 1 - Master en sociologie  2018
  

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4.2-Sur le plan social

L'apport de la culture à l'émergence sociale via la PC est également énorme. Cet apport permet de voir qu'au-delà de la croissance économique issue des dividendes des ICs, il y'a l'épanouissement des individus vivant dans un environnement social donné.

Dans un rapport sur l'impact social et économique de la culture au développement et en s'appuyant sur le cas du festival de Fès des musiques sacrées du monde, Naima LABHIL nous fait observer que les activités, biens et services culturels, ont une double nature, économique et culturelle, parce qu'ils sont porteurs d'identités, de valeurs et de sens. Elles ne doivent donc pas être traitées comme ayant exclusivement une valeur commerciale. L'objectif est alors d'après cette dernière, de créer les conditions permettant aux cultures de s'épanouir et d'interagir librement de manière à s'enrichir mutuellement.

185 Entretien mené le 06/06/2017 à 12h15 à la délégation régionale du MINAC du Centre.

Dans un autre sens, l'ingénieur statistique sénégalais Moubarack LO argue que le concept d'émergence ne peut être uniquement appréhendé sous l'angle économique. Les citoyens d'un pays qui émerge pense-t-il doivent sentir dans leur vie quotidienne que leur bien-être s'améliore et que des opportunités nouvelles en matière de santé, d'éducation et de revenus sont créés raison pour laquelle ce dernier soutient fermement que l'émergence doit également être sociale.

Dans cette perspective, la culture est un élément unificateur des communautés humaines vivant dans un environnement social donné. Elle rassemble les peuples dans la mesure où, la culture n'a pas de langue pour être comprise, pour s'exprimer. L'artiste musicien camerounais Thierry Lamy, parlant de l'apport de la culture à l'émergence sociale des sociétés soutient que cette dernière transgresse les identités sociales dans la mesure où : « nous, dans le domaine de la musique, il n'y a pas un do qui appartient aux anglophones et un autre do aux francophones. Tous les artistes ont une même compréhension du do ».186Il poursuit en nous faisant remarquer que le mythique groupe de bikutsi camerounais les têtes brulées dans les années 1990, lors de ces concerts à l'hexagone faisait danser les citoyens européens alors que ces derniers n'avaient même pas une idée des messages qui étaient véhiculés dans ces chansons. La culture sous cet angle rassemble les peuples. C'est un élément puissant de l'intégration sociale.

La culture sous le plan social renforce également la cohésion sociale, transcende les clivages qui ont cours entre les individus vivant en interaction. Les grands festivals culturels notamment le festival de Canne de France, les Oscars aux USA etc. sont souvent des lieux de rencontre et d'expression de la multiculturalité, d'interculturalité entre les peuples. Lieux de multiculturalité et d'interculturalité car ce sont des festivals au cours desquels plusieurs cultures se rencontrent, un lieu de dialogue par excellence des cultures mises en compétition. A cet effet, la culture est un puissant levier de paix entre les anciens adversaires dans la mesure où :

Après des périodes de fortes tensions internationales, la culture semble un premier terrain de rapprochement entre les Etats qui restent, malgré tout, fortement antagonistes. La lente sortie de la guerre froide entre l'URSS, voire la Chine, et divers pays occidentaux depuis la mort de Staline en 1953 jusqu'à la fin des années 1950 s'opère d'abord à travers la reprise des échanges culturels.187

Madame Suzanne Pulchérie NNOMO ELA nous faisait remarquer lors d'un entretien

avec elle qu'en Espagne par exemple, le musée de la ville d'Alicante a mis sur pied un

186Entretien mené le 26/07/2017 à 13h05 à l'esplanade de la primature

187 François CHAUBET et Laurent MARTIN, Histoire des relations culturelles dans le monde contemporain, Paris Armand Colin, 2011, pp. 99-100.

programme de réinsertion des jeunes délinquants. Après avoir commis un délit, le jeune délinquant n'est pas envoyé dans un centre de détention comme cela se passe dans d'autres pays. Mais, il est plutôt envoyé dans un musée où il sortira nanti d'une qualification professionnelle comme celle de guide touristique, opérateur culturel etc. ce qui favorise sa réinsertion sociale. Ce pays, nous dit-elle a compris très tôt que l'art et la culture étaient des piliers important du développement et qu'il était important de développer ce secteur.188

Dans une étude réalisée par François MATARASSO et Charles LANDRY, ces derniers nous font comprendre que l'enjeu de développement social via le secteur culturel sous l'impulsion de la PC est considérable. La PC d'après ces auteurs, encourage l'expression des identités culturelles différentes. Elle protège les identités culturelles minoritaires dans les pays comme la Grande Bretagne, la France etc. La culture sur le plan social peut être une source de conflit d'une part et d'autre part une source de tolérance et de compréhension entre les individus. Ils soutiennent à ce sujet que :

Si la culture peut être à l'origine de conflits, elle peut également favoriser la compréhension, la tolérance et le dialogue et contribuer à la cohésion de la société civile. L'organisation de l'activité culturelle locale et la célébration de la tradition et de l'identité sont des instruments puissants de renforcement de la cohésion sociale.189

Dans un entretien avec M. ATEBA artiste bassiste, et par ailleurs sous-directeur du

spectacle et du développement des infrastructures et équipement technique du MINAC, il nous faisait observé que dans les pays où la culture est valorisée, elle confère aux artistes un statut, une valeur qui, corolairement concoure à un renversement de l'échelle de valeur. D'après lui, l'artiste aux Etats unies par exemple a un statut, une valeur, une identité. C'est un Homme respecté, fortuné qui vit aisément, qui vit de son art. Il est un modèle dans la société. Il n'est pas comme l'artiste au Cameroun qui croupit dans la misère. Les artistes musiciens américains en occurrence sont le plus souvent classés parmi les plus riches du pays parallèlement au Cameroun où, visiblement, les plus riches sont les hauts commis de l'Etat.190

Les artistes musiciens américains comme JAY-Z, RIHANNA, RICK ROSS, BEYONCE etc. ont des fortunes évaluées à des millions de dollars. Or, les émissions à caractère social au Cameroun en occurrence l'émission regard social de la chaine de télévision Equinoxe sont souvent les lieux de prédilection pour les artistes musiciens indigents, malades etc. pour

188 Entretien mené le 06/06/2017 à 12h15 à la délégation régionale du MINAC du Centre.

189François MATARASSO et Charles LANDRY, Politique culturelle : vingt et un enjeux stratégiques, Bruxelles, Edition du conseil de l'Europe, 1999, p.39. 190 Entretien mené le 04/09/2017 à 12h07 au MINAC

solliciter la générosité des âmes de bonnes volontés afin de se soigner. Cette émission présentée par Eric KOUAMO, a déjà eu le passage entre autre de la défunte artiste musicienne LYZA T auteure du tube à succès associé, MENGALLA JOSS du mythique groupe de bikutsi les têtes brulées etc. La première qui était atteinte d'une tumeur et l'autre qui souffrait d'un déficit visuel doublé d'un problème de filouterie de loyer, ont sollicités cette émission pour solliciter à mondovision l'aide matérielle et financière des âmes de bonne volonté.

Les artistes camerounais à quelques exceptions près vivent dans l'indigence et dans la précarité. Les propos de Justin Blaise AKONO concernant les conditions de vie sociale des artistes musiciens camerounais sont d'une pertinence actuelle lorsqu'il soutient que : « des artistes continuent à mourir de maladies bénignes, à mendier pour survivre, obligés de troquer leurs chansons leur inspiration contre les dédicaces que les adeptes des clubs, discothèques et cabaret appellent affectueusement 'atalakou'' [...] ».191

Concernant les conditions de vie sociales des artistes camerounais, les propos de l'artiste musicien ZIGZARET INTERNATIONAL rencontré lors d'un mouvement de protestation des artistes musiciens aux services du premier ministre pour dénoncer la plateforme spéciale que voulait mettre sur pied le MINAC au détriment de la fusion de deux sociétés de gestion des droits d'auteurs et des droits voisins (SOCAM/CMC) de l'art musical, sont assez illustratifs :

La musique, c'est l'âme du pays. Vous allez voir que dans d'autre pays, même au

Cameroun nos populations apprécient la musique et les stars des autres pays parce que quoi, ils sont bien habillés, ils ont des beaux véhicules (...) Les seuls artistes qui sont des vas-nu pieds au monde, ce sont les artistes camerounais !192 Parlant de l'apport de la culture à l'émergence d'une société sur le plan social, M.

ATEBA observe que :

Sur le plan social vous allez remarquer qu'aux Etats unies, les plus riches ce ne sont pas les fonctionnaires c'est les sportifs, les artistes etc. C'est-à dire qu'au niveau social il y'a un renversement de l'échelle de valeur. Au niveau de la mentalité, lorsque vous sortez votre CD, les gens ne vont pas cherchés à copier çà de gauche à droite. Vous sortez votre CD, les gens vont chercher plutôt à aller acheter votre CD [...] sa fait qu'il y a un renversement de l'échelle de valeur au point où l'artiste est un homme aisé ce qui n'est pas le cas au Cameroun.193

191Justin Blaise AKONO, Cameroun : qui a étranglé le droit d'auteur ? Yaoundé, Edition Scène d'Ebène, 2014, p.9.

192 Entretien mené le 26/ 07/ 2017 à 13h30 à l'esplanade de la Primature

193 Entretien mené le 04/09/2017 à 12h07 au MINAC

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La culture sur le plan social contribue à l'amélioration des conditions de vie de la population à travers la réduction du taux de pauvreté qui est la résultante des emplois générés par les ICs. Les ICs dans les pays comme le Nigéria, l'Afrique du sud, la Jamaïque, la France constituent des gisements d'emplois dans la mesure où elles emploient un nombre considérable de la population ce qui contribue à la réduction du chômage et de la pauvreté.

