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Médias transnationaux et représentations: le cas de la réception de RFI par les étudiants sénégalais

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par El Hadji Malick NDIAYE
Université Gaston Berger de Saint-Louis - Master 2 2016
  

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Chapitre V : De l'hégémonisme au relativisme culturel

Ce chapitre s'intéresse à un trait déterminant, consubstantiellement lié à l'être humain : la culture. La culture, liée à l'Homme aussi bien dans son individualité que dans sa vie en société est un levier sur lequel on peut appuyer pour l'influencer, le façonner et le modeler. Telle est la vision de générations entières de penseurs, politiques, missionnaires, médias, entre autres acteurs ont développé dans leur mission de civilisation des peuples de la périphérie. Justement, entretemps, la périphérie a connu maintes et moult transformations avec notamment l'avènement des TICs. Les médias transnationaux du centre, ayant été présents à la période de la colonisation et se positionnant toujours comme des médias privilégiés dans l'espace régional ouest africain, sont soupçonnés d'avoir des visées transculturels voire d' « impérialisme culturel. Si on peut lire dans le rapport du CSA que « promotion de la langue et de la culture française »139 est une des charges imputées à RFI par le gouvernement Français, il est donc clair que ce médias à un rôle culturel certain. Pour autant, malgré plusieurs de ses programmes consacrés à la culture, a-t-elle un impact dans les représentations culturelles des récepteurs ?

Pour répondre à cette question, nous allons dans un premier temps, nous intéresser aux termes clés que sont « les représentations » et les vocables trans-, inter- et multi- accolés à la culture. Ceci pour mettre en place le cadre qui accueillera les résultats de la variable sur les rapports entre le média transnational RFI et les représentations et identités culturelles des récepteurs. Dans un second lieu, c'est l' « autre » qui est abordé. A l'aide d'une variable sur « la perception de l'autre » nous analysons l'altérité telle que vécue mais aussi telle que présentée par RFI. Ceci pour savoir si, encore une fois, RFI a un rôle dans les représentations de l'altérité.

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139 Rapport CSA année 2014 - France Médias Monde-Décembre 2015, p.12

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V.1 Les représentations culturelles : entre « westernization » et interculturalité

La « westernization » qui n'est rien d'autre que l'occidentalisation des peuples dits primitifs ou sauvages, revient à mener, pour le berger occidental, le troupeau à destination. Ceci, emprunte nécessairement le sentier de l'encadrement et de la domination culturelle. Cette dernière est appelée « impérialisme culturel ». La notion d'impérialisme culturel a pourtant été introduite dans un premier temps pour désigner les tentatives hégémoniques américaines et le refus de certaines voies de l'Europe d'entériner « the american way of life ». La société de consommation, trouve un écho favorable en Europe au point que la diplomatie du vieux continent va s'en saisir et sous le leadership de la France, défendre l'idée « d'exception culturelle », de « spécifié culturelle » avant d'accoucher du terme de « diversité culturelle » consacré par l'UNESCO. Ces débats et cette dénonciation de l'hégémonie américaine se retrouveront d'ailleurs dans les négociations au sein du General Agreement on Tariffs and Trade (GATT)140 devenu plus tard l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Le terme d'impérialisme culturel, ne se trouve point, à l'instar de celui de « tiers-monde », géographiquement situé. Relevant plus d'éléments factuels de « colonisation culturelle » et d'une idéologie matérialiste chez des penseurs pouvant la déceler et la dénoncer, l'impérialisme culturel s'est toujours saisi des appareils de transmissions des idéaux pour influencer les peuples de la périphérie. Elle désigne l' « ensemble des processus par lesquels une société est introduite au sein du système mondial moderne et la manière dont sa couche dirigeante est amenée, par la fascination, la pression, la force ou la corruption, à modeler les institutions sociales pour qu'elles correspondent aux valeurs et aux structures du centre dominant du système ou à s'en faire le promoteur » (Schiller141, 1976). Cette définition d'un penseur de l'économie politique de la culture et de la communication qu'est Herbert Schiller, insiste sur l'intégration d'une société donnée au système mondial mais surtout par le fait que sa couche dirigeante soit le levier d'intériorisation des rudiments de la culture dominante. Pierre Bourdieu et Loïc Wacquant, parlant de l' « américanisation » définissent cet impérialisme de la manière suivante : « comme les dominations de genre ou d'ethnie, l'impérialisme culturel est une violence symbolique qui s'appuie sur une relation de communication contrainte pour extorquer la soumission et dont la particularité consiste ici en ce qu'elle universalise les particularismes liés à une expérience historique singulière en les faisant méconnaitre comme tels et reconnaitre comme

140 En Français : accord général sur les tarifs douaniers

141 Herbert I. Schiller, Communication and cultural domination. 1976. p.9 cité par Armand Mattelart Armand Mattelart, 200,7 p.59

142 Pierre Bourdieu et Loïc Wacquant. La nouvelle vulgate planétaire. Le monde diplomatique, 2000, vol. 5, p. 1-7. p.6

143 S. Moscovici, Des représentations collectives aux représentations sociales, in Jodelet D., Les représentations sociales, coll. Sociologie d'aujourd'hui, P.U.F. 1989. p. 63

144 J. Clenet, Représentations, formation et alternance, Alternances/Développement, l'Harmattan, Paris, 1998, p. 70.

145 S. Moscovici, op.cit. , 1989, p. 81

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universels »142. Cette violence symbolique a comme outils privilégiés les médias. Ces derniers sont des « médiacultures » en ce sens qu'ils véhiculent une manière d'agir, de penser, de sentir, donc contribuent à transmettre un mode de vie. Les médias transnationaux comme RFI, perpétueraient, à leur création, une « re-colonisation » par les esprits et leur stratégie seraient empreintes de ces tentatives hégémoniques au service d'une culture. Ainsi, on peut se demander si ces tentatives hégémoniques ont porté leurs fruits ? Ou bien si elles font face à des dynamiques d'interculturalités chez les jeunes ? Les réponses à ces questions permettront de d'envisager une construction ou co-construction des représentations culturelles.

V.1.1 Focus sur les représentations individuelles et collectives

Abordées dans beaucoup de domaines des Sciences de l'Homme et de la Société tels que la psychologie sociale, la psychologie cognitive, les sciences de l'éducation, la sociologie entre autres, les représentations ont, depuis le XXème siècle, été énoncées par une myriade de travaux. Si c'est Serge Moscovisci qui l'emploie beaucoup plus dans les recherches actives à partir de 1961, le concept de « représentations » devrait permettre d'«étudier les comportements et les rapports sociaux sans les déformer ni les simplifier.»143. Jean Clenet ajoute que : « la représentation construite par une personne (ou un collectif) est son lien, son rapport le plus intime avec l'organisation et l'environnement dans lequel elle se situe»144. Ces rapports qui se traduisent par des liens cognitifs et sociaux se déclinent en trois éléments :

- la relation entre l'individu et le monde (hommes et objets),

- la relation entre l'individu et l'action (la sienne et celle des autres),

- la relation de l'individu avec lui-même.

L'apport de la psychologie, qui influencera notamment les études d'autres champs sur les représentations sera fondamentale puisqu'elle traduit, en premier, l'idée du caractère cognitif des représentations. Tout au long de l'histoire, le développement des TICs va booster et renouveler les acceptions sur les représentations. Pour S. Moscovici «la révolution provoquée par les communications de masse, la diffusion des savoirs scientifiques et techniques transforment les modes de pensée et créent des contenus nouveaux»145. Il ajoute que : « (...) La nouvelle structure est celle d'une représentation au sens strict du mot, à la fois abstraite et

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imagée, réfléchie et concrète»146. Ce renouveau s'accompagne d'une certaine innovation conceptuelle qui pousse les penseurs à parler de « représentations sociales ». Ces derniers, mettent l'accent sur la société, les interactions et rapports sociaux. Herrera cite Moscovici (1976) pour qui, « toute représentation sociale peut être considérée comme une modalité de connaissance ayant pour fonction d'orienter les comportements et de permettre la communication entre individus » (Herrera, 1996, p. 103). En outre, la définition de Denise Jodelet met l'accent sur le fait que les représentations ont pour soubassement le social en ce sens qu'elles sont : « une forme de connaissance socialement élaborée et partagée [...] concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble social » (Jodelet, 1991 p. 51).

A cet effet, s'il existe plusieurs théories qui se sont intéressés à ces représentations, elles s'entendent au moins sur un point que nous rappelle en substance Sébastien Rouquette (1997) qui pense que, pour qu'il y ait représentation sociale, il doit nécessairement y avoir héritage et altérité. Cependant, cette conception des représentations sociales édulcore et semble dépasser les dimensions individuelle et collective des représentations. Même si Moscovici a reformulé le concept de représentation collective de Durkheim en y substituant celui de représentation sociale, pour désigner, « un instrument mieux adapté à la diversité et à la pluralité des représentations qui organisent les rapports symboliques dans les sociétés modernes (Doise, 1990). Pour Durkheim, les représentations collectives sont des structures logiques et invariantes de l'esprit humain. Dans la reformulation de Moscovici, on retrouve cette idée de logique, mais pas celle d'invariance » nous rappelle Mohamed Bernoussi et Agnès Florin (1995, p.75)147. En fait, les représentations sociales et les représentations collectives renferment pratiquement les mêmes caractéristiques, hormis la dimension de processus qui nous semble fondamentale. Par ailleurs, dans l'approche classique, suivant le concept de représentations comme produit, mais aussi comme processus, nous distinguons les représentations individuelles et les représentations collectives remplacés ici par les représentations sociales. Moscovisci l'illustre en ces termes : « Les représentations sont des créations d'un système individuel ou collectif de pensée. Elles ont une fonction médiatrice entre le "percept" et le concept. En ce sens, elles sont à la fois processus (construction des idées) et produits (idées). Elles se valident,

146 Ibidem pp. 81-82.

147 Bernoussi Mohamed, Florin Agnès. La notion de représentation : de la psychologie générale à la psychologie sociale et la psychologie du développement, 1995. pp. 71-87; p.75

148 J. Clenet, Cours D.E.A. Sciences de l'éducation, C.U.E.E.P de Lille, novembre 1999, photocopie.

149 M. Denis, Image et cognition, P.U.F., Paris 1989

150 P. Mannoni, les représentations sociales, Que sais-je, P.U.F., 1998, p.10

151 J. Clenet, op.cit., p. 41

152 S. Moscovici, op.cit., 1989, p. 64

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se construisent et se transforme dans l'interaction (...)»148. Nous envisageons donc les représentations collectives comme des représentations sociales.

VI.1.1.1 Les représentations individuelles

Quant aux représentations individuelles ce sont les constructions de perceptions mentales que l'individu intériorise. En d'autres termes des éléments de cognition que l'individu construit par l'interaction avec son environnement. Elles constituent un tout cohérent et permettent à l'individu de se situer par rapport aux autres. Pour Jean Clenet les représentations individuelles sont «ce qu'un sujet a pu intérioriser d'une situation vécue, (de) ce qui pour lui "fait sens" et donne sens à ses actions. ». La représentation individuelle, serait donc d'abord singulière, particulière et se développant dans la mentalité de chacun. On peut donc penser que cette notion est voisine de la représentation mentale149. Pierre Mannoni expose que ces représentations mentales «dans la plupart des cas, sont orientées par les préoccupations praxéologiques du sujet. Elles sont utilisées par celui-ci pour organiser et planifier son action, participent aux projets comme à leur exécution et se trouvent en permanence dirigées par une intention pragmatique»150. Quant à J. Clenet, à la suite de M. Denis, il définit les représentations individuelles «comme processus par lesquels l'esprit humain appréhende son environnement, en construit des représentations et utilise celle-ci afin de régler sa conduite»151. Durkheim lui, pense que les représentations sont «propres à chaque individu, sont variables et emportées dans un flot ininterrompu. [...] (Elles) ont pour substrat la conscience de chacun...»152. Cependant, la plupart des penseurs qui ont travaillé sur les représentations, certainement du fait qu'ils soient penseurs du social à l'instar de Durkheim et de Moscovisci, font prévaloir les représentations collectives sur celles individuelles. Pour notre part, nous pensons que la dimension individuelle est tout d'une importance capitale pour cerner la façon dont les individus dans leur singularité traitent les informations qu'ils reçoivent et se font des représentations mentales à cet effet.

V.1.1.2 Les représentations collectives

Michel Denis explique que les: « représentations comportent une spécificité individuelle mais également un noyau commun partagé par la plupart des esprits humains participant de la même

culture»153. Les représentations collectives se forment donc dans le moule social et « servent à définir des modes de pensée communs (autours de normes, de mythes, d'objectifs) qui règlent et légitiment les comportements au sein du groupe. La notion de représentations collectives insiste sur leur spécificité pour le groupe qui les élabore et les partage. »154 Dans le sens de cette acception, nous comptons, aborder les représentations collectives tendant. Nous postulons que les aspects politiques des représentations que nous voulons étudier trouveront échos dans ce cadre collectif incarné ici par les étudiants. Dans cette perspective, des traces exigus de liens diasporiques, c'est-à-dire des représentations d'étudiants sénégalais vivant en France peuvent également apparaitre et également analysés dans ces compositions collectives.

V.1.3 Médiacultures et altérité

« Les médias d'un côté, la culture de l'autre. Ce grand partage n'a qu'un siècle mais il pèse sur les représentations des médias... » nous disent Macé et Maigret à la quatrième de couverture de Penser les médiacultures. Appelant à de nouvelles pratiques et représentations du monde, cet ouvrage convoque l'essentiel des études autour de la culture et de la communication. Les représentations culturelles qui naissent via les médias, interpellent directement les récepteurs des informations qui les construisent en fonction de leur réception. Sous cet angle, les médias transnationaux, qui ont, chacun, sa ligne éditoriale, traitent une information internationale à destination de public multiples. Ces publics, reçoivent, interprètent et se construisent différemment des représentations. Dans ce sillage, la perception de l'autre, trait identitaire et facteur de représentation, nous interpelle directement. En fait, l'autre « s'affiche sous un polymorphisme déroutant, bien des fois mouvant, mutant, présent ou fuyant, attrayant ou rebutant »155 (De Buron-Brun, 2010, p.7). Des stéréotypes et présupposés sont développés à l'endroit de l' « autre » du fait de son caractère inconnu et différent. Ces stéréotypes et présupposés ont longtemps guidé, les médias transnationaux qui, eux, mettaient en jeu des représentations diabolisée, instrumentalisée, interpellée, autonomisée (Cabedoche, 2007). Ces représentations qui construisaient une étrangeité (2007) rencontrent cependant des récepteurs qui sont souvent concernés mais qui opèrent une réception négociée comme nous l'avons vu dans la deuxième partie. RFI, qui est un média d'Etat mais se représente comme « les voix du monde », à travers ses émissions présente et fait interagir différentes cultures. Cette mise en

153 M. Denis, in Sciences Humaines n° 27, op.cit.

154Dominique Aimon, travail réalisé sur la base du cours de Jean Clenet en novembre 1998 dans le cadre d'un DEA en Sciences de l'éducation

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155 Bénédicte de Buron-Brun, Altérité, identité, interculturalité, Perceptions et représentations de l'étranger en Europe et dans l'arc atlantique, Tome 1, 2010, p.7

scène des cultures a-t-elle un impact dans la perception que les publics se font de l' « autre » ? En d'autres termes, il est question de savoir si RFI participe à la construction des représentations culturelles des publics et de la conception qu'ils ont des autres cultures. A cette question, nous répondrons dans les lignes qui suivent à l'aide de formulations théoriques à cet effet mais aussi des résultats de notre enquête.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein