III. L'accident domestique
1. L'accident
Un accident de la vie courante est défini par l'OMS
comme étant « un événement indépendant de
la volontéì humaine provoqué par une force
extérieure agissant rapidement et qui se manifeste par un dommage
corporel et/ou mental ».
Plusieurs catégories se distinguent parmi les accidents
de la vie courante (Ac-VC) : les accidents domestiques, ceux survenant à
l'extérieur, mais aussi les accidents scolaires, de sport ou de
loisirs.
Les accidents, dits domestiques se définissent comme
tout accident survenant au domicile ou dans ses abords
immédiats. Sont donc exclus les traumatismes intentionnels,
causés par autrui ou les actes de violence orientés contre
soi-même. (15)
Un accident domestique reste rarement imputable au hasard
seul, mais résulte plutôt d'un ensemble de facteurs ; et aurait pu
le plus souvent être évité. Ce caractère
d'évitabilité est en cours d'analyse. Fin 2016, Santé
Publique France, en lien avec d'autres acteurs a construit un outil permettant
la mesure de l'évitabilité des Ac-VC mortels chez les enfants. Il
devrait ainsi permettre de déterminer les actions préventives ou
correctives à établir pour éviter la survenue de
l'accident ou en diminuer sa gravité. (16)
Actuellement, en France, les accidents de la vie courante
peinent à se faire reconnaître véritablement comme un
problème de santé publique. Contrairement aux campagnes chocs de
sécurité routière, les accidents domestiques sont peu
médiatisés. Les rares fois où ils émergent des
espaces médiatiques, ils sont à la une des faits divers et non
pas au coeur de l'actualité médicale ou politique.
En 1967, E. Maurice Backett, professeur de médecine
sociale écrivait pour l'OMS : « La plupart des accidents, [...]
sont trop éparpillés pour éveiller l'intérêt,
soit d'un caractère trop franchement atroce pour provoquer autre chose
qu'une réaction d'auto-défense : «Une telle chose ne peut
m'arriver à moi !» ». (17) Cette réaction
d'auto-défense semble encore bien présente et pourrait
partiellement expliquer le désintérêt de la
société à l'égard des accidents domestiques.
8
Pourtant, chaque année des centaines de milliers de
personnes en France ont recours aux urgences dans ce contexte. Les accidents
domestiques sont la première cause de mortalité chez les enfants
de zéro à quatre ans. Sur la courbe ci-dessous, un pic de
fréquence est à déplorer à l'âge de deux ans.
La tranche d'âge la plus préoccupante reste celle des 0-4 ans.
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Figure 1. Répartition des accidents de la vie
courante chez les enfants selon l'âge et le sexe
Source : Colson S. et al. Le guide de la
puéricultrice : Prendre soin de l'enfant de la naissance à
l'adolescence. 4ème édition. Issy-les-Moulineaux :
Elsevier-Masson, 2016. (7)
2. Épidémiologie
Les données épidémiologiques,
étudient les causes et les conséquences des accidents de la vie
courante pour permettre d'orienter au mieux les actions de
prévention.
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Figure 2. La protection par la prévisibilité
et l'anticipation
Source : Colson S. et al. Le guide de la
puéricultrice : Prendre soin de l'enfant de la naissance à
l'adolescence. 4ème édition. Issy-les-Moulineaux :
Elsevier-Masson, 2016. (7)
Dans le guide de la puéricultrice, est proposé
le schéma ci-dessus détaillant les éléments majeurs
à prendre en compte pour établir une action préventive et
protéger l'enfant d'un éventuel accident.
En analysant les facteurs favorisants d'un accident,
l'environnement de l'enfant et qui en était responsable à ce
moment-là, il serait possible de mieux anticiper un futur incident.
Le caractère évitable de l'accident rejoint la
prévisibilité de l'incident, et la prévention
associée. Une meilleure anticipation peut être à l'origine
d'une meilleure protection des enfants.
Selon les données de l'EPAC, 77% des accidents
surviennent au domicile pour les 04 ans. (4)
9
Parmi les enfants de moins de cinq ans, victimes d'un accident
domestique, 50% ont eu recours aux soins, 10% ont nécessité une
hospitalisation et 2% conservent des séquelles. La chute est l'accident
dont sont le plus victimes les jeunes enfants. Elle touche 73% des enfants de
moins d'un an et 55% des enfants de un an à quatre ans. (7)
Dans 10% des cas, les accidents domestiques sont dus à un
corps étranger.
La tranche d'âge des 0-4ans reste aussi la plus
exposée aux intoxications accidentelles. Entre 2011 et 2016, dix enfants
de zéro à quatre ans sont décédés des suites
d'une intoxication accidentelle. (18)
Le faible nombre de décès ne doit pas minimiser
pour autant l'intérêt porté aux ingestions
accidentelles.
Malgré des statistiques plus alarmantes sur les accidents
tels que les chutes ou les brûlures ; nous avons choisi de porter notre
attention sur les ingestions accidentelles. L'enfant portant
régulièrement des objets à la bouche, ce comportement est
banalisé par les adultes. Pourtant, les petits objets, les plantes
toxiques, et les produits liquides en tout genre sont souvent plus accessibles
aux enfants qu'on ne le pense.
3. Facteurs de risque
a) Conditions de survenue
Il ne faut pas confondre inhalation et ingestion. Dans le
premier cas, l'objet ou le produit passe par la trachée avant
d'atteindre l'espace bronchique puis les poumons. Dans le second cas, sujet de
ce travail, l'objet est ingéré par la cavité buccale,
passe dans l'oesophage puis progresse dans le tube digestif.
L'intoxication est quant à elle définit par
l'OMS comme « un état consécutif à la prise d'une
substance non prévue à cet effet ou psychoactive, et entrainant
des perturbations de la conscience, des facultés cognitives, de la
perception, du comportement, ou d'autres fonctions et réponses
psychophysiologiques. » (17)
Le mot intoxication est privilégié lors de
l'absorption de produits liquides, médicamenteux ou chimiques.
Les facteurs favorisant des ingestions accidentelles chez le
jeune enfant sont nombreux, et peuvent être classés en trois
catégories : les facteurs endogènes, familiaux et
environnementaux.
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Figure 3. Schéma des facteurs de risque des
ingestions accidentelles
Il n'est pas possible d'agir sur tous les facteurs de risques
afin de limiter les ingestions accidentelles. Si l'âge et la
personnalité de l'enfant ne peuvent être modifiés, il est
en revanche possible de proposer des activités adaptées à
son développement psychomoteur et d'aménager le domicile de
manière sécurisée.
10
Repérer des facteurs familiaux et environnementaux
comme favorisants d'un accident domestique ne se veut pas incriminant, mais
plutôt didactique. Des parents disponibles intellectuellement,
physiquement et affectivement seront plus à même de déceler
une situation à risque pour leur enfant. Mais, malgré la
volonté du parent, la fatigue et les préoccupations, peuvent
rapidement venir bouleverser cet équilibre.
Selon les cultures, les modèles éducatifs
parentaux, l'emploi des méthodes de prévention diffère.
Dans des familles de faible niveau socio-économique,
les conseils de prévention peuvent être plus difficilement
appliqués ; soit par une altération de la compréhension
(faible niveau de français), soit par une incapacité à les
mettre en oeuvre.
Par exemple, « les familles n'ont pas assez d'espaces
de rangement pour tenir les poisons hors de la portée des enfants.
» (17)
b) Nature des corps étrangers et produits
d'intoxication
La nature des corps ingérés a beaucoup
évolué ces dernières décennies. Les
médicaments, produits caustiques et petits objets sont depuis toujours
en cause dans les ingestions accidentelles. Mais avec les effets de mode,
apparaissent de nouveaux dangers tels que les huiles essentielles, les liquides
de cigarettes électroniques auxquels peuvent être exposés
les enfants. La résine de cannabis, les perles d'eau et les piles
boutons sont aussi fréquemment cités dans les articles.
L'ensemble de ces éléments peut provoquer des
gênes, voire des lésions d'une gravité variable.
Pour un produit liquide, la gravité des lésions
dépend de son pH, de l'agent chimique en cause, de sa concentration, de
sa consistance, mais aussi de la quantité ingérée.
Pour un élément solide, la gravité des
lésions dépend de sa forme, sa qualité, sa toxicité
et son nombre. L'hypersialorrhée et l'impossibilité
d'ingérer des liquides doivent faire suspecter une obstruction de
l'oesophage. Il existe quatre points de rétrécissements
physiologiques de l'oesophage ou les corps étrangers peuvent se loger.
L'autre risque est celui de l'occlusion intestinale, quand l'objet est de
taille trop importante et ne parvient pas à descendre et à
être éliminé naturellement.
Une liste, non-exhaustive, des objets et produits
fréquemment ingérés ainsi que les symptômes et
complications associés, est disponible en annexe (cf. Annexe
II).
En cas de doute ou de méconnaissance de la nature du
produit ou de l'objet ingéré, il est d'autant plus important
d'agir vite. L'adulte doit entrer en relation avec les secours ou les
professionnels de santé du service des urgences le plus proche. Ainsi le
cas échéant, des examens pourront être effectués
afin de déterminer la gravité de l'incident et la conduite
à tenir.
11
CADRE CONCEPTUEL
Dans un second temps, étudions les concepts clés de
ce travail de recherche.
IV. Oralité
Au début du XXème siècle Sigmund Freud,
neurologue et père de la psychanalyse, emploie pour la première
fois le terme d'oralité. Il détermine le stade oral comme premier
stade de l'évolution libidinale de l'enfant.
Le bébé découvre sa sphère
buccale comme élément majeur pour son alimentation et sa
phonation.
Le suçotement effectué par le nourrisson lui
procure un sentiment de plaisir lui rappelant ses tétées au sein
ou au biberon. Le sevrage marque alors un début de séparation
entre la mère et l'enfant et laisse place aux premières
découvertes et expérimentations pour l'enfant. Il porte ainsi
régulièrement des objets à sa bouche, appréciant
leur consistance, leur forme... Le développement des autres sens tels
que l'odorat et le toucher, feront de la sphère buccale une
véritable zone érogène. (19)
De nos jours, le terme d'oralité dépasse la
théorie freudienne. Il est au centre du développement de
l'individu et prend en compte des fonctions vitales comme la respiration et
l'alimentation mais aussi des fonctions plus sociales comme la communication.
Un seul organe est concerné par toutes ces fonctions : la bouche, qui
est le lien entre l'individu et son environnement.
Le concept d'oralité tient compte de l'aspect
relationnel, notamment de celui de l'enfant avec sa mère. La
satisfaction du besoin alimentaire est vital mais en nourrissant son enfant le
parent se sent aussi reconnu dans ses compétences parentales et l'enfant
est apaisé.
« Ainsi, l'expérience de l'oralité
primaire amène l'enfant, dans sa singularité et dans la rencontre
avec ses parents, à organiser ses perceptions, à organiser ses
émotions, à organiser l'investissement de son corps, à
organiser ses liens et, enfin, à organiser sa pensée. »
(20)
L'oralité va permettre à l'enfant de
déterminer progressivement la limite entre le dehors et le dedans.
« L'oralité est pour le bébé humain, à la
fois, une forme de connaissance du monde et une modalité de la
construction de sa personne. » (20) Grâce à sa bouche,
il va acquérir des notions sur son environnement même si cette
découverte peut être faite de déplaisir et parfois
même de risques pouvant conduire à l'accident.
V. Accident
1. Approche multidimensionnelle du concept
En philosophie, l'accident est un terme employé pour
désigner toute modification non nécessaire et affectant plus ou
moins provisoirement un individu.
Selon Aristote, l'accident affecte les « substances
constitutives » de ce monde. Autrement dit, l'accident est
immatériel et a besoin d'un élément, d'un être pour
se produire. (21)
Jean Guyotat, psychanalyste français du XXème
siècle, détermine lui l'accident comme « un
événement au sens, c'est-à-dire une donnée de
l'expérience dans laquelle rentre toujours un élément de
surprise qui en fait un événement mental pour un sujet ou un
groupe de sujets. » (22)
Dans une approche juridique, l'accident se définit
plutôt comme « un événement dommageable, soudain
et indépendant de toute volonté. Cela ne signifie pas qu'aucune
responsabilité ne puisse être envisagée, car l'absence de
volonté n'empêche pas qu'une faute ait été commise.
» (23)
12
L'association des mots accident et heureux n'est jamais
utilisé puisque dans ce cas-là, on parle de chance. Le mot
accident est donc plutôt connoté négativement dans nos
esprits.
Pourtant l'accident, qu'il soit heureux ou malheureux, est un
évènement qui a une portée psychologique. Il affecte la
personne voire entraîne des remaniements psychiques.
Dans notre travail, l'accident concerne les enfants de six
mois à quatre ans, période au cours de laquelle un enfant est
réputé incapable de se prendre en charge. C'est donc aux adultes,
principalement aux parents, au sens large, mais aussi au personnel des
structures d'accueil d'assurer sa protection.
Dans la société actuelle, la recherche du risque
zéro est omniprésente dans tous les domaines. Pour autant la
notion de protection des enfants est bien plus ancienne. Depuis le début
de la IIIème république, la notion de protection se retrouve dans
l'ensemble des mesures propres à l'enfance. (24)
« À chaque période son enfance et
à chaque enfance un objectif pour la société :
rééduquer, punir, soigner, protéger. » (25)
La loi du 5 mars 2007, relative à la protection de
l'enfance, fait de la prévention un axe majeur.
2. Prévention
L'HAS propose une définition claire et concise :
« La prévention consiste à
éviter l'apparition, le développement, ou l'aggravation de
maladies ou d'incapacités. Sont classiquement distinguées la
prévention primaire qui agit en amont de la maladie, la
prévention secondaire qui agit à un stade précoce de son
évolution, et la prévention tertiaire qui agit sur les
complications et les risques de récidive. » (26)
Appliqués aux accidents domestiques, ces types de
prévention peuvent se définir ainsi :
- La prévention primaire vise à diminuer
l'incidence d'un accident dans une population. Le but étant d'agir entre
laxisme et surprotection à l'égard des enfants de sorte à
écarter le risque d'accident.
- La prévention secondaire cherche à diminuer la
prévalence d'un accident dans une population et vise à faire
disparaître les facteurs de risques. Il est donc recommandé
d'éliminer les risques et notamment d'éduquer parents et
enfants.
- La prévention tertiaire a pour but de diminuer la
prévalence des conséquences d'un accident. Cette
prévention se fait en partie par l'apprentissage de gestes
adaptés à avoir suite à un évènement
indésirable. (27)
Les recherches menées sur les recommandations et les
normes en vigueur permettent de déterminer deux autres
sous-catégories de prévention : l'une dite passive et l'autre
dite active.
a) Prévention passive
La prévention passive vise à sécuriser
l'environnement de la population, notamment en obligeant une conformité
normalisée des produits et du matériel de la vie courante. Les
pouvoirs publics, l'Association Française de Normalisation (AFNOR) et la
Commission de Sécurité des Consommateurs (CSC) sont à
l'origine de ces recommandations et réglementations et veillent au
respect de leur application par les fabricants.
Touchant l'ensemble de la population et ne dépendant
pas de critères individuels, cette forme de prévention a,
à de nombreuses reprises, prouvé son efficacité.
Depuis la création de la CSC, par la loi du 21 juillet
1983, plusieurs stratégies de prévention ont été
instaurées :
« La mise en place d'une législation pour la
sécurité générale des produits exigeant qu'un
produit ne présente aucun risque dans des conditions d'utilisation
normales ou raisonnablement prévisibles ;
La mise en place d'une législation
spécialement destinée à assurer la protection des enfants,
comme la directive sur la sécurité des jouets, et l'interdiction
de la fabrication et de la mise en vente des imitations dangereuses ;
13
La création de mesures permettant en cas de dommage
d'obtenir une indemnisation pour le préjudice subi. » (28)
(1) Les jouets
Le décret du 22 février 2010 définit les
jouets comme « les produits conçus pour être
utilisés, exclusivement ou non, à des fins de jeu par des enfants
de moins de quatorze ans ». Le site du gouvernement sur la direction
des entreprises nous renseigne sur les exigences imposées aux fabricants
pour les jouets destinés aux enfants de moins de trois ans. Elles
concernent principalement l'utilisation de produits chimiques et la taille des
pièces détachables.
Sur l'emballage de chaque jouet doivent être
mentionnés, la restriction d'âge, et la mention du danger encouru.
(29)
(2) Les emballages sécuritaires
Les emballages visant à prévenir les accidents
par ingestion existent depuis de nombreuses décennies, mais ne cessent
d'évoluer afin de répondre au mieux aux exigences des
consommateurs et des pouvoirs publics.
En plus des pictogrammes de danger et des bouchons
sécurisés, certains fabricants ajoutent aux produits
ménagers, du benzoate de dénatonium, plus connu sous le nom de
Bitrex®. Cette substance, la plus amère du monde, incite
la personne ayant ingéré du produit à le recracher
immédiatement et la protège ainsi contre toute intoxication.
Dans le cadre des piles boutons, pour protéger les
enfants de la dangerosité de ces ingestions, la marque
Duracell® a développé plusieurs dispositifs de
sécurité : une couche amère apposée à
l'arrière de la pile pour forcer l'enfant à recracher l'objet ;
un double emballage inviolable avec le logo d'avertissement « tenir
à l'écart des enfants » ; un avertissement gravé sur
la pile, et un autocollant sur la borne négative de la pile agissant
comme isolant électronique pour éviter tout court-circuit en cas
de contact avec la salive. (30)
Depuis février 2016, la norme NF EN ISO 8317
s'intéresse à la résistance face aux enfants des
emballages des produits non pharmaceutiques refermables.
Pour autant, la Commission américaine de
sécurité des produits de consommation déclarait à
juste titre : « Il n'existe pas d'emballage à l'épreuve
des enfants. Vous ne devriez donc pas considérer l'emballage comme votre
principale ligne de défense. Vous devriez plutôt penser à
l'emballage, même aux enfants comme dernière ligne de
défense. » (31)
b) Prévention active
La prévention active, quant à elle, incite les
personnes à participer à leur propre sécurité. Les
campagnes de sensibilisation, de lutte et de prévention ciblent ainsi
les produits, leurs méthodes d'utilisation et l'environnement dans
lequel évoluent les populations.
De nombreux acteurs publics sont à l'origine de ces
campagnes, dont l'Institut National de Prévention et d'Éducation
pour la Santé (INPES) et l'Institut de Veille Sanitaire (InVS) dont nous
avons étudié précédemment les données.
Parmi plusieurs actions, certains dispositifs notables
destinés aux parents :
Le livret « Protégez votre enfant des accidents
domestiques », disponible
gratuitement en version papier et en version
téléchargeable sur le net. Il est introduit par les
différentes étapes du développement du jeune enfant, puis
chaque risque est illustré et des conseils simples sont annotés
pour limiter la survenue d'un accident. (32)
Le site internet : « Agir pour bébé -
Des clés pour penser son environnement », propose des conseils
pour vivre dans un environnement sain, et éviter les accidents
domestiques. Des informations sur la création du lien d'attachement
parent/bébé, et le développement de l'enfant sont
également disponibles. Pour finir, un rappel est fait sur les
professionnels de santé ressources à contacter en cas de besoin,
de conseils ou simplement de soutien. (33)
Beaucoup de données de prévention sont
proposées en ligne, sous différentes formes. La prévention
par les médias, la radio, dans le cadre des accidents du quotidien,
reste peu développée. Il en est de même pour les affiches
ou les livrets d'informations et de prévention. Il convient donc de se
demander si l'ensemble de la population a un égal accès aux
moyens de prévention proposés. Le guide de la
puéricultrice insiste d'ailleurs bien à ce sujet : « La
précarité a tendance à fragiliser la possibilité
d'accès aux moyens de prévention offerts par le système de
santé. » (7)
Mais, le volet préventif doit également tenir
compte de la capacité des parents à prendre en compte les
éléments de prévention. Depuis la pandémie de
coronavirus, les affiches Faciles à Lire et à Comprendre, FALC,
se sont démocratisées afin d'expliquer simplement à tous
les gestes barrières. Ces affiches initialement destinées aux
personnes en situation de handicap mental, ont été aussi
employées pour transmettre des recommandations aux personnes ayant un
faible niveau de français.
Pour autant, ces outils FALC mériteraient d'être
plus largement développés ; il n'en existe à ce jour aucun
pour informer des dangers du quotidien, ou expliquer comment sécuriser
l'environnement du jeune enfant. (34)
Précédemment nous nous sommes
intéressés aux modèles éducatifs parentaux et
à leurs répercussions sur la sécurité des enfants.
Ayant constaté des biais pour certains schémas éducatifs,
la puéricultrice ne devrait-elle pas être en mesure d'adapter ses
conseils au profil du parent rencontré ?
Mais pour finir, l'emploi du mot prévention n'est-il pas
déraisonné ?
3. Limites de la prévention
La prévention passive qui vise à
sécuriser l'environnement matériel est relativement performante
puisqu'elle repose essentiellement sur la conformité normalisée
des produits. Elle atteint ainsi la majorité de la population sans
reposer sur des paramètres individuels.
En revanche, la prévention active visant à faire
participer les personnes à leur propre sécurité est plus
complexe à mettre en oeuvre. Il convient de respecter les connaissances,
les compétences et la capacité de choix des parents, mais il faut
surtout une adhésion de leur part au projet.
« La notion de prévention apparaît
aussi, dans les réflexions sur l'action, pour exprimer un souhait
d'intervenir avant, plus tôt... comme si on pouvait établir avec
sûreté que les types d'intervention proposées pouvaient
avoir réellement le pouvoir d'éviter les problèmes en
question. » Adapté aux accidents du jeune enfant, ce mode de
pensée s'avère incriminant pour le parent et le désigne
comme responsable. D'autant plus que les accidents surviennent malgré la
prévention et la transmission de connaissances.
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« Dans les politiques mises en place dans ce domaine,
il n'y a d'ailleurs pas de débat majeur entre les tenants d'une
politique de prévention et ceux d'une politique réparatrice ou
curative. » C'est un aspect qui mériterait d'être plus
investigué dans notre pays. (35)
14
L'usage démesuré du terme de prévention,
peut interférer dans la relation entre la puéricultrice et les
personnes concernées puisque chercher à prévenir la
survenue d'un incident revient à considérer ces personnes comme
potentiels vecteurs de ce danger.
De plus, l'emploi des notions de « prévention
du danger » ou de « difficultés éducatives
» nous fait tomber dans une généralité
extrême du fait de l'imprécision de ces termes.
La puéricultrice doit s'efforcer de faire abstraction
de son propre vécu et de sa personnalité afin de ne pas
être considérée comme jugeante par les parents.
En tenant compte des besoins exprimés par les parents,
la puéricultrice semble plus à même de proposer une
prévention et des actions adaptées à leurs modèles
éducatifs. Les parents, s'ils se sentent entendus et soutenus,
adhèrent plus facilement aux mesures proposées et s'approprient
mieux les conseils transmis. Une prévention individualisée semble
davantage pertinente même si elle est plus chronophage.
15
Mais, un travail reste à faire pour démocratiser
les notions de « droit au soutien » et « d'aide
». Des familles se refusent à faire appel à des
professionnels pour être soutenues par peur du jugement, par crainte
d'avoir failli à leur mission de parent. (36)
Afin de mieux comprendre comment intervenir de manière
adaptée auprès des parents, il convient de s'intéresser
plus précisément au concept de parentalité.
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