2-Les filières des industries culturelles
La notion d'ICs englobe plusieurs filières de la
culture notamment la littérature, la musique, l'audiovisuel, l'industrie
de l'édition imprimée, la presse, le patrimoine, le
multimédia, les médias, les arts du spectacle, la production
cinématographique et depuis un certain temps les jeux vidéo.
Philippe CHANTEPIE et Alain LE DIBERDER nous renseigne à ce sujet que
ces filières font partie de la mutation technologique qui se «
caractérise d?abord par de nouveaux rapports entre les industries de
contenus, industries culturelles et médias, et les industries techniques
».171 Les ICs font parties des filières des
industries créatives c'est-à-dire les nouvelles filières
pouvant conduire à la croissance, pouvant accélérer la
croissance. Pour parler des industries culturelles, cela nécessite
préalablement l'existence d'une orientation claire que les pouvoirs
publics donnent à la culture. Cette orientation est plus connue sous le
vocable de PC. Il existe à cet effet par un lien consubstantiel entre la
PC et les ICs.
170Angélique
GACIYUBWENGE, « L'apport des industries culturelles africaines
dans le développement et l'intégration régionale en
Afrique centrale » in Culture, intégration et
développement, Organisation internationale de la Francophonie,
mars 2014, p.31.
171 Philippe CHANTEPIE et Alain LE
DIBERDER, Op.cit., p.3.
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3- La politique culturelle: facteur
conséquentiel des industries culturelles
L'interface établie entre la PC et les ICs n'est pas un
lien fortuit. Cette interface est davantage une interface de dépendance
dans la mesure où, les ICs sont l'émanation de la PC dans un pays
donné. Elles constituent un élément important pour
l'éclosion des ICs dans un pays donné. Elle établit le
cadre institutionnel favorisant l'éclosion, l'implantation et le
développement des ICs. Il existe donc une certaine
indissociabilité entre la PC et les ICs au point où, il ne serait
pas excessif de dire que la PC constitue une propédeutique pour
l'éclosion des ICs. Cette dernière organise les ICs comme nous le
verrons dans les lignes qui suivent.
En Egypte par exemple, la PC en matière de
cinéma est extrêmement protectionniste. D'après son code de
l'industrie cinématographique, le nombre de films étrangers
destinés à la diffusion dans les salles de cinéma est
contrôlé et les acteurs regroupés en corporation exigent
aux producteurs locaux ou expatriés le recrutement exclusif des acteurs
nationaux. En Tunisie également, l'industrie cinématographique
est régie depuis 1960 par une législation à laquelle tous
les acteurs sont assujettis. Le gouvernement tunisien a mis en place à
travers le code de l'industrie cinématographique un fond destiné
au soutien de l'industrie cinématographique par les pouvoirs publics via
les subventions octroyées aux cinéastes par
l'Etat.172
La PC constitue donc de ce point de vue une stratégie
mise sur pied par les gouvernements pour valoriser son potentiel culturel et
artistique afin d'assurer un mieux-être social à leurs
populations. C'est elle qui favorise un meilleur enracinement et une meilleure
structuration des ICs. Sans une PC clairement pensée, point d'ICs. Elle
dynamise à cet effet les ICs car elles sont corrélées
à la PC afin d'exploités les retombées issues des
industries qui doivent également s'inscrire dans une dynamique
d'émergence des pays où ses industries sont implantées.
Dans un rapport d'étude sur les ICs des pays du sud,
Francisco D'ALMEIDA et Marie LISE ALLEMAN nous font comprendre que la PC
constitue une condition sine qua non de développement des
industries culturelles dans la mesure où, les pays qui
bénéficient des retombées économiques des ICs par
exemple, sont les pays qui ont mis en oeuvre des politiques publiques pour
soutenir et promouvoir le développement de leurs ICs. La PC
d'après ces derniers, constituent des politiques publiques de soutien
des entreprises par les pouvoirs publics afin de favoriser l'éclosion de
ces industries.