Parlant de l'apport de la culture au développement d'un pays sur le plan social, Henri TEDONGMO TEKO, citant CHIRITA et al nous fait observer que : « la culture agit au niveau macro-économique en stimulant la croissance économique, mais aussi au niveau individuel en fournissant les moyens de construire sa propre personnalité et de mener une vie intellectuelle, émotionnelle et spirituelle plus épanouie. ».194Elle génère in fine des externalités importantes et positives pour l'ensemble de la population. La culture sur le plan social pense l'artiste musicien ZIGZARET INTERNATIONAL, contribue à l'épanouissement des individus. Elle adoucie les moeurs minute by minute au point où, soutient-il, « nos musiques adoucissent les moeurs de nos populations chaque seconde».195

Lors d'un entretien avec le Pr Christophe MBIDA MINDZIE par ailleurs directeur du patrimoine culturel au MINAC, il nous faisait observé avec une insistance particulière que sur le plan social, la culture a considérablement contribué au développement des pays comme la Chine où, le développement a été le corollaire de la révolution culturelle qui a été avant tout une révolution sociale. D'après lui, la culture est un élément essentiel du développement social d'une nation dans la mesure où, elle favorise l'épanouissement personnel, contribue à la réduction de la pauvreté, réduit les fractures sociales, les inégalités sociales ainsi que les tensions sociales. C'est fort opportunément qu'il dit, concernant l'apport de la culture sur le plan social, que :

Les gens qui ont du travail, il y a un épanouissement personnel. Les gens qui ne

sont pas au chômage se sentent valorisés socialement. Ils ne sont plus misérables,

ils peuvent envoyés leurs enfants à l'école [...] On ne bâtit pas un pays avec des

pauvres, des frustrés, des chômeurs et à partir du moment où il y a les emplois, il y'a moins de tension sociale. Les tensions sociales c'est que, à côté de ceux qui ont, il y'a ceux qui n'ont pas et le but de ce qui n'ont pas, c'est d'aller arracher ceux qui ont et c'est comme ça que les fractures sociales naissent.196

194Henri TEDONGMO TEKO, Op. Cit, p.33.

195 Entretien mené le 26/07/2017 à 13h40 à l'esplanade de la primature 196Entretien menée le 11/09/2017 au MINAC à 11h40

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Les répercussions non économiques de la culture sur le développement d'un pays sont perceptibles dans le domaine de la cohésion sociale, de l'intégration sociale et de la formation d'un nouveau système de valeurs, dans le développement de la diversité culturelle, de l'identité nationale et de l'identité des différents groupes culturels, dans le domaine de la créativité et de l'incitation à la création et à l'innovation. C'est dans ce sens que nous observons à la suite de Maurice Sévérin EDOA BIKOULA qu' « en effet, dans une société marquée par ses fractures, ses ruptures, ses divisions, la cohésion sociale apparait essentielle. La fonction primordiale de la culture est donc d?unir une pluralité de personnes ».197

Au regard de ce qui précède, il ressort que le développement ne se réduit pas seulement à la seule croissance économique. Il est davantage social avec comme indicateur l'épanouissement des individus, la réduction des inégalités sociales, des fractures sociales, la cohésion sociale, le renversement de l'échelle de valeur etc.

L'intégration sociale qui repose sur la culture est un élément catalyseur du développement. Habmo BIRWE observe à cet effet que, la culture est un élément important pouvant contribuer à l'intégration en Afrique centrale et à son développement. Au regard de l'ignorance de la culture dans les approches traditionnelles de l'intégration, l'auteur pense que la culture est une source essentielle d'une cohabitation conviviale et d'une intégration favorable au développement. Il soutient à cet effet qu' « une intégration qui repose sur le dialogue des cultures et des civilisations est une intégration qui impulse le développement ».198

Au demeurant, ce chapitre de notre étude a eu pour ambition de montrer comment la culture a contribué au développement qui n'est qu'en réalité la téléologie de tout processus d'émergence. Il ressort donc de ce qui précède que, la variable culturelle est l'une des variables explicatives du processus d'amélioration des conditions de vie des individus dans les pays suscités. Nous soutenons à cet effet à la suite de Marie-Liliane DIBOMA qu'à « la lumière de ce qui a été développé ci-dessus, il semble véritablement important que la culture occupe une place significative dans le développement économique et social des peuples ».199 Dès lors, dans un pays où très peu d'intérêt sont accordés à la culture et dans un contexte où il existe une politique sans culture et une politique sans culture, l'urgence d'un réajustement du projet d'émergence de ce pays devient une nécessité.

197 Maurice Sévérin EDOA BIKOULA, Op. Cit, p. 13.

198Habmo BIRWE, « Quand la culture peut oeuvrer pour l'intégration et le développement sous régional en Afrique centrale » in Culture, intégration et développement, Organisation internationale de la Francophonie, 2014, p. 75.

199 Marie-Liliane DIBOMA, « Culture, Pilier du développement au Cameroun », in International Journal of Innovation and Scientific Research ISSN 2351-8014 Vol. 16 No. 1 Jun. 2015, p.52.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault