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La place de la politique culturelle dans le projet d'émergence du Cameroun à  l'horizon 2035. Contribution à  une analyse des politiques publiques.


par Arouna Pountougnigni Mfenjou
Université de Yaoundé 1 - Master en sociologie  2018
  

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2-De la notion de culture en sociologie

Parlant de la notion de culture, Denys CUCHE observe qu'elle est une notion ambigüe.

D'après l'auteure, l'ambigüité de cette notion ne peut être dépassée que si le chercheur fait

recours à sa genèse afin de mieux déceler ces contours. Elle observe à ce sujet que :

Les mots ont une histoire et, dans une certaine mesure aussi, les mots font l'histoire. Si cela est vrai de tous les mots, cela est particulièrement vérifiable dans le cas du terme 'culture'' [...] C'est pourquoi, si l'on veut comprendre le sens actuel du concept de culture et son usage dans les sciences sociales, il est indispensable de reconstituer sa genèse sociale, sa généalogie.127

2.1-Du concept de culture dans le champ de la rationalité sociologique

L'étude de la notion de culture en sociologie ne date pas d'aujourd'hui. Cette étude trouve toute sa pertinence à la suite de la littérature scientifique développée autour de cette notion. Ainsi, dans le vaste champ de la rationalité scientifique, la culture fait l'objet d'une abondante littérature depuis la signature de l'acte conceptuel du terme sociologie par Auguste COMTE en 1839 dans son Cours de philosophie positive.

Notre démarche dans cette partie s'inscrit dans une logique de compréhension de la notion de culture sous la chapelle de la science sociologique. Dans ce vaste champ de la rationalité sociologique, certains auteurs à l'instar de Small ALBIOL, Park, Burgess et surtout

126 Charly Gabriel MBOCK, Décoloniser la France, Montréal, KiyiKaat Editions, 2010, p.42.

127Denys CUCHE, La notion de culture dans les sciences sociales, Paris La Découverte, 2010, 4e édition, p.9.

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OGBURN etc. ont menés des réflexions profondes sur cette notion. En s'appuyant sur les pères fondateurs de la sociologie scientifique et académique (Max WEBER, Emile DURKHEIM), ils nous font observés que les architectes de la sociologie scientifique non jamais utilisé explicitement cette notion. Dans cette dynamique, Denys CUCHE observe à propos d'Emile DURKHEIM qu'il n'utilisait presque jamais le concept de culture mais plutôt la théorie de la conscience collective qui est une forme de théorie culturelle car, il existe dans toute société, une conscience collective, faite des représentations collectives, des idéaux, des valeurs et des sentiments communs à tous les individus. Cette conscience collective précède l'individu, s'impose à lui, lui est extérieure et transcendante. C'est la conscience collective (culture) qui réalise l'unité et la cohésion d'une société. 128

A la lumière de ces propos, nous nous rendons à l'évidence compte que l'expression conscience collective telle que nous l'avons vu sous l'angle de Denys CUCHE, a les mêmes caractéristiques que la notion de culture. Dans le même sillage, parlant de l'émergence de la culture dans le champ sociologique, Guy ROCHER observe que ce n'est que dans la nouvelle génération de sociologue français qui surgit après la dernière guerre que le terme devient populaire en France sous l'influence de la sociologie américaine.129En d'autres termes, la culture dans le champ sociologique provient de l'histoire et non de la philosophie en ce sens que les historiens sont davantage d'après l'auteur,

Des empiristes, des chercheurs méticuleux, préoccupés de faire oeuvre scientifique

plutôt que philosophique, débouchant finalement pour plusieurs d'entre eux sur

de véritable travaux ethnographique. C'est là un aspect intéressant de la notion

de culture, qu'elle provienne de l'histoire et non de la philosophie.130

Cette notion, nous renseigne Jean CAZENEUVE et al, est l'une des notions les plus

ambigus, les plus polysémiques au point où elle alimente aussi bien les controverses et est révélatrice des confusions donc elle est porteuse pour tout chercheur qui s'engage dans une dynamique définitionnelle liée à cette notion. A ce sujet, ils diront qu'elle est l'un des mots les plus usités, mais aussi l'un des plus mal définis en sociologie.131

Ce caractère polysémique de la culture est à l'origine de la difficulté pour les chercheurs en sciences sociales en générale et en sociologie en particulier de donner une définition unanimement acceptable dans le vaste champ de cette discipline qui « se caractérise par une

128Denys CUCHE, Op. Cit, pp.27-29

129Guy ROCHER, Introduction à la sociologie générale (l'action sociale), Montréal, éditions HMH, 1968, p.108 130Op.cit.p.106

131Jean CAZENEUVE et al, Encyclopédie de sociologie, Lille, Presse des petits fils de Leonard Danel, 1970, p.69

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recherche perpétuelle d'elle »132 surtout que comme nous l'enseigne Raymond ARON, les sociologues ne sont d'accords que sur leurs désaccords. C'est dans ce sens que Gilles FERREOL et al, parlant de la culture, diront que rarement un signifiant aura couvert autant de signifiés et rarement aussi un terme sera au coeur de tant de polémique tant politique que scientifiques.133

Dans la même dynamique, Henri TEDONGMO TEKO nous fait comprendre dans son ouvrage sur l'entrepreneuriat culturel que toute exercice analytique de la notion de culture révèle la diversité et la multiplicité d'une notion qui ne peut être que saisie que par un processus définitionnel qui explore les acceptions et les contours dans ce qu'elles ont d'idéologiques et d'affiliations disciplinaires. André AKOUN et Pierre ANSART voient en la culture un concept englobant. Ils considèrent cette expression comme un tout, c'est-à-dire un ensemble qui « désigne ainsi tout ce qui est créé et transmis par l'homme, tout ce qui n'est pas donné par la seule nature et l'hérédité biologique ».134 Nous nous rendons à l'évidence compte qu'à la lumière de cette définition qu'ils considèrent la culture non seulement comme une création humaine qui est transmise aux générations futures afin d'assurer la pérennité de celle-ci, mais davantage comme étant un fait social. Ce faisant plus clair, ils observent que :

si l'on retient en effet que toute pratique humaine est simultanément une pratique culturelle par opposition à ce que serait la nature, tous les faits sociaux, toutes les relations sont des faits sociaux de culture et tous les domaines qui relèvent des études sociologiques illustrent des dimensions de la culture.135

De ce point de vue, nous pouvons nuancés à la suite d'Emmanuel KAMDEM que la

culture n'est pas abordée dans le cadre de cette recherche comme un système clos, un système immuable. Mais elle est davantage un processus dynamique de reconstruction et de déconstruction des normes qui sont au coeur d'une organisation sociale. C'est dans ce sens qu'en ce XXIe débutant, Fréderic LEBARON, définit la culture comme étant : « l'ensemble des pratiques et représentations caractéristiques d'un groupe humain déterminé ».136 D'après lui, la culture varie dans le temps et dans l'espace social qui est structuré autour des classes sociales distinctes, ayant en commun leurs manières d'agir et leurs façons de faire qui dévient une sorte de the way of life mieux encore un mode vie. Guy ROCHER voit en cette notion une sorte de concept qui englobe les manières de penser, d'agir, de sentir et de faire autour

132Raymond ARON, Dix-huit leçons sur la société industrielle, Paris, Gallimard, 1962, p.3 133Gilles FERREOL (dir), Dictionnaire de sociologie, Paris, Armand Colin, 1995, pp.50-51 134André AKOUN et Pierre ANSART, Op. Cit, p.126

135Op. Cit, p.125

136Frédéric LEBARON, La sociologie de A à Z, Paris, Dunod, 2009, p.42.

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desquelles les individus vivant dans un environnement social donné. Se faisant plus explicite, il soulève que :

la culture est un ensemble lié de manière de penser, de sentir et d'agir plus ou

moins formalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent, d'une manière à la fois symbolique, à constituer ces personnes en une sorte de collectivité distincte.137

Dans une perspective d'analyse stratégique des organisations, la culture est perçue

comme un système de normes et de valeurs construits par les acteurs et qui assurent la cohésion sociale. Michel CROZIER et Erhard FRIEDBERG considèrent à cet effet que la culture n'est plus cet univers de valeurs et de normes incarnés et intouchables qui, en dernière instance, guident, ordonnent les comportements observés et donc en rendent compte. Ils poursuivent en soulignant que, formée d'un ensemble d'éléments de la vie psychique et mentale, avec ses composantes affectives, cognitives, intellectuelles, relationnelles, elle est un instrument, elle est la capacité que les individus acquièrent, utilisent et transforment en bâtissant et vivant leurs relations et leurs échanges avec les autres.138

L'émergence de la culture dans le champ sociologique a été à l'origine de l'apparition au sein de ce savoir d'une série de branche faisant de celle-ci une sorte de kaléidoscope. L'une des branches qui attire le plus notre attention dans le cadre de cette étude, est celle de la sociologie des pratiques culturelles théorisée par le français Philippe COULANGEON. A travers cette sociologie, Philippe COULANGEON cherche à comprendre les logiques d'action et les rationalités explicatives qui sont à l'origine de la forte propension de la consommation des biens culturels en France depuis un certain nombre d'année. Il nous fait comprendre dans ce sens que les pratiques culturelles constituent des marqueurs d'identités sociales. Celle-ci s'observe davantage dans la prépondérance de la télévision dans les hobbies quotidiens dans les ménages au point de devenir d'après les mots de l'auteur le nouvel opium du peuple. Dans la dynamique d'une précision terminologique, il nous fait savoir que :

Par pratiques culturelles, on entend généralement l'ensemble des activités de consommation ou de participation liées à la vie intellectuelle et artistique, qui engagent des dispositions esthétiques et participent à la définition des styles de vie : lecture, fréquentation des équipements culturels (théâtres, musées, salles de

137Guy ROCHER, Introduction à la sociologie générale, (l'organisation sociale), Montréal, HMH, 1968 p.111. 138 Michel CROZIER, Erhard FRIEDBERG, L'acteur et le système. Les contraintes de l'action collective, Paris, Seuil, 1977, p.210.

cinéma, salles de concerts, etc.), usages des médias audiovisuels, mais aussi pratiques culturelles amateurs.139

Au regard des différentes définitions et conceptions de la culture ci-dessus mentionnée, l'énumération des caractéristiques de la culture favorisera sans doute une compréhension profonde de cette notion.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand