Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

La strategie du Niger dans la lutte contre la radicalisation et l'extremisme violent: cas de la region de Tillaberi


par Moussa Hassabal kerim ABDEL-HADI
ENA-Niger - Maîtrise  2022
Dans la categorie: Droit et Sciences Politiques > Sciences Politiques
   
Télécharger le fichier original

précédent sommaire suivant

2.1.4 Contexte sécuritaire

La situation sécuritaire dans la région ne cesse de se détériorer depuis 2012. La guerre du nord Mali, qui a opposé les rebelles touareg et militants djihadistes, contre la malveillante intervention de l'armée malienne s'est transformée, en un conflit dans lequel les Français sont intervenus à travers l'opération Serval. Au fur et à mesure que la guerre progressait, notamment avec l'expansion de la zone de conflit au nord-est du Burkina, les organisations djihadistes ont commencé à s'implanter fortement dans la région de Tillabéri qui est attenant au Mali et au Burkina, par effet d'entraînement.

Alors que le Niger s'enlise davantage sur la voie de l'escalade de la violence, de la détérioration de la gouvernance et des problèmes environnementaux croissants, Tillabéry est de plus en plus confronté à des niveaux de violence qui favorisent l'insécurité et les déplacements de population. Cette région qui borde le Burkina Faso et le Mali, est touchée par les activités des groupes extrémistes violents et de groupes armés depuis au moins les soulèvements de 2012 dans le nord Mali. Le nord de Tillabéry a des liens sociaux et économiques forts avec les régions de Gao et Ménaka au Mali, zone où la présence de groupes extrémistes violents est cruciale10.

Des militants de ces groupes, dont l'État islamique au Grand Sahara (EIGS) et le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (Jama'at Nusrat al-Islam wal Muslimin, JNIM), affilié à Al-Qaeda, se déplacent librement à travers la frontière entre le Mali et le Niger. Ils recrutent des membres de l'autre côté de la frontière et s'efforcent d'accroître leur pouvoir dans le but de prendre à terme

10 Nations unies, Conseil de sécurité, «Militants Continue to Stage Deadly Attacks as Insecurity Expands into Previously `Safe' Zones in West Africa, Sahel, Top Official Tells Security Council», Communiqué de presse SC/14406 du 11 janvier 2021.

27

le contrôle des territoires. Dans la partie nord de Tillabéry, les militants ont d'abord exploité des tensions communes dans les zones agricoles et pastorales sahéliennes, dans l'hémisphère nord du Sahel, entre éleveurs et agriculteurs et entre les éleveurs des différentes ethnies pour prendre pied. Mais leur emploi transcende désormais les frontières ethniques et communautaires.

Outre la violence liée aux organisations extrémistes violents, au cours des deux dernières années, il y a eu un taux élevé à caractère ethnique. Alors que la violence entre les communautés pastorales était déjà généralisée en 2017 dans les zones frontalières entre le Mali et le Niger11.

Dans ce contexte, démêler les sources de violence djihadiste, rivalité ethnique et banditisme ne sont pas une tâche aisée. Mais les conséquences sont désastreuses, y compris des massacres dans les communautés qui ont essayé de se protéger face à l'incapacité de l'État à les protéger.

Parallèlement à la violence des groupes extrémistes, ces parties de Tillabéri sont devenues un terrain de jeu pour la violence opportuniste des criminels qui ont profité de l'effondrement des systèmes de gouvernance et de sécurité. Le plus grand nombre d'incidents violents s'est produit au cours des deux années (2019-2020), lorsque des groupes extrémistes violents ont cherché à briser la résistance à leur présence non seulement par l'État, mais aussi par les civils. En conséquence, 2020 a vu des nouvelles tendances, la région étant confrontée à des attaques contre des écoles, des sites miniers, ainsi qu'à l'enlèvement et de l'assassinat des travailleurs d'Organisations Non Gouvernementales (ONG). Cela a conduit à des massacres, comme ceux commis le 2 janvier 2021, qui ont tué au moins 158 civils12. Au cours de la seule première moitié du mois de mai 2021, plus de 16 000 personnes ont été

11 En 2017 et 2018, les forces nigériennes et françaises ont collaboré aux efforts de lutte contre le terrorisme avec les groupes armés à dominante touareg du nord du Mali, notamment le MSA et le GATIA.

12 Lyammouri, R. 2021 «Tillabéri Region : Concerning Cycles of Atrocities,» Policy Brief -10/21, Rabat : Policy Center for the New South.

28

déplacées au nord de Tillabéri du fait des violences armées13. Le tableau ci-dessous indique les nombres des incidents sécuritaires dans la région de Tillabéri de 2018 à 2021 selon le Bureau Humanitaire de l'Organisation des Nations unies (UNOCHA).

Tableau : nombres des incidents sécuritaires dans la région de Tillabéri

Date

Nombre des incidents sécuritaires

1

Du 1er janvier au 31décembre 2018

106

2

Du 1er janvier au 31 décembre 2019

102

3

Du 1er janvier au 31 décembre 2020

265

4

Du 1er janvier au 31 décembre 2021

318

Source : Données du Bureau des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA).

Commentaire : selon le Bureau des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA) 106 incidents sécuritaires en 2018, 102 en 2019, et 318 incidents sécuritaires ont couté la vie à 645 civiles du 1er janvier au 31 décembre 2021, comparativement à l'année 2020 à la même période au cours de laquelle 265 incidents ont couté la vie à 145 civils et 45 autres sont portés disparus. Ce qui donne le nombre de 791 incidents sécuritaires en quatre (4) ans.

Selon les données de Département de la Sûreté et de la Sécurité des Nations Unies (UNDSS) 136 incidents sécuritaires ont été recensés de janvier à avril 2022. Aussi, du 1er au 19 mai de la même année, 43 civils ont été tués et 22 personnes enlevées dans les départements de Torodi, Téra et Gothèye.

Aussi, selon les statistiques mentionnées par OCHA dans sa plus récente note d'information, douze (12) départements sur les treize (13) que compte la région de Tillabéri ont accueilli aux environs de 115.150 Personnes Déplacées Internes (PDI).

13 Internal Displacement Monitoring Centre, 2021, Niger.

29

La présence active des GANE dans les localités est à l'origine de cette détérioration, notamment dans le nord et le nord-est des communes de Makalondi, Inatès, Tondikwindi et de Banibangou, dans le sud d'Abala, dans l'Anzourou et dans les différents axes reliant les villages. Les personnes vivant dans ces zones sont particulièrement vulnérables aux violations des droits humains tels que les assassinats ciblés, des agressions physiques, de vol de bétail et l'incendie des réserves alimentaires des communautés et des établissements de santé.

La montée de « l'insécurité est attribuée à l'exacerbation de trois phénomènes : l'extrémisme violent, la criminalité transnationale organisée et les conflits locaux ».

Au vu de l'augmentation de l'insécurité, les populations de cette région font face à une violence généralisée et sont victimes de nombreuses atrocités commises par des groupes armés non étatiques et parfois par les forces de défense et de sécurité.

Chaque attaque terroriste crée un état de panique et de psychose. Les activités professionnelles, les loisirs et les déplacements sont plombés par celui-ci. La communauté victime se replie sur elle-même. Ceci est de nature à causer une stigmatisation des personnes susceptibles d'être identifiées aux Groupes Armées Terroristes. De même, les pertes en vies humaines enregistrées (par attentat, fusillade, prise d'otages, etc.) diminuent de la main-d'oeuvre existante et de la communauté. Le vivre-ensemble se transforme rapidement en un sentiment de méfiance et de peur générale.

C'est ainsi que les GANE ont commis de meurtres lorsqu'ils ont entamé leurs campagnes de sensibilisation auprès des habitants de certaines localités frontalières pour gagner leur confiance et recruter de nouveaux éléments. Ces campagnes ont été mal accueillies par les chefs coutumiers de la région. Les GANE semblent désormais s'en prendre à ceux qui refusent de coopérer avec eux ou soupçonnés « de complicité avec les autorités et les forces de sécurité ».

30

(Source : Protection cluster et UNHCR, 25/02/2020, art.cit). Au vu de cette analyse, l'absence de l'État dans certaines zones occasionne un vide juridique et la gestion foncière se voit controverser.

précédent sommaire suivant