Médias transnationaux et représentations: le cas de la réception de RFI par les étudiants sénégalais( Télécharger le fichier original )par El Hadji Malick NDIAYE Université Gaston Berger de Saint-Louis - Master 2 2016 |
Chapitre 4 : Une réception de plus en plus « négociée »Dans le second chapitre de cette partie, nous valsons entre présentation, analyse, et interprétation des variables de nos résultats d'enquête ainsi qu'à une explication de ceux-ci par les modèles théoriques énoncés dans ce premier chapitre. Ceci, dans la perspective de rendre compte des phénomènes de réception et de répondre intégralement à notre deuxième hypothèse de travail. Le chapitre que nous abordons là, présente la majorité des résultats de l'enquête menée auprès des étudiants entre le 19 Aout 2016 et le 22 Septembre 2016 auprès de cent (100) étudiants. Nous tenterons donc d'établir le lien et les rapports substantiels entre ces résultats et la réception que ces étudiants font de la Radio France Internationale en partant de notre appareillage théorique convoqué dans le premier chapitre. Rappelons que nous nous inscrivons précisément dans le modèle de codage/décodage de Stuart Hall. Dans le cadre de notre recherche, nous avons fait le choix de nous inscrire dans la logique d'une enquête de terrain en inscrivant plusieurs variables complémentaires dans un questionnaire adressé à cet échantillon d'étudiants Sénégalais tous horizons confondus. Dans l'analyse des résultats, nous partons des premières variables de notre questionnaire relatifs au mode, à la temporalité, aux thématiques suivies ainsi qu'aux dispositifs de réception des informations provenant du média transnational RFI. Le fait de connaitre les préférences des auditeurs sur les heures d'écoute, les émissions ou thématiques suivies, les objectifs suivis, les dispositifs de réception par ces auditeurs permet d'avoir un aperçu sur leurs profils et la manière dont ils reçoivent ces informations. Ensuite, nous faisons intervenir les variables sur les émissions, la diversification des sources, sur ces sources alternatives entre autres. En fait, il s'agit d'exploiter l'ensemble des données qui peuvent intervenir dans le filtrage ou la sélection qui est faite des récepteurs sur l'information internationale transmise par RFI. A la suite de quoi, nous pourrons apporter des ébauches de réponse à notre hypothèse selon laquelle la réception de RFI est négociée (Hall, 1994). 60 61 IV.1 Le temps, les dispositifs et les thématiques dans la réception de la RFI par les étudiants sénégalais : RFI est en effet le média transnational le plus suivi en Afrique Francophone. C'est ce que nous dit Marie Soleil-Frère en ces termes : « This means that 72% of RFI listeners are actually living in Francophone Africa. In nine French-speaking countries where audience research was conducted, RFI ranked third in the overall radio environment according to the French regulatory body CSA themarket research institute126»127. Cette affirmation est corroborée par des données de notre enquête du tableau ci-dessous qui indique le niveau de connaissance (notoriété) des médias transnationaux auprès de notre échantillon. IV.1.1 Les radios et les télévisions transnationales plébiscitées Niveau de connaissance des médias transnationaux par l'échantillon
Enquête auprès les étudiants Sénégalais du 19/08 au 22/09 2016 (Tableau complet en annexes) Ce tableau effectué à l'aide d'un calcul manuel des réponses données par les enquêtés nous montre que les médias Français de manière générale sont plus suivis que les médias Africains. 126 TNS SOFRES, understakes regular audience surveys in senegal, Côte d'Ivoire, RDC, Cameroon, Mali and Gabon ; CSA, 2014, pp. 9, 57 127 Anke Fiedler et Marie-Soleil Frère. Op.cit. p.77 Cela est aussi valable dans la presse, la radio et la télévision. RFI est connu de tous les répondants (100%), s'en suivent France 24 (59,5%) et BBC Afrique (46,8%) qui focalisent l'attention des publics des médias transnationaux enquêtés chez les étudiants. Si RFI, France 24 et BBC Afrique sont les plus suivis, TV5 (21,5%), Canal+ (25,3%) et CNN (15,1%) sont aussi bien connus des répondants. Euronews (6,3%), Al Jazeera (8,8%), beIN sport (6,3%), Trace, Le monde (5%) et TF1 (5%) enregistrent eux aussi une certaine reconnaissance chez les répondants. Enfin, des médias comme Jeune Afrique, I 24, BFM TV, Radio Chine International, MTV, Africa 24 ont chacun tous de fréquence des réponses de 3,7% des réponses. Le constat est que RFI est le média transnational le plus connu par les enquêtés. En outre, c'est de manière générale les médias français qui dominent en termes de notoriété suivi de ceux anglo-saxons. Dans le domaine de la musique et de la culture urbaine, des chaînes de télévision américaines exercent toujours une grande influence à savoir MTV et Trace. Côté sportif, c'est Canal+ qui est le plus suivi devant beIN Sport. Par ailleurs, les médias chinois tels que CCTV qui ont adopté une stratégie plus offensive en Afrique depuis quelques années du fait de la présence de la chine dans le continent sur le plan économique, restent eux aussi largement relégués. In fine, nous constatons que les médias Africains comme Jeune Afrique ou encore Africa 24 ne sont pas aussi connus que les médias Français. Du côté de la presse Jeune Afrique est certes cité juste derrière Le monde, mais ceci est surprenant si l'on connaît l'acuité des thématiques qui sont traitées ainsi que leur ancrage dans l'actualité du continent. De ce point de vue, nous pensons qu'au-delà d'une certaine élite, Jeune Afrique ou même Africa 24 peuvent toucher plus de publics avec un déploiement pour une plus grande accessibilité mais aussi en menant des politiques de communication-marketing efficaces. Ces données confirment à suffisance la prédominance des médias Français en Afrique Francophone et celle de RFI qui est par essence la plus adaptée à une Afrique, société de l'oralité où la radio a toujours servi à la « construction de la trame sociale de référence sur laquelle repose la sociabilité partagée » (Mucchielli, 2006)128. Cette sociabilité revient à une écoute collective et aux discussions qui sont menées autour du poste transistor dans un continent qui, rappelons-le, vit majoritairement en communauté. En fait, non seulement le continent est caractérisée par une tradition d'information-communication par la parole, ce que fait la radio, mais aussi la radio est le média le moins couteux et qu'on peut utiliser presque partout. Cet 128 Alex Mucchielli, Les sciences de l'information et de la communication. 4ème éd.Paris : Hachette supérieur, 2006 62 ensemble de facteurs justifie qu'elle ait été de loin le média le plus suivi en Afrique. Même si nous constatons que beaucoup de télévisions transnationales ont plus de notoriété que certaines radios transnationales en attestent les références à la télévision qui sont supérieures à celles des radios, la radio reste encore incontournable. La comparaison entre les deux médias en Afrique n'étant pas l'objet de notre recherche, nous allons néanmoins présenter les résultats des citations de ceux-ci ainsi que d'autres médias transnationaux suivis par les enquêtés. Concernant la radio, 90% des répondants suivent les radios transnationaux, 89% d'entre eux suivent les télévisions, 19% pour la presse écrite et 47% suivent la presse transnationale en ligne. Cela nous montre que la distance qu'il y'avait entre la télévision et la radio est en train de s'effriter notamment avec le fait que la télévision devient plus accessible mais aussi que la presse écrite transnationale n'est pas très lue. 19 Type de media 47 89 90 Radio Télévision Presse écrite Presse en ligne Graphique de représentation des types de médias transnationaux suivis Ces résultats confortent notre choix d'étudier le média RFI, qui reste leader des médias transnationaux écoutés ou suivis par les étudiants. IV.1.2 RFI comme source d'information fiable en temps réel et de culture générale A la suite des variables sur les médias transnationaux proprement dits nous nous intéressons à la RFI qui fait l'objet de cette étude. Ainsi, nous nous sommes intéressés aux motivations qui poussent les étudiants à suivre média RFI, le mode de suivi, la fréquence et la temporalité dans le but de mieux comprendre les dynamiques d'exposition. A ce propos, si tous les enquêtés suivent RFI, tout le monde ne déclare pas suivre RFI par volonté mais par exposition. En d'autres termes, ceux qui suivent la RFI par exposition sont des auditeurs qui n'allument pas la radio de leur gré mais qui l'écoutent involontairement. À la question de savoir « de quelle manière suivent-ils RFI », 90 étudiants déclarent suivre ce médium volontairement et 10 63 affirment le suivre plus par exposition. Par exemple quand leur voisin allume la radio ou quand elle est captée dans un environnement où ils se situent. Cela fait ressortir que tous les auditeurs ne vont pas vers la radio ou ne suivent pas RFI de leur propre gré. C'est élément est non négligeable dans la compréhension de la réception. Si seulement 10% de l'échantillon enquêté écoute passivement la radio, c'est que l'essentiel de notre échantillon a la volonté de s'informer et va vers l'information. Pour ces 10% nous pouvons dire qu'ils opèrent une réception oblique (Hoggart, 1957) qui intervient à des fins de sociabilité et de dynamique de groupe. Cette « attention oblique » ou « consommation nonchalante » (Hoggart, 1957) des informations de cette petite portion des enquêtés n'en fait pas cependant des non-récepteurs. En fait, même si cette consommation peut se trouver « nonchalante », il se trouve qu'elle est effective et peut avoir des incidences. Tableau de résumé des réponses sur les motivations qui poussent les récepteurs à suivre la RFI
Chez les 95 enquêtés ayant répondu à la question sur les motivations qui leurs poussent à écouter RFI, nous constatons que tous invoquent l'information comme motivation principale. 45 y adjoignent une information sur « l'actualité internationale et le monde », 15 parlent d'une information « en temps réel », 15 autres parlent de « fiabilité », de « professionnalisme », de « crédibilité » et de « qualité ». Enfin 11 répondants disent vouloir augmenter leur culture générale et 1 son niveau de langue. La question étant ouverte, les réponses sont multiples mais ces éléments relevés constituent l'essentiel des points saillants de cette variable. Par conséquent, on peut déjà supposer qu'une information, internationale, fiable et pouvant augmenter la culture 64 générale est l'une des motivations principales des récepteurs qui font donc un usage du média RFI en fonction de besoins cognitifs. Cet état de fait sera appuyé par la question suivante cherchant à savoir à quelle fin ils écoutent RFI. Cette fois-ci, 5 variables seront proposées aux répondants. Il s'agit des variables: information, divertissement, culture générale, sociabilité et valorisation. 96 personnes ont coché sur l' « information », 17 personnes sur « divertissement », 77 personnes sur « culture générale », 6 sur « valorisation » et 19 sur « sociabilité ». Ces résultats corroborent largement les données sur les motivations des auditeurs de RFI enquêtés mais introduisent des paramètres nouveaux. 17 personnes ne sont pas intéressés par l'information stricto sensu mais plutôt par d'autres programmes de divertissement, 19 l'écoutent en groupe donc par sociabilité et 6 l'écoutent pour se conférer un certain statut social et bien paraître. FIN D'ÉCOUTE 80 60 40 20 0 120 100 Information Culture générale Valorisation Sociabilité divertissement
19 17 6 96 77 Graphique (anneau) de représentation des raisons d'écoute de RFI Afrique IV.1. 3 Fréquence et temporalité d'écoute La variable de la fréquence d'écoute est, à plusieurs titres, importante pour notre objet. Elle renseigne sur le niveau d'engagement de l'auditeur par rapport au média. En réponse à la question sur la temporalité 40% personnes attestent écouter « régulièrement » RFI, 44% répondants l'écoutent « de temps en temps » et 16% répondent l'écouter «rarement ». 65 De temps en temps Régulièrement Rarement 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 Fréquence d'écoute 16 Fréquence d'écoute 40 44 Graphique de la fréquence d'écoute de RFI Si 44% des répondants écoutent RFI de « temps en temps » et 16% « rarement » c'est que RFI n'a plus son lustre d'antan chez les étudiants qui l'écoutaient tous à outrance dans les années 1990 selon nos interviews avec les personnes ressources. Ces données sont assez parlantes sur le fait que 40% seulement des étudiants l'écoutent régulièrement. A cet effet, « On peut qualifier de deux façons, relative et absolue, la force du lien entre une radio et ses auditeurs : par la fidélité et par l'exclusivité. Les auditeurs fidèles (ceux dont le lien à telle radio est récurrent), et les auditeurs exclusifs (ceux dont telle radio est la station exclusive, voire simplement dominante), forment les deux auditoires dont le lien à la radio a une certaine force. »129 (Glevarec et Pinet, 2007, p.294). Dans le cadre de cette variable, nous pouvons plus parler d'auditeurs fidèles à RFI qu'exclusifs. Cette dernière dépend aussi du fait qu'ils puissent avoir recours ou non à d'autres sources. Concernant la temporalité, 77,2% des répondants écoutent la radio le matin, 39,6% l'écoutent la journée et 58,4 l'écoutent la soirée. Cette écoute peut se faire via des dispositifs multiples. 129 Hervé Glevarec et Michel Pinet, « L'écoute de la radio en France. Hétérogénéité des pratiques et spécialisation des auditoires », 2007 66 Courbe des heures d'écoutes 60 22h-00h 50 6h-8h 40 30 20 10 0 8h 10h 12h-14h 10h-12h 14h-16h 16h-18h 18h-20h 20h-22h Matin Journée Soirée 1ère série 2ème série 3ème série Graphique des heures d'écoute de RFI Même si la grande majorité des auditeurs écoute RFI la matinée soit 77,2%, on constate que les intervalles d'heure où la radio est la plus écoutée est de 22h à 00h. Ceci indépendamment des cumuls des segments (6h à 12h pour le matin, 12h à 18h pour la journée et 18 à 00 pour la soirée). Nous pouvons expliquer ce résultat par le fait que les étudiants sont en repos et se couchent en ce moment. Ils écoutent donc la radio en attendant leur sommeil pour certains mais pour d'autres écoutent les éditions du soir pour avoir un tableau synoptique des évènements de la journée. En résumé, les étudiants écoutent RFI le plus souvent dans les intervalles suivantes : le matin de 6h à 10h, la journée de 12h à 14h et la soirée de 22h à minuit. Heures de réveil et de préparation des cours pour le matin, heure de pause pour la journée et moments de repos la nuit sont les périodes d'écoute favorites des étudiants enquêtés. A en croire Hervé Glevarec et Michel Pinet, (2003) : « comparativement à l'écoute radiophonique en général, l'écoute juvénile se présente comme une écoute de fin de matinée et de fin de journée (...) la projection de l'activité principale de "cours" (scolaires) correspond dans ses grandes lignes aux moments les plus faibles de l'écoute de la radio du matin et du début de l'après-midi. »130 (Glevarec et Pinet, 2003, p.3). Ces heures d'écoute dépendent de leurs activités, aux espaces où ils se situent. Des espaces d'écoute domestiques et délocalisés (Chez soi/extérieur/en classe/Trajets) engendrent à leur tour des formes d'écoute solitaires ou partagées (Glevarec et Pinet, 2003). Nous voyons ici que les horaires les plus écoutés le matin peuvent être à la fois domestiques (chez soi) et 130 Hervé Glevarec et Michel Pinet, « La radio : un espace d'identification pour les adolescents », 2003, pp 319-342 67 délocalisées (trajet/en classe) mais solitaires. Pour la journée, l'intervalle de 12h à 14 correspond à des heures de pause, dans des espaces délocalisés certes, mais qui offrent la possibilité d'écoute solitaire ou partagée. Quant à l'intervalle qui se situe de 22h à 00h, elle est plus domestique et solitaire. Nous nous rendons donc compte que les récepteurs préfèrent les moments où ils sont au calme pour s'exposer au média RFI et s'y informer. En ce qui concerne le temps moyen d'écoute de RFI, 8 personnes ont répondu l'écouter entre 0 et 10 minutes, 40 personnes l'écoutent de 10 à 30 minutes, 35 l'écoutent entre 30mn et 1h de temps et 17 plus d'une heure de temps. Cela démontre que les étudiants sont assez exposés aux informations de RFI pour avoir le temps de les intérioriser car 75 enquêtés l'écoutent moyennement entre 10 minutes et 1h de temps. Si 75% des enquêtés écoutent en moyenne entre 10 minutes et 1H de temps la radio par jour, c'est qu'ils s'y exposent pour une période qui leur permet d'avoir l'essentiel des informations de RFI et de s'y familiariser. Ceci montre que nous avons globalement des publics qui accordent une attention aux messages provenant de RFI en atteste leur temps moyenne d'écoute. A la suite de nos entretiens, nous avons constaté que plus la personne est attachée au média et y collée, plus elle risque d'être dans une logique de réception hégémonique-dominante puisqu'elle partage le même code (Hall, 1994) et moins elle l'écoute tout le temps et est exposée à d'autres canaux d'information, plus elle est capable de recevoir l'information en fonction de ses intérêts donc d'opérer une réception plus « négociée ». IV.1.4 Une écoute en direct via les dispositifs mobiles et numériquesLe fait de savoir si nos enquêtés suivent les émissions en direct ou par podcast est déjà un indicateur des dispositifs qu'ils utilisent dans la réception des programmes de RFI. C'est également un élément important pour savoir à quel point le numérique intervient et influence les pratiques et modalités d'écoute. Si les pratiques informationnelles (Gardiès, Fabre et Couzinet, 2010) se trouvent re-questionnées, c'est que les dispositifs numériques sont très souvent renouvelés. Pour cette variable, toutes les personnes qui déclarent écouter RFI par podcast utilisent soit Internet, soit l'application mobile via smartphone. Ceci va nous permettre de savoir à quel point ces dispositifs font l'objet d'une appropriation (Proulx, 2010) par les usagers pour recevoir ces informations. 68 Mode de suivi Direct Podcast 69 Graphique de représentation des modes de suivi Quatre-vingt-cinq (85) enquêtés les suivent en direct et 24 en podcast. Cela montre que l'appropriation qui est faite des smartphones ou de l'Internet en ce qui concerne l'information audiovisuelle reste encore timide. Ces usagers sont donc toujours « tributaires d'un horaire et d'une grille de programmation »131 (Saint Martin, S. Crozat, 2007, p.261) donc moins indépendants à l'égard des contenus du média RFI. En ce qui concerne la question sur l'appareil d'écoute de la RFI, 7 personnes utilisent le transistor, 51 le téléphone portable, 63 le Smartphone et 27 Internet uniquement. Si nous cumulons les réponses qui citent Internet et les Smartphones, 90 personnes ont accès à ces dispositifs alors que seuls 24 d'entre eux utilisent le podcast. Ceci est révélateur de l' « adoption » de ces dispositifs mais d'une « utilisation » et « appropriation » encore insuffisantes. In fine, il apparait clairement que le téléphone portable et le smartphone, fruits d'une évolution technologique, sont aujourd'hui les appareils multifonctionnels sur lesquels les étudiants captent RFI. En outre, si 85 enquêtés suivent la radio en direct, ils dépendent certes de la grille de programmation de celle-ci pour l'écouter mais aussi, comme en attestent les horaires d'écoute, choisissent les moments auxquels ils la suivent. En ce qui concerne la question concernant la réception de l'information par Internet, 91 personnes y ont répondu. 25 répondants déclarent la suivre sur http://www.rfi.fr/ , 18 via leur application RFI et 48 via les réseaux sociaux. Là, le constat est que les réseaux sociaux sont essentiels pour toucher les cibles. D'ailleurs, la plupart des jeux concours de RFI se font aujourd'hui via Facebook comme l'illustre le jeu de l'émission Archives d'Afrique qui se 131 Dominique Saint Martin, Stéphane Crozat, « Écouter, approfondir.... Perspectives d'usage d'une radio interactive », Distances et savoirs 2007, p. 257-273. 70 déroule simultanément par appel téléphonique et sur Facebook. Par exemple, pour le cas d'Archives d'Afrique, la question posée sur l'archive sonore à deviner à la fin de chaque émission peut être répondue en commentaire de la publication qui y est dédiée sur Facebook. Avec plus de 2.606.203 fans le 10 Septembre 2016, 1.014.000 followers (Twitter), RFI compte aujourd'hui plus que jamais sur les réseaux sociaux pour garder son statut de leader en Afrique Francophone. Suivi par Internet 48 18 25 RFI.FR Application RFI Réseaux sociaux Graphique de représentation du suivi de RFI via Internet La question concernant l'information via les réseaux sociaux s'inscrit dans le même registre et cherche à savoir sur quel réseau social les internautes qui suivent RFI reçoivent le plus l'information. Nous n'avons choisi que Facebook, Twitter et Google+, un choix arbitraire mais qui est cependant bien motivé car RFI elle-même est beaucoup présente sur Facebook et Twitter. L'association de Google+ à ces deux autres a été fait dans le but de savoir si celui-ci, pas très connu des Sénégalais à priori est effectivement une plateforme où ils retrouvent RFI. 58 personnes reçoivent l'information sur Facebook, 10 sur Twitter et 5 via Google+. Facebook est largement dominant et focalise l'essentiel du suivi de RFI sur les réseaux sociaux. Les réseaux sociaux engendrent de nouveaux usages sociaux de l'actualité132 en faisant « bifurquer les trajectoires d'usages des individus » (Granjon et Le Foulgoc, 2010, p.227). Déjà en introduisant un ordre de l'interaction (Coutant et Stenger, 2010), les réseaux socionumériques ont fortement enrichi la chaîne de l'information du fait que les récepteurs peuvent commenter et interagir en temps réel. Les opportunités qu'offrent ces RSN semblent être bien saisies par 132 Fabien Granjon, Aurélien Le Foulgoc, « Les usages sociaux de l'actualité. L'Expérience médiatique des publics internautes », 2010, p. 225253. 71 RFI. Les récepteurs, de plus en plus connectés, prolongent leur consommation sur ces RSN, Facebook en premier puisque c'est le réseau social le plus utilisé au monde (1,79 milliards d'utilisateurs actifs par mois en Novembre 2016133) et au Sénégal (2.300.000 utilisateurs134). SUIVI SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX Facebook Twitter Google+ Google+ 7% Twitter 14% 79% Graphique de représentation du suivi de la RFI sur les réseaux socionumériques Au terme de cette partie où nous avons présenté quelques variables de notre enquête, des constats fondamentaux pour notre analyse de la réception de RFI en sont ressortis. Média transnational le plus connu au Sénégal, RFI est volontairement suivi (90%) par les étudiants qui ont comme motivation principale l'information sur l'actualité internationale. Ces étudiants qui veulent augmenter leur niveau d'information (96 citations) et de culture générale (77 citations) sur le monde à partir de ce média qu'ils écoutent, le font le plus souvent le matin de 6h à 10h, la journée de 12h à 14h et la soirée de 22h à minuit. Ces intervalles d'heures, correspondants aux heures de réveil, de pause et de repos traduisent deux facteurs : d'abord que ces étudiants, qui utilisent très peu les podcasts (24 réponses) ne se sont pas appropriés des smartphones et de l'internet par lesquels ils y accèdent; ensuite qu'ils décident d'écouter RFI à des heures où ils sont disponibles. De ce point de vue, ils n'utilisent pas souvent la fonctionnalité du podcasting, ce qui ne leur permet pas d'avoir les programmes quand ils le veulent, mais en fonction de leur propre intérêt et disponibilité. En outre, en s'exposant moyennement de 10 minutes à 1h de temps par jour, « de temps en temps » (44 réponses) et « régulièrement » (40 réponses), les récepteurs opèrent une « exposition sélective » au média puisqu'ils choisissent les contenus spécifiques auxquelles ils s'exposent en fonction de leur centre d'intérêt. In fine, pour les dispositifs, le transistor semble être dépassé au profit du téléphone portable (51 réponses) et 133 Facebook Reports Third Quarter 2016 Results 134 Internet World Stats, 30 juin 2016 vu sur osiris.sn 72 du Smartphone (63 réponses). Sur Internet, ce sont les réseaux sociaux et précisément Facebook, qui constituent le canal favori de contact entre RFI et ses publics. Cet ensemble de données recueillies fait ressortir une consommation à des fins utilitaires du média transnational RFI par les récepteurs. Le récepteur est actif et utilise une stratégie de l'exploitation (Ravault)135 à des fins d'augmentation de culture générale et d'information aux horaires qu'il choisit. L'internet et les nouveaux dispositifs rendent la tâche des publics plus facile puisque certains d'entre eux utilisent le podcast et d'autre suivent RFI sur les réseaux sociaux. L'indépendance des enquêtés à l'égard de RFI et l'utilisation qu'ils en font, reflète une « exposition sélective » aux programmes qui sont en rapport avec leurs intérêts. Il reste que, la réception fait intervenir les intérêts des récepteurs mais aussi les ajustements et l'adaptation qu'il fait du message pour l'accepter ou le rejeter. A cet effet, nous allons tenter d'étudier, dans les prochaines lignes, ces ajustements et adaptations que font les récepteurs sous forme de filtre ou de sélection de l'information provenant de RFI. 135 Un des trois stratégies de réception du public actif identifié par Ravault. Elle consiste à une utilisation intelligente. Le récepteur peut tirer profit de son exposition aux messages culturels étrangers IV.2 Filtre ou sélection de l'information provenant de RFI Afrique Les récepteurs de RFI enquêtés nous ont permis d'établir certaines tendances à propos de leur fréquentation de ce média. Nous nous sommes rendus compte dans la section précédente d'un ensemble d'éléments relatifs à la réception, ses motivations, sa temporalité, sa fréquence qui nous édifie sur le caractère rationnel des récepteurs. Les résultats de notre enquête nous montrent que les étudiants, pour la majorité, ne sont pas totalement collés à RFI et prennent le temps qu'il faut pour recevoir ces informations. De ce point de vue, les récepteurs de RFI au Sénégal sont pour la majorité avertis et conscients des enjeux liés à l'information donnée par RFI et l'appréhendent par rapport à leurs intérêts propres d'où l'idée d'une « réception négociée ». Seulement, cette forme de réception suppose une utilisation utilitaire, instrumentale et plus ponctuelle que continue de RFI. Cette dernière implique nécessairement des préférences, des thématiques privilégiées mais aussi des filtres et des sources d'informations alternatives d'où l'idée d'une « perception sélective » (Lazarsfeld, 1944). Elle ne s'inscrit cette fois-ci pas dans le cadre d'une « exposition sélective » (Lazarsfeld, 1944) au média. Cette exposition sélective qui met à jour l'exposition au média, à son information se différencie quelque peu de la « perception sélective » où le récepteur choisit quel programme percevoir ou pas. La « perception sélective », appliquée à notre objet s'intéresse beaucoup plus aux contenus programmatiques médiatiques pour savoir à quels messages le récepteur décide de s'exposer. Nous avons, dans le cadre de notre questionnaire, tenu à intégrer ces variables afin de comprendre les besoins qui font écouter à ces auditeurs RFI mais aussi voir ce qu'ils pensent et comment ils utilisent l' information reçue. |
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