A travers la PC sud-africaine par exemple, le gouvernement a
mis sur pied depuis 1997 la CIGS (Cultural Industries Growth Strategy)
qui est une politique globale devant permettre la
172République
Tunisienne, code de l?industrie cinématographique,
Imprimerie Officielle de la République Tunisienne, 2010
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croissance des ICs. C'est dans ce sens qu'ils diront que :
« le cas de la croissance des industries sud-africaines de la musique
et du film montre que leur développement et leur impact
économique dépendent directement des politiques publiques de
soutien ».173 Nous avons conçu la PC dès
l'entame de notre travail comme étant l'ensemble des orientations prises
ainsi que les stratégies adoptées par les pouvoirs publics d'un
pays voire d'un Etat en vue de soutenir, protéger voire promouvoir la
culture de cet Etat. La PC se fonde sur les stratégies concourant
à la création, la production, la distribution qui passe par la
commercialisation des produits culturels c'est-à dire des produits issus
de la culture.
A la question de savoir quel peut être l'apport de la
culture à l'émergence de l'Afrique aujourd'hui, voici ce que
l'artiste musicien sénégalais Youssou N'DOUR confie à
Christian MALARD et Florence KLEIN-BOURDON lors d'une interview :
Elle peut tout apporter. Je considère qu'à
part quelques pays qui ont du pétrole et du diamant, pour le reste, le
pétrole c'est la culture. Si on la valorise, cela peut apporter
énormément de devises, de respect et de rayonnement. Le
problème aujourd'hui, c'est sa valorisation. On a une culture assez
riche, diverse, énorme et inexploitée : si elle est
valorisée, elle peut apporter énormément à
l'Afrique, économiquement.174
Dans un contexte économique morose marqué par la
baisse drastique du prix de pétrole,
des matières premières qui se raréfient,
des matières premières, la culture constitue de ce point de vue
une ressource importante que les pays comme le Nigéria ont su
mobilisés pour booster leur croissance afin d'accélérer
leur croissance. La valorisation de la culture afin qu'elle contribue au
développement passe par l'élaboration d'une PC clairement
pensée afin de favoriser l'éclosion des ICs.
D'après Elvys Camille LEKOUEDE, pour que les ICs des
Etats de la CEEAC contribuent au PIB de ces pays, les Etats membres de cette
organisation doivent mettre plusieurs mesures en oeuvre. Parmi ces mesures,
nous dit-il, « il y a la création d'un marché culturel
national et régional mais aussi la création d'écoles ou
d'instituts de formation dans les métiers de la culture ».
175Les centres et les écoles à caractère
culturel qui sont l'émanation de
173 Francisco D'ALMEIDA et Marie LISE
ALLEMAN, les industries culturelles des pays du sud : enjeux du
projet de convention internationale sur la diversité culturelle,
Organisation internationale de la francophonie, aout 2004, p.13.
174Christian MALARD et
Florence KLEIN-BOURDON, L'émergence de l'Afrique :
regards croisés de Paul BIYA, Abdoulaye BIO TCHANE, Youssou N'DOUR,
Paris, édition Le cherche midi, 2010, p.140.
175Elvys Camille LEKOUEDE, «
Les politiques culturelles et les stratégies nationales de
réduction de la pauvreté » in Culture,
intégration et développement, Organisation
internationale de la Francophonie, mars 2014, p.66.
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la PC vont contribués d'après l'auteur à
la valorisation, la protection et à la diffusion des produits culturels
de cet Etat. La PC contribue ainsi à la promotion des métiers
d'artistes, de guide touristique etc. d'une part, mais également
à la vulgarisation des métiers culturels qui sont
nécessaire à l'industrialisation du secteur culturel dans un pays
d'autre part. Dès lors qu'un Etat a adopté une PC clairement
pensée, efficace et efficiente, cette dernière devient de fait un
levier important pour l'émergence tant sur le plan économique que
social de cet Etat comme nous le verrons dans la section suivante.
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