La régionalisation du maintien de la paix et de la sécurité internationales. étude appliquée au conflit en république Centrafricaine.par Chrisogone Ignace MENEHOUL KOBALE Université de Yaoundé II (Cameroun) - Master recherche en Droit public 2016 |
CHAPITRE I :LA DIMENSION NORMATIVE DE LA SOUS-TRAITANCE ONU - CEEAC/UA DANS LE CADRE DU CONFLIT EN RCADans l'après-guerre froide, le concept du maintien (régional) de la paix sous les auspices du Conseil de sécurité de l'ONU est devenu de plus en plus courant. Les conflits inter et intra-étatiques n'ont épargné pratiquement aucune région du monde, ce qui a obligé l'ONU à élaborer difficilement de nombreuses initiatives de paix simultanément. Le cadre opérationnel et le niveau de ressources existants de l'ONU ne lui auraient également pas permis d'accorder en même temps toute son attention à toutes les régions du monde en proie à des conflits93(*). S'il est relativement clair qu'en en transférant une sorte de compétences aux organismes régionaux (à travers des dispositions de la Charte) dans le cadre de la prise en charge des conflits (sous) régionaux l'ONU établit avec ceux-ci une relation de sous-traitance, il faut voir comment cela s'est passé ou a pu se passer (formellement parlant) avec la CEEAC et l'UA dans le cas centrafricain94(*)(Section I) ; et comment celles-ci ont accepté ladite relation de sous-traitance95(*) (Section II). SECTION I : L'ONU ET L'ETABLISSEMENT DE LA SOUS-TRAITANCE AVEC LA CEEAC/UA DANS LA PRISE EN CHARGE DU CONFLIT CENTRAFRICAINLa réaction de la majorité des participants à la Conférence de San Francisco face à l'élan universaliste du maintien de la paix d'une certaine opinion fut très hostile. Les Etats latino-américains souhaitaient préserver l'autonomie du système régional panaméricain renforcé par l'Acte de Chapultepec adopté en 194596(*). De plus, il a été mis en avant que la subordination totale des accords régionaux au Conseil concernant le recours à des mesures coercitives pourrait conduire à la paralysie du système de maintien de la paix et de la sécurité internationales chaque fois qu'une des grandes puissances exercerait son droit de veto97(*). De ce fait, un compromis incorporant les objections et doléances sur l'autonomie relative des organismes régionaux et sur le contournement d'un possible blocage au sein du Conseil, sans abandonner la primauté relative de l'universalisme, a été recherché98(*). La formule retenue met l'accent, d'un côté, sur les modes (régionaux) de règlement pacifique des différends. Ainsi, si le Chapitre VIII de la Charte peut être perçu dans cette étude comme la norme générale d'établissement de la sous-traitance ONU-CEEAC/UA99(*) dans la gestion du conflit en RCA (Paragraphe I), la résolution 2127 (2013) du Conseil de sécurité sur la situation en RCA elle, est perçue comme norme spécifique100(*) (Paragraphe II). PARAGRAPHE I : Le Chapitre VIII de la Charte, norme générale d'établissement de la sous-traitance ONU-CEEAC/UA dans la gestion du conflit en RCAL'élaboration du Chapitre VIII de la Charte constitue le point de départ de toute analyse doctrinale et de la pratique101(*). C'est en quelque sorte une référence pour les Etats et les acteurs institutionnels dans leurs discussions concernant les relations entre institutions universelles et institutions régionales dans le domaine de la paix et de la sécurité. Ce Chapitre qui constitue la base « constitutionnelle » de l'intervention de la CEEAC et de l'UA dans la résolution du conflit centrafricain laisse transparaître les figures (A) et les critères(de validité) (B) de cette sous-traitance. * 93Il s'agit de l'interprétation des propos de Monsieur Kofi ANNAN, alors Secrétaire Général de l'ONU, contenus dans l'extrait de son rapport intitulé Les causes des conflits et la promotion d'une paix et d'un développement durables en Afrique, 13 avril 1998. * 94 La transposition peut paraître brutale et le développement du paragraphe suivant (Paragraphe I) moins utile dans le cadre de cette étude, du fait de son caractère beaucoup plus théorique. Mais comme il sera vu plus tard de par la compréhension (approfondie) de certains intitulés, la démarche consiste à mettre en avant des textes pouvant être compris comme des fondements juridiques de cette relation dite de sous-traitance, soient-ils de près ou de loin liés, applicables ou transposables dans le cadre du conflit centrafricain). * 95 La démarche ici n'est pas fondamentalement différente de celle de la première section. Seulement, en l'absence (à notre connaissance) de (s) document (s) spécifique (s) édictés par la CEEAC ou l'UA et dont l'interprétation peut prêter à une acceptation de prise en charge par sous-traitance du conflit en RCA, il sera question (en parlant de l'acceptation de cette relation de sous-traitance par la CEEAC et l'UA) de mettre en avant des dispositions contenues dans les textes de base de ces organisations transposables ou valables à cet effet. * 96L'Acte de Chapultepec (résolution adoptée le 6 mars 1945) établissait pour la première fois le principe de la solidarité continentale contre un acte d'agression par un Etat quelconque. En cela il prônait l'idée d'une légitime défense collective au niveau régional. Voir aussi les observations de BOWETT (Derek), Self-defence in International Law, Manchester, Manchester University Press, 1958, p. 213. * 97BEBR (Gerhard), « regional organizations : A united nations Problem », AJIL, vol. 49, 1955, pp. 169-170. * 98SALMON (Jean), « Les accords régionaux dans les travaux préparatoires de la Charte des Nations Unies (San Francisco 1945) », dans Jorge CARDONA LLORENS (dir.), La ONU y el mantinimiento de la paz en el siglo XXI, Valencia, Tirant lo Blanch, 2008, pp. 405-416. * 99 Cette formulation trouve son fondement dans la compréhension extensive du Chapitre VIII, étant entendu que la CEEAC et l'Union Africaine sont aussi des organismes régionaux. * 100 Norme spécifique parce que cette résolution concerne clairement et uniquement la situation en RCA. * 101BOISSON DE CHAZOURNES (Laurence),art. cit., p. 238. |
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