2.1.4 Contexte sécuritaire
La situation sécuritaire dans la région ne cesse
de se détériorer depuis 2012. La guerre du nord Mali, qui a
opposé les rebelles touareg et militants djihadistes, contre la
malveillante intervention de l'armée malienne s'est transformée,
en un conflit dans lequel les Français sont intervenus à travers
l'opération Serval. Au fur et à mesure que la guerre progressait,
notamment avec l'expansion de la zone de conflit au nord-est du Burkina, les
organisations djihadistes ont commencé à s'implanter fortement
dans la région de Tillabéri qui est attenant au Mali et au
Burkina, par effet d'entraînement.
Alors que le Niger s'enlise davantage sur la voie de
l'escalade de la violence, de la détérioration de la gouvernance
et des problèmes environnementaux croissants, Tillabéry est de
plus en plus confronté à des niveaux de violence qui favorisent
l'insécurité et les déplacements de population. Cette
région qui borde le Burkina Faso et le Mali, est touchée par les
activités des groupes extrémistes violents et de groupes
armés depuis au moins les soulèvements de 2012 dans le nord Mali.
Le nord de Tillabéry a des liens sociaux et économiques forts
avec les régions de Gao et Ménaka au Mali, zone où la
présence de groupes extrémistes violents est
cruciale10.
Des militants de ces groupes, dont l'État islamique au
Grand Sahara (EIGS) et le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans
(Jama'at Nusrat al-Islam wal Muslimin, JNIM), affilié à
Al-Qaeda, se déplacent librement à travers la frontière
entre le Mali et le Niger. Ils recrutent des membres de l'autre
côté de la frontière et s'efforcent d'accroître leur
pouvoir dans le but de prendre à terme
10 Nations unies, Conseil de
sécurité, «Militants Continue to Stage Deadly Attacks as
Insecurity Expands into Previously `Safe' Zones in West Africa, Sahel, Top
Official Tells Security Council», Communiqué de presse SC/14406
du 11 janvier 2021.
27
le contrôle des territoires. Dans la partie nord de
Tillabéry, les militants ont d'abord exploité des tensions
communes dans les zones agricoles et pastorales sahéliennes, dans
l'hémisphère nord du Sahel, entre éleveurs et agriculteurs
et entre les éleveurs des différentes ethnies pour prendre pied.
Mais leur emploi transcende désormais les frontières ethniques et
communautaires.
Outre la violence liée aux organisations
extrémistes violents, au cours des deux dernières années,
il y a eu un taux élevé à caractère ethnique. Alors
que la violence entre les communautés pastorales était
déjà généralisée en 2017 dans les zones
frontalières entre le Mali et le Niger11.
Dans ce contexte, démêler les sources de violence
djihadiste, rivalité ethnique et banditisme ne sont pas une tâche
aisée. Mais les conséquences sont désastreuses, y compris
des massacres dans les communautés qui ont essayé de se
protéger face à l'incapacité de l'État à les
protéger.
Parallèlement à la violence des groupes
extrémistes, ces parties de Tillabéri sont devenues un terrain de
jeu pour la violence opportuniste des criminels qui ont profité de
l'effondrement des systèmes de gouvernance et de sécurité.
Le plus grand nombre d'incidents violents s'est produit au cours des deux
années (2019-2020), lorsque des groupes extrémistes violents ont
cherché à briser la résistance à leur
présence non seulement par l'État, mais aussi par les civils. En
conséquence, 2020 a vu des nouvelles tendances, la région
étant confrontée à des attaques contre des écoles,
des sites miniers, ainsi qu'à l'enlèvement et de l'assassinat des
travailleurs d'Organisations Non Gouvernementales (ONG). Cela a conduit
à des massacres, comme ceux commis le 2 janvier 2021, qui ont tué
au moins 158 civils12. Au cours de la seule première
moitié du mois de mai 2021, plus de 16 000 personnes ont
été
11 En 2017 et 2018, les forces nigériennes
et françaises ont collaboré aux efforts de lutte contre le
terrorisme avec les groupes armés à dominante touareg du nord du
Mali, notamment le MSA et le GATIA.
12 Lyammouri, R. 2021 «Tillabéri
Region : Concerning Cycles of Atrocities,» Policy Brief -10/21, Rabat
: Policy Center for the New South.
28
déplacées au nord de Tillabéri du fait
des violences armées13. Le tableau ci-dessous indique les
nombres des incidents sécuritaires dans la région de
Tillabéri de 2018 à 2021 selon le Bureau Humanitaire de
l'Organisation des Nations unies (UNOCHA).
Tableau : nombres des incidents sécuritaires dans
la région de Tillabéri
N°
|
Date
|
Nombre des incidents sécuritaires
|
1
|
Du 1er janvier au 31décembre 2018
|
106
|
2
|
Du 1er janvier au 31 décembre 2019
|
102
|
3
|
Du 1er janvier au 31 décembre 2020
|
265
|
4
|
Du 1er janvier au 31 décembre 2021
|
318
|
Source : Données du Bureau des affaires
humanitaires de l'ONU (OCHA).
Commentaire : selon le Bureau des affaires
humanitaires de l'ONU (OCHA) 106 incidents sécuritaires en 2018, 102 en
2019, et 318 incidents sécuritaires ont couté la vie à 645
civiles du 1er janvier au 31 décembre 2021, comparativement
à l'année 2020 à la même période au cours de
laquelle 265 incidents ont couté la vie à 145 civils et 45 autres
sont portés disparus. Ce qui donne le nombre de 791 incidents
sécuritaires en quatre (4) ans.
Selon les données de Département de la
Sûreté et de la Sécurité des Nations Unies (UNDSS)
136 incidents sécuritaires ont été recensés de
janvier à avril 2022. Aussi, du 1er au 19 mai de la
même année, 43 civils ont été tués et 22
personnes enlevées dans les départements de Torodi, Téra
et Gothèye.
Aussi, selon les statistiques mentionnées par OCHA dans
sa plus récente note d'information, douze (12) départements sur
les treize (13) que compte la région de Tillabéri ont accueilli
aux environs de 115.150 Personnes Déplacées Internes (PDI).
13 Internal Displacement Monitoring Centre, 2021,
Niger.
29
La présence active des GANE dans les localités
est à l'origine de cette détérioration, notamment dans le
nord et le nord-est des communes de Makalondi, Inatès, Tondikwindi et de
Banibangou, dans le sud d'Abala, dans l'Anzourou et dans les différents
axes reliant les villages. Les personnes vivant dans ces zones sont
particulièrement vulnérables aux violations des droits humains
tels que les assassinats ciblés, des agressions physiques, de vol de
bétail et l'incendie des réserves alimentaires des
communautés et des établissements de santé.
La montée de « l'insécurité est
attribuée à l'exacerbation de trois phénomènes :
l'extrémisme violent, la criminalité transnationale
organisée et les conflits locaux ».
Au vu de l'augmentation de l'insécurité, les
populations de cette région font face à une violence
généralisée et sont victimes de nombreuses
atrocités commises par des groupes armés non étatiques et
parfois par les forces de défense et de sécurité.
Chaque attaque terroriste crée un état de
panique et de psychose. Les activités professionnelles, les loisirs et
les déplacements sont plombés par celui-ci. La communauté
victime se replie sur elle-même. Ceci est de nature à causer une
stigmatisation des personnes susceptibles d'être identifiées aux
Groupes Armées Terroristes. De même, les pertes en vies humaines
enregistrées (par attentat, fusillade, prise d'otages, etc.) diminuent
de la main-d'oeuvre existante et de la communauté. Le vivre-ensemble se
transforme rapidement en un sentiment de méfiance et de peur
générale.
C'est ainsi que les GANE ont commis de meurtres lorsqu'ils ont
entamé leurs campagnes de sensibilisation auprès des habitants de
certaines localités frontalières pour gagner leur confiance et
recruter de nouveaux éléments. Ces campagnes ont
été mal accueillies par les chefs coutumiers de la région.
Les GANE semblent désormais s'en prendre à ceux qui refusent de
coopérer avec eux ou soupçonnés « de
complicité avec les autorités et les forces de
sécurité ».
30
(Source : Protection cluster et UNHCR, 25/02/2020, art.cit).
Au vu de cette analyse, l'absence de l'État dans certaines zones
occasionne un vide juridique et la gestion foncière se voit
controverser.
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