CHAPITRE 2 : DE LA CULTURE A LA
POLITIQUE CULTURELLE
La diversité sémantique sur laquelle jouent
parfois les sociologues eux-mêmes BOURDIEU et PASSERON ne parlent-ils de
la culture de la classe cultivée, rend illusoire la fixation d'une
définition acceptable par tous. Acceptons donc la pluralité des
sens puisqu'elle traduit à la fois l'évolution des idées
et la multiplicité des problèmes.110
58
110Gilles FERREOL (sous dir),
Dictionnaire de sociologie, Paris, Armand Colin, 1995, p.57.
59
Dans ce chapitre de notre travail, nous allons axer notre
réflexion sur les perspectives définitionnelles de la notion de
culture dans sa globalité. Notre seconde préoccupation sera celle
de cerner le sens et la puissance de cette notion dans le
vaste boulevard de la science sociologique. Cette section culminera avec la
clarification de la notion de PC qui constitue le coeur même de notre
investigation scientifique.
1-La notion de culture
La notion de culture est diversement analysée dans les
champs scientifiques. Au regard du caractère ambigüe donc elle est
porteur, chaque auteur l'analyse avec ses référents
épistémologiques et méthodologique. C'est dans ce sens que
le mot culture est un mot irritant, polysémique, à
géométrie variable, dont les spécialistes ont
relevés des centaines de définitions.111 C'est dans
cette dynamique que nous convenons dès l'entame à la suite
d'Emmanuel KAMDEM que « la littérature sur la culture est
très abondante et diversifiée ; il est donc prétentieux de
notre part d'en faire le tour »112 dans notre
recherche.
L'auteur nous fait également comprendre que le premier
anthropologue ayant théorisé la notion de culture en
anthropologie est le britannique Edward Burnett TYLOR dans son ouvrage
Primitive culture. Ce dernier propose à la notion culture, la
définition suivante qui demeure d'ailleurs actuelle : « culture
ou civilisation, pris dans son sens ethnologique le plus étendue, est ce
tout complexe qui comprend la connaissance, les croyances, l'art, la morale, le
droit, les coutumes et les autres capacités ou acquises par l'homme en
tant que membre de la société ».113
1.1-Le cadre conceptuel et épistémologique de
la notion de culture
Né au XIIIe siècle et apparue dans la langue
française au XVIIIe siècle, marqué par une
équivocité et d'une exceptionnelle fluidité
sémantique, le concept de culture vient du latin cultura qui
veut dire cultiver la terre, soin apporté au bétail ou aux
champs. De par sa polysémie, et son caractère difficilement
définissable et saisissable, ce concept est porteur d'une
pléthore de sens voire de signification qui la rende ambigüe
à la limite. Cette ambigüité est due au faite qu' «
aujourd'hui, l'idée de culture est peut-être plus important que
jamais
111 Pierre MOULINIER, Les politiques
publiques de la culture en France, Paris PUF, 1999, p.4.
112 Emmanuel KAMDEM, Management et
interculturalité en Afrique. Expérience camerounaise,
Québec, Les Presses de l'Université de Laval, Paris, L'Harmattan,
2002, p.27.
113 Op. Cit, p.29.
60
dans le débat public ».114Sa
complexité sémantique est également due au faite qu'elle
est à l'image de la sociologie, c'est-à-dire une notion carrefour
qui touche à tout, qui englobe tout, une notion
caractérisée par des définitions aussi diverses que
variées. Marie Sophie MADIBA illustre pertinemment cette
complexité lorsqu'elle soulève que la culture touche à des
domaines variés. Taxée parfois d'industrie culturelle, ce peut
être les manières de faire et d'agir (façons de se
vêtir, de se nourrir, de parler, de danser), les loisirs, les croyances
et ou les perceptions, les musiques, les coutumes, les arts, les
traditions.115
Concept polysémique, la notion de culture fait l'objet
des mutations définitionnelles à travers l'utilisation qu'on en
fait de ce dernier. Sa signification est corolaire à son contexte
d'utilisation au point où, toute définition de la culture est
conséquentielle de l'affiliation disciplinaire du chercheur, de l'auteur
et par conséquent, sa « définition varie selon la
spécialité du chercheur ».116 Ainsi, aborder
la notion de culture impose au chercheur d'être attentif aux
ambigüités, à la polysémie donc elle est porteuse. La
notion de culture renvoie donc de ce point de vue à différentes
concessions, acceptions et perception.
En effet, la culture, dans un sens plus large peut être
comprise comme tout ce qui est acquis c'est-à-dire créé,
inventé, façonner par l'homme vivant dans une sphère
sociale donnée. C'est également tout ce qui s'ajoute à la
nature sous l'action de l'homme qui transforme cette dernière à
sa guise.
Dans un sens philosophique, la culture est
l'élément qui confère à l'homme le pouvoir de
dominer et d'agir sur la nature. Du point de vue matériel, la culture
est comprise comme étant l'activité d'un paysan qui cultive son
champ. Ferdinand CHINDJI KOULEU en rend bien compte quand il soutient que :
Ce mot s'applique aussi bien aux travaux champêtres
(culture du macabo), au corps humain (la culture physique), à l'esprit
d'un individu (la culture générale), qu'à une
société tout entière (les états
généraux de la culture), aux humanités (la culture
classique), qu'à la biologie (culture microbienne en laboratoire).
117
Au regard de ce qui précède, il ressort que la
culture désigne l'ensemble des institutions,
des manières de penser, de faire, de sentir et d'agir,
des coutumes propre à une communauté
114Adam KUPER,
« Les origines de l'idée moderne de culture en anthropologie
», in Albert DUCROS, Jacqueline DUCROS
et Fréderic JOULIAN (sous dir), La nature
est-elle culturelle ? Histoire, épistémologie et applications
récentes du concept de culture, Paris Editions Errance, 1998,
p.55.
115Marie Sophie
MADIBA, « Diversité culturelle : au carrefour de
l'exception culturelle, l'hybridation et la mise en commun. Pour une approche
pluridisciplinaire des concepts de diversité culturelle et de
mondialisation sous le prisme de la communication interculturelle » in
communautés et sociétés. Annales de sociologie et
d'anthropologie, Université Saint-Joseph, Beyrouth, Liban, Vol 21-22,
2010-2011, p.93.
116 Marie-Claude VETTRAINO-SOULARD, Les
enjeux culturels d'internet, Paris Hachette, 1998, p.3.
117Ferdinand CHINJI-KOULEU,
Communiquer est un art, Editions Saagraph, 2004, p.371.
61
62
voire un peuple. Elle constitue d'après Pierre KAMDEM,
Mesmin TCHINDJANG et al l'âme d'un peuple, c'est le
véhicule de sa pensée, c'est l'expression imagée de son
vécu bref, c'est l'identifiant, la clé primaire de la
compréhension de toute société traditionnelle reconnue
telle118raison pour laquelle « quand un peuple perd cet
âme, il meurt ».119
D'après l'Unesco, l'institution internationale donc
l'un de ces objectifs et la protection et la valorisation de la culture des
nations, la culture est un concept englobant de par les différentes
composantes donc elle est porteuse. La complexité de cette notion est
résumée par à travers la définition suivante :
La culture dans son sens le plus large, est
considéré comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et
matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une
société ou un groupe social. Elle englobe, outre les lettres, les
modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les
systèmes de valeurs, les traditions et les
croyances.120
Dans le vaste champ de la rationalité scientifique,
Pierre MBONJI EDJENGUELE dans son ouvrage Morts et vivant en
négro-culture, distingue deux types de culture : la culture
morte et la culture vivante. D'après lui, la culture morte
est cet ensemble d'items et d'institutions qui n'ont pas pu s'adapter à
la marche irréversible du temps et, pourtant, s'accrochent au wagon de
l'histoire et deviennent par là même un poids mort. Pour lui, la
culture morte est cette culture qui ne répond plus efficacement au
besoin des individus vivant dans une communauté donnée. On la
retrouve dans les aéroports entre les mains des touristes qui ont
à coeur de garder un souvenir de leurs voyages en terre africaine. Les
danses traditionnelles et les productions folkloriques (lors des visites des
chefs d'Etat étrangers, lors des événements sportifs) sont
révélatrices d'après l'auteur de cette culture morte. Et
par culture vivante, il nous fait observer que c'est une culture qui
:
Est en accord avec l'environnement, les aspirations de
ceux qui la vivent, qui comprend des valeurs épanouissantes,
passées et non passéistes, actuelles, endogènes et
exogènes, à condition de préparer ses consommateurs
à faire face aux défis existentiels.121
La culture vivante telle que nous dit l'auteur est une culture
dynamique qui absorbe les
apports étrangers, c'est une culture fortement
ancrée dans l'agir humain, elle est un palliatif aux
118Pierre KAMDEM & Mesmin
TCHINDJANG (dir), Repenser la promotion du tourisme culturel au
Cameroun. Approches pour une redynamisation stratégique,
Yaoundé Editions Iresma-Karthala, 2011, p.33.
119Jules ASSOUMOU,
Ibidem
120Déclaration de Mexico sur
les politiques culturelles. Conférence mondiale sur les politiques
culturelles, Mexico city, 26 juillet-aout 1982
121Ibidem
besoins existentiels des individus. C'est une culture qui
« s'enrichit des autres en enrichissant ; elle est enracinée et
expressive d'une identité ans être ancrée, amarrée
».122
Au regard des différentes clarifications
sus-citées sur la culture, il convient de retenir que la
définition opérationnelle de la culture retenue dans le cadre de
cette étude considère à la suite de Henri TEDONGMO TEKO,
que la culture est « un capital à exploiter parce que peut
contribuer au développement économique et social, et surtout
à la croissance économique ».123Il nous
revient maintenant d'énumérer les différentes fonctions de
la culture dans afin de mieux comprendre sa charge sémantique.
|