La régionalisation du maintien de la paix et de la sécurité internationales. étude appliquée au conflit en république Centrafricaine.par Chrisogone Ignace MENEHOUL KOBALE Université de Yaoundé II (Cameroun) - Master recherche en Droit public 2016 |
PARAGRAPHE II : Les sanctions de l'UA et la mise en oeuvre des actions par les acteurs centrafricains en vue du rétablissement d'une légitimité au plan internationalDepuis les deux décisions d'Alger de 1999 jusqu'à l'adoption de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance198(*)(CADEG) le 30 janvier 2007, enpassant par la Déclaration sur le cadre pour une réaction de l'OUA face aux changements anticonstitutionnels de gouvernement199(*) de 2000, l'Acte constitutif de l'UA et le Protocole relatif à la création du CPS de l'UAde 2002, l'UA a fait du rejet deschangements anticonstitutionnels de gouvernement son cheval de bataille. Il faut le souligner, il est impossible de s'accorder sur une définition de la sanction si l'on ne part pas de la même prémisse quant à la conception du droit et notamment de la place de la sanction dans cette conception200(*). En effet, si l'on part de la conception selon laquelle la sanction est une condition d'existence du droit, que le droit est « un ordre de contrainte201(*)», on arrivera à une définition de la sanction comme étant la contrainte matérielle destinée à éviter la violation d'une règle de conduite, une contrainte qui constitue le fondement du caractère obligatoire de cette règle202(*).Par contre, une autre définition de la sanction émerge si l'on se range du côté des auteurs qui considèrent la sanction comme une garantie de l'effectivité du droit, un « moyen extérieur d'en assurer la positivité203(*)». En tout état de cause, constitue une sanction, au sens juridique et strict du terme, « les réactions à un fait illicite tendant à garantir le respect des règles d'un ordre juridique et entreprises à la suite d'une décision d'un organe social qui constate l'atteinte à la règle et décide des moyens pour y mettre fin204(*). » L'importance du mécanisme de rejet par l'UA des changements anticonstitutionnels de gouvernement réside dans le fait que ces derniers « constituent l'une des causes essentielles d'insécurité, d'instabilité, de crise et même de violents affrontements en Afrique205(*) ». C'est alors qu'à la suite du changement anticonstitutionnel intervenu en RCA le 24 mars 2013, l'UA a imposé des sanctions aussi bien à l'encontre de l'Etat, lesquelles s'apparentent à une manoeuvre tendant à contenir le conflit par le haut206(*), des protagonistes du conflit (A) qu'à celle des individus, lesquelles sanctions s'inscriraient dans la même dynamique précédente, à la différence de procéder par le bas207(*), des protagonistes du conflit (B) conformément aux instruments juridiques pertinents de l'UA « en vue de parvenir à la restauration intégrale de la légalité208(*) », et donc de restaurer la paix. B. La sanction à l'encontre de l'Etat,manoeuvre tendant à contenir le conflit par le hautDans le communiqué de presse du 25 mars 2013, la Présidente de la Commission de l'UA alors madame le docteur Nkosazana DLAMINI-ZUMA a souligné que « la prise du pouvoir par la force constitue une violation caractérisée de ...la CADEG209(*) ainsi que des décisions de l'UA sur le rejet absolu du recours à la rébellion armée pour faire valoir des revendications politiques210(*). ». C'est pour cela qu'en réaction, la sanction dont il convient de voir la consistance (1) et le caractère (2) a été imposée contre l'Etat centrafricain. 1- La consistance de la sanction : Une suspension des droits de participation de l'Etat centrafricain aux activités de l'UA L'article 25 paragraphe premier de la CADEG établit que « Si le CPS constate qu'il y a eu changement anticonstitutionnel de gouvernement dans un Etat partie, et que les initiatives diplomatiques ont échoué, il prend la décision de suspendre les droits de participation de l'Etat partie concerné aux activités de l'Union... ». C'est dans ce sens qu'après une réunion d'urgence tenue le 25 mars 2013 dans la matinée, « Le Conseil décide de suspendre immédiatement la participation de la RCA à toutes activités de l'Union211(*)... ». Mais il convient de souligner que, même si la sanction contre la RCA suite au changement anticonstitutionnel de 2013, consiste uniquement en une suspension aux activités de l'Union, cet Etat est « tenu de continuer à honorer ses obligations vis-à-vis de l'Union, en particulier celles relatives au respect des droits de l'homme212(*). » parce que l'Union, après tout, « maintient [« toujours »] ses relations diplomatiques et prend toutes initiatives afin de rétablir la démocratie dans ledit Etat partie213(*). ». Cette sanction se distingue par son caractère. 2- Le caractère de la sanction : une sanction juridiquement contraignante D'une manière générale, la sanction recouvre deux éléments : « tout d'abord, une règle juridique qui impose à ses destinataires un certain comportement ; deuxièmement, la violation de la norme par un sujet de droit214(*) ». La sanction serait alors les conséquences qui découlent de ces violations. Dans un système juridique donné, il s'agit de « l'effet prévu par le droit à la suite de la violation d'un devoir, d'une prescription215(*) », ou encore « la réaction spécifique de l'ordre juridique à une violation du droit... la conséquence attachée par le droit à un tel manquement216(*) ». Ces effets ou conséquences peuvent prendre la forme de mesures consistant « soit [en] une obligation de faire ou de ne pas faire, soit [en] la déchéance d'un droit. La force n'intervient... qu'au bout du compte, sous forme d'exécution forcée217(*) ». Le but de ces mesures est de mettre fin à la violation du droit, en exerçant sur l'auteur de cette violation une forte pression pour que celui-ci y renonce. Elles tendent de ce fait à assurer le respect des règles. Ainsi, « Sanctions are not intended to be directly repressive or punitive as it is generally stated, but rather «coercive». The reacting State or organization does not primarily wish to «punish» the State for a wrongful act already completed but to coerce it into putting an end to the continuing situation resulting from this initial action... The aim then is to exert a sufficiently strong pressure on the offending State so that continuing to suffer the measures applied against it represents a higher cost than putting an end to its wrongful behavior218(*) ». C'est donc dire que le caractère coercitif non-militaire mais contraignant219(*) de cette mesure de réaction de l'UA prévue à cet effet constitue ainsi un des traits essentiels d'une sanction et permet de la différencier des autres formes de réaction à l'illicite car, en tant que moyen de dissuasion, la sanction n'implique pas nécessairement et automatiquement l'utilisation de la contrainte matérielle, c'est-à-dire la force. D'ailleurs, l'UA n'a pas imposé de sanction seulement à l'encontre de l'Etat centrafricain. * 198Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, 30 janvier 2007, Document officiel, CADHP, 8e session (entrée en vigueur : 15 février 2012). * 199Organisation de l'Unité africaine, Déclaration sur le cadre pour une réaction de l'OUA face aux changements anticonstitutionnels de gouvernement, AHG/Decl. 5 (XXXVI) (2000) [Déclaration de Lomé de 2000]. * 200 TEHINDRAZANARIVELO (Djacoba Liva), Les sanctions des Nations Unies et leurs effets secondaires. Assistance aux victimes et voies juridiques de prévention, Paris, PUF, 2005, p. 23. * 201KELSEN (Hans), « Théorie générale du droit international public. Problèmes choisis », RCADI, tome 42, 1932, p. 193. * 202 TEHINDRAZANARIVELO (Djacoba Liva), idem. * 203 BOURQUIN (Maurice), « Règles générales du droit de la paix », RCADI, tome 35, 1931-I, p. 202. * 204 TEHINDRAZANARIVELO (Djacoba Liva), op. cit., p. 30. * 205Lire sur ce point un des passages du préambule de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance signée en 2007 et en vigueur depuis le 15 février 2012. CADEG, supra note 1 à la p 1. * 206 En parlant de manoeuvre tendant à contenir, par le haut, le conflit, l'on veut faire allusion à l'Etat (centrafricain) en tant que personne dont la place en droit international est fortement importante, prioritaire. * 207 Nous mettons, ici, en avant l'individu en tant que personne dont la place en droit international est relativement importante, « subsidiaire » lorsque nous parlons de manoeuvre tendant à contenir, par le bas, le conflit. * 208 Cf. Communiqué de presse de l'UA sur la situation en RCA (25 mars 2013). * 209 La CADEG énumère dans son article 28 les hypothèses de changement anticonstitutionnel de gouvernement qui sont : 1) Tout putsch ou coup d'Etat contre un gouvernement démocratiquement élu ; 2) Toute intervention de mercenaires pour renverser un gouvernement démocratiquement élu ; 3) Toute intervention de groupes dissidents armés ou de mouvements rebelles pour renverser un gouvernement démocratiquement élu ; 4) Tout refus par un gouvernement en place de remettre le pouvoir au parti ou au candidat vainqueur à l'issue d'élections libres, justes et régulières ; 5) Tout amendement ou toute révision des Constitutions ou des instruments juridiques qui porte atteinte au principe de l'alternance démocratique. * 210Il s'agit notamment de la Décision sur la prévention des changements anticonstitutionnels de gouvernement et le renforcement de la capacité de l'UA. * 211 Lire le Communiqué final du CPS sur la situation en RCA. * 212 Article 25(2) de la CADEG. * 213 Note supra, (2). * 214 MONACO (Riccardo), « Cours général de droit international public », RCADI, Vol. 125, 1968-III, p. 314. * 215 MORAND (Charles-Albert), « La sanction », Archives de philosophie du droit, Vol. 35, 1990, p. 304. * 216 VIRALLY (Michel), « Panorama du droit international contemporain. Cours général de droit international public », Hague Academy of International Law (HAIL), Vol. 184, 1983-V, p. 312. * 217 MORAND (Charles-Albert), « La sanction », art. cit., p. 305. * 218 COMBACAU (Jean), « Sanction », Encyclopedia of Public International Law (EPIL), Vol. 9, 1986, p. 339. * 219Deux dispositions de l'article 7 du Protocole relatif à la création du CPS de l'UA permettent de soutenir la thèse du caractère juridiquement contraignant de cette sanction du CPS. D'abord, le point (2) de cet article stipule que « Les Etats membres [de l'Union] reconnaissent qu'en s'acquittant de ses devoirs au terme du présent Protocole, le Conseil de paix et de sécurité agit en leur nom. ». Et ensuite le point (3) confirme mieux cet état de chose en affirmant que « Les Etats membres [de l'Union] conviennent d'accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de paix et de sécurité, conformément à l'Acte constitutif. ». |
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