Section 1 : La résistance au changement
A partir des années 2000, s'opère une
distinction du stable et de l'évolutif. On est passé d'une
conception statique de l'organisation à une conception dynamique ce qui
a permis de faire émerger des théories du changement.
Parmi ses théories, on trouve l'analyse socio
technique, comme d'autres écoles se réclamant de la
théorie des systèmes et, prenant en compte toutes les dimensions
de l'organisation qui sont impactées par le changement.
L'organisation face à cette complexité
renforcée par l'instabilité de l'environnement doit alors faire
preuve de flexibilité pour pouvoir s'adapter aux contraintes
extérieures.
La conduite du changement peut être définie comme
un levier d'apprentissage dans le sens où elle permet de limiter la
perte immédiate de productivité, les temps de formation et
surtout l'accroissement de productivité.
« La résistance au changement » est la raison
la plus couramment avancée pour justifier l'échec d'un projet de
transformation d'une organisation alors que ce dernier provient principalement
de méthodes de conduite des transformations inadaptées. Leur
point commun réside dans la méconnaissance du fait que toutes les
grandes évolutions de ces trente dernières années ont
augmenté à la fois le niveau d'exigence des collaborateurs et
leur capacité à ne pas faire ce qu'on leur demande.
La raison voudrait que l'on s'interroge sur nos
méthodes. Mais on s'acharne à faire « toujours plus de la
même chose » : un peu plus de top-down, un peu plus de communication
et un peu plus du triptyque « Conception -> Communication ->
Exécution »
L'ampleur des résistances au changement que l'on
observe dans les organisations se trouve d'abord dans l'écart entre le
modèle de décision centralisé et autoritaire et les
aspirations à l'autonomie et à l'implication. Les enquêtes
sur le niveau d'engagement des salariés, le rejet du modèle des
grandes entreprises par les jeunes générations,
l'attractivité à contrario des start-ups ou le succès du
mouvement des entreprises libérées. « Il faut arrêter
ce qui ne marche pas ». C'est l'exemple même de la capacité
au changement des dirigeants en mettant fin au triptyque mécaniste
imposant le changement.
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Section 2 : Le retour d'expérience
Alain MEIGNANT y fait référence comme moyen
d'amélioration continue par retour d'expérience, par un dialogue
ouvert. C'est le bottom up.
Arnaud TONNELE, en parle surtout pour arrêter ce qui ne
marche pas, le triptyque mécaniste du top down.
L'avantage du retour d'expérience est qu'il se base sur
le réel, et non sur la théorie. Il fournit donc une information
fiable.
Lorsqu'on conduit les transformations comme s'il n'y allait
pas avoir de feedback, comme si la transformation se déroulait dans un
unique sens. Nous faisons « comme si » les systèmes humains
sur lesquels nous intervenons allaient sagement attendre sans réagir. Et
quand ils réagissent nous appelons cela paresseusement «
résistance au changement ».
La différence entre compliqué et
complexe. La différence fondamentale entre un
phénomène compliqué et un phénomène
complexe, dans le second, il y a des feedbacks : la conséquence
rétroagit sur la cause initiale, et pas forcément comme on le
souhaiterait.
Prévoir l'imprévisible : on pilote un
changement, on conçoit un plan, on le communique puis on attend que
l'exécution se déroule conformément au plan. Dans ce bel
enchainement de causes et d'effets ce qui s'écarte des prévisions
est considéré comme anormal.
Dans le paradigme complexe, il y a les feedbacks, largement
imprévisibles. Se borner à vouloir tout prévoir est une
sorte de déni nous donnant l'illusion de contrôler
l'incontrôlable.
Si nous allons un cran plus loin. Tout est il aussi
imprévisible que cela ? Oui, s'il on s'attache à deviner la forme
et le contenu précis des changements à venir. Nous ne pouvons
prévoir quand notre voiture va tomber en panne, ni quelle sera la nature
de la panne. En revanche, si l'on admet que d'une façon ou une autre la
panne imprévue risque d'arriver alors nous laissons la place
à l'imprévu. Et cet imprévu devient même la
seule chose prévisible.
Nassim TALEB, l'un des essayistes contemporains les plus
influents, ancien trader, nous invite, non pas à réduire la
probabilité de l'imprévu mais au contraire à nous
préparer à cet imprévu. C'est ce qu'il appelle «
l'antifragilité »23. La capacité à se
transformer de tout système vivant peut très bien s'appliquer
dans l'univers des organisations. C'est ce qui n'est pas sans rappeler la
« bio-mimétisme » d'Idriss ABERKANE, un autre essayiste de
talent. Et ce qu'on appelle tout simplement
23 Nassim Nicholas TALEB, Antifragile - les bienfaits
du désordre - Les Belles Lettres, 2013.
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l'agilité que l'on retrouve dans
toutes les propositions les plus récentes de management de projet ou de
conduite de transformations.
Tous les systèmes de contrôle que l'on
s'échine à mettre en place (reportings ;
référentiels, systèmes qualité, procédures,
processus, ...) non seulement diminuent le niveau d'engagement et de
créativité des collaborateurs mais, lorsqu'un imprévu
survient, se révèlent être de redoutables obstacles
à l'agilité.
L'agilité dans le cas qui nous occupe,
c'est-à-dire les imprévus du retour d'expérience, c'est
:
- arrêter de vouloir faire des prévisions,
arrêter d'investir autant de temps et de ressources dans des
systèmes de contrôles dont on connait l'effet contre productif sur
la confiance et l'engagement des collaborateurs.
- inversement, investir cette énergie dans le
développement d'organisations, de cultures et de systèmes de
management qui partent de l'homme pour bâtir les transformations.
Dans bon nombre de pratiques actuelles, l'homme n'est plus le
problème, il est la solution. Alors pourquoi consacre-t-on du temps et
de l'énergie à faire des prévisions plus ou moins fausses,
plutôt que de se préparer à l'imprévu ? La
réponse est simple : l'imprévu est rare.
Par définition, ce que l'on ne connait pas, rien ne
sert de chercher à l'imaginer. Par contre, mieux vaut se préparer
de façon générique et non de façon
spécifique. En effet chaque événement spécifique a
une probabilité de survenue faible (en dehors de la courbe de Gauss). Si
l'on considère tous les imprévus d'une manière plus
générale, la survenue de l'un d'entre eux est plus probable.
L'objectif est donc de se préparer à la survenue de n'importe
quel « pépin » et d'être prêt à innover
pour réagir très vite afin de le solutionner.
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