3.1.1 La pauvreté
La pauvreté est le socle de toute violence dans
l'espace sahélien et surtout au Niger. Certes, c'est un
phénomène, mais, à l'heure de la mondialisation, elle n'a
pas cessé d'augmenter. C'est pourquoi James Wilfenson disait à
propos de la pauvreté que je cite : « Nous portons, donc, entre
nos mains, la bombe de la pauvreté, qui est une bombe prête
à exploser dans n'importe quel moment... »16.
La pauvreté, combinée à la
criminalité transnationale organisée et à la faiblesse des
institutions, crée un sentiment croissant d'insécurité,
d'instabilité et de conflits dans la région. La pauvreté
est devenue le terreau de toute violence et demeure une préoccupation
majeure dans la région de Tillabéry. Cette pauvreté
engendre la frustration qui peut facilement être exploitée par les
groupes extrémistes violents, notamment lorsque la population est
privée d'un accès inéquitable aux services sociaux de
base.
Conséquemment à toutes ces
caractéristiques, les jeunes se retrouvent pour la plupart dans la
précarité et perdent de plus en plus la confiance à la
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société et à l'État qu'ils
considèrent comme étant indifférent à leur
« sort de misère »17. Ce sentiment est
davantage accentué par la désarticulation des cellules familiales
victimes de la pauvreté et des mutations exogènes des valeurs
socioculturelles qui sont mal appréhendées. Face à cette
situation, les jeunes deviennent de plus en plus attentifs aux discours des
groupes extrémistes violents. Les jeunes, piégés par des
perspectives nébuleuses d'une vie meilleure, socialement plus juste et
fautes d'alternatives, se retrouvent acteurs involontaires de la radicalisation
et de l'extrémisme violent.
Aussi, la déscolarisation ou le manque de
fréquentation des enfants est considéré comme une des
problématiques majeures dans certaines localités de la
région de Tillabéri a l'exemple de Ouallam, Bankilaré et
Ayérou. Ces problèmes ont poussé plusieurs enfants
à quitter les villages soit pour rejoindre les groupes
extrémistes soit pour migrer vers les grandes villes.
Les niveaux d'éducation restent faibles, en particulier
chez les jeunes filles. De plus, l'offre de formation technique et
professionnelle formelle s'avère insuffisante pour relever le
défi de l'emploi des jeunes. Ce déficit prédispose la
plupart des jeunes au désoeuvrement ou à des emplois qui ne leur
permettent pas de subvenir dignement à leurs besoins fondamentaux. Cela
participe à casser leur estime de soi et à renforcer leur
sentiment d'être des victimes d'un système d'exclusion. Ce qui
constitue une porte ouverte à toutes les dérives dont les
stratégies négatives18.
La pauvreté demeure une préoccupation majeure
pour la population et plus précisément les jeunes. Cette
pauvreté, exacerbée par le chômage et le sous-emploi,
touche de plus en plus les populations, dont les jeunes sont victimes. Les
conditions de vie fragile des jeunes et leur désespoir incluent les
17 Ces propos ont été
récurrents dans plusieurs entretiens de groupe avec les jeunes lors des
concertations régionales par le CNESS
18 Stratégie Nationale de Prévention de
la radicalisation et de l'extrémisme Violent-Niger
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dangers de la stigmatisation sociale. Les populations sont
soumises à de multiples privations, en particulier les zones rurales, ce
qui constitue une base d'adhésion aux groupes terroristes et criminels
présents dans certaines régions du Niger et augmente le sentiment
d'injustice sociale.
3.1.2 L'injustice sociale
Le sentiment d'injustice est également l'une des causes
qui motivent les individus à la radicalisation. Ce sentiment est souvent
exploité par des groupes extrémistes pour inciter les populations
à la violence. C'est un sentiment largement partagé au sein de la
population. La stratégie utilisée consiste à
démontrer aux jeunes que ce qu'ils pensent est une réalité
et qu'ils peuvent et doivent combattre l'injustice par tous les moyens.
À cet effet, la justice et l'équité
constituent le fondement le plus sûr pour construire une nation en
magnifiant la nécessité de s'unir d'une part et d'autre part,
suscitent des perceptions très mitigées et demeurent, enfin, un
problème crucial dans les différentes localités du pays.
L'impunité, la violation des droits humains, notamment les droits
économiques, sociaux et culturels semblent gagner du terrain au
détriment de l'intérêt général.
Ainsi, selon une enquête (juin 2018) menée par le
Centre National d'Études Stratégiques et de
Sécurité (CNESS), il ressort de cela qu'en milieu rural à
Tillabéri, 58 % des jeunes pensent que les riches et les pauvres ne sont
pas égaux devant la loi et 56 % pensent la même chose entre les
citoyens ordinaires et les hommes politiques. Les raisons restent les
mêmes : la corruption et le trafic d'influence19.
Aussi, faut-il le rappeler que lors du forum sur le maintien
et le renforcement de la cohésion sociale tenu à Niamey du 24 au
26 novembre
19 Étude approfondie sur les facteurs de la
radicalisation en milieu rural, urbain, carcéral et universitaire dans
cinq régions du Niger de juin 2018 menée par le Centre National
d'Études Stratégiques et de Sécurité-Niger.
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2021, certaines personnes aient relevé l'injustice dans
la succession au niveau de la chefferie traditionnelle. Pour les tenants de
cette assertion, lorsqu'un chef traditionnel décède, le
successeur serait quelqu'un qui utilise les moyens possibles pour
accéder au trône. Cette pratique révolte certains
prétendants légitimes qui font les recours à la violence
pour revendiquer leur place en tant que successeurs de droit. Tous ces
phénomènes illustrent et donnent l'impression d'une mauvaise
gouvernance.
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