2.3 Période post-industrielle
A partir de 1975, les effets de la crise économique des
années 70 accélèrent les restructurations des sites de
production sidérurgiques régionaux. Ils entraînent des
licenciements massifs et des fermetures de site. C'est le cas à
Villeurbanne. Cette évolution constitue un processus de
désindustrialisation c'est-à-dire le recul de l'industrie dans la
part de l'emploi total. La majeure partie des activités industrielles
souvent issues de l'industrialisation mise en place depuis la fin du
19ème siècle disparaissent sans être
remplacées par des activités équivalentes, notamment en
nombre d'emplois. Les conséquences ne sont donc pas limitées au
domaine économique. Elles ont une dimension sociale et culturelle voire
politique (Pascal Raggi).
Le départ des unités de production a pour effet
une désorganisation du tissu urbain, entraînant celle du tissu
social. Les rapports entre les salariés et l'entreprise, voire leur
direction, étant modifiés, les rapports de la ville et de
l'espace productif le sont aussi. On assiste alors à une modification de
la géographie urbaine de ces villes industrielles et d'entreprises, de
l'espace urbain. La fragmentation du tissu urbain résultant de la
désertion des activités industrielles bouleverse durablement le
paysage d'une part mais aussi l'urbanité de ces villes entraînant
avec ceux les représentations qu'en ont les habitants, leur
appropriation, leurs images. (Luxembourg). Ce sont les concentrations
industrielles soudain vieillies qui posent alors problème : espaces
dévalorisés, friches urbaines, reconversion économique
multiples, jusqu'à l'inversion des vocations.
La désindustrialisation intéresse doublement la
politique immobilière. Tout d'abord les parcelles industrielles
fournissent le support le plus important à la promotion
immobilière, mais ensuite la diminution de l'emploi industriel à
Villeurbanne détermine un renouvellement
25
du contenu résidentiel de la commune. Toutefois la
désindustrialisation et son utilisation à des fins de
rénovations immobilière dépend de l'emplacement de ces
zones industrielles. En effet, les zones les plus éloignées du
centre comme l'est le quartier de Grandclément sont touchées par
une moindre pression foncière et la meilleure situation
économique des entreprises peuvent l'expliquer. La
désindustrialisation opère donc de façon sélective,
selon le contexte économique, la structure et l'importance des
entreprises, l'emplacement des implantations. Cependant ses effets
intéressent particulièrement la politique immobilière de
la commune ; de même la recherche des terrains contribue à
accélérer le processus de départ de l'industrie. Un autre
effet important de la désindustrialisation réside dans le
renouvellement de la population de Villeurbanne. Dans le cas de suppression
d'usines ou de leur transfert, on peut envisager que la dissociation de
l'emploi et de la résidence, très souvent associés
jusqu'ici dans la ville, conduira à terme au départ de la main
d'oeuvre vers l'Est Lyonnais. Certains emplois ont été
créés dans des branches en expansion : bâtiment et travaux
publics, services, distribution, transport mais il s'agit très souvent
de salariés peu qualifiés, ces salariés peuvent donc
difficilement prétendre à la résidence au centre de
Villeurbanne. Les nouveaux immeubles ne leur sont que rarement accessibles, ce
qui a été possible de 1930 à 1954 essentiellement lors des
grandes réalisations sociales, ne l'est plus aujourd'hui. La
désindustrialisation déterminera « le choix » du
contenu social du renouveau immobilier, en modifiant le profil de la
clientèle communale. (Bonneville)
2.3.1 Contexte social
Pour Villeurbanne la désindustrialisation a
été marquée majoritairement par le transfert dans la
proche agglomération (souvent en zone industrielle) et par la fermeture
d'une industrie.12 La condition des ouvriers qui continuent de
résider à Villeurbanne mais qui font les trajets pour rejoindre
leur entreprise délocalisée dans une ville proche se modifie. En
effet, on assiste à la fin d'un genre de vie, celui de l'ouvrier
habitant à l'ombre de l'usine imposant sa présence hors du temps
de travail comme dans le travail. A terme les ouvriers choisiront de partir,
même au prix de l'abandon d'un cadre de vie apprécié. La
désindustrialisation contribue ainsi au renouvellement
inéluctable de la population et renforce les effets de la politique du
logement. Pour les années 60-70, on ne dispose pas de renseignements
complets sur l'ensemble des résidents qui habitent les nouveaux
immeubles à Villeurbanne. Du seul point de vue des occupants on sait que
la clientèle des locataires est souvent très semblable
à
12 Marc Bonneville, désindustrialisation p105
26
celle des propriétaires-occupant. Les seuls
renseignements disponibles concernant les caractéristiques des logements
et leurs condition de commercialisation sont fournis en particulier par le
CECIM13. Ils permettent de connaître les types de programmes
en cours, leurs caractéristiques de prix et de financement, le rythme de
leur commercialisation. De ce fait, on a une image de la clientèle des
acquéreurs et indirectement de celle des résidents. Au final,
bien que Villeurbanne proposait des prix avantageux par rapport aux
arrondissements lyonnais on constate14 que les logements
étaient loin d'être accessibles au plus grand nombre de
Villeurbannais. La clientèle solvable pour l'achat ou pour la location
était restreinte aux catégories sociales aisées et
même les cadres moyens risquaient d'en être écartés.
La situation centrale de Villeurbanne comme les sites des collines de l'ouest
constitue à l'évidence un facteur de hausse des prix du terrain
et des constructions.
En définitive, l'essor immobilier a
considérablement augmenté les densités
démographiques de la commune et la rénovation urbaine puisqu'elle
domine largement le processus immobilier a aussi assuré le
renouvellement de la population en place. (Bonneville)
2.3.2 Les formes urbaines
En ce qui concerne notre quartier c'est à partir des
années 1950 que son identité industrielle est mise en mal. Le
paysage du quartier encore largement industriel va se transformer
progressivement. D'après les travaux de Marc Bonneville et de sa carte
sur les réalisations immobilières à Villeurbanne entre
1968 et 1974 très peu de projets immobiliers sont entrepris dans notre
secteur. On retrouve des opérations sur la route de Genas et à
proximité de la rue Léon Blum. Ces principaux points ne sont
d'ailleurs pas le fruit du hasard leur proximité avec la ville de Lyon,
l'accès facilité aux grands axes de circulation en transports en
commun ainsi qu'un bon équipement commercial ont favorisés leurs
implantations. Pour la route de Genas ce sont trois constructions notables de
50 à 100 logements qu'on observe principalement. Le paysage, globalement
homogène, de l'avenue du Général Leclerc et de la rue
Guillotte est affecté par l'installation de barres d'immeubles
collectifs des années 50-60.
La désindustrialisation a également
marqué son territoire par la création de nombreuses friches
industrielles ces « espaces inemployés et non
entretenus15. En effet, l'unité
13 Le CECIM (Centre d'études de conjoncture
immobilière) qui regroupe les promoteurs constructeurs de
l'agglomération lyonnais publie des informations sur les programmes
immobiliers de ses adhérents
14 Index : p 116 du livre de bonneville sur les prix de
logements
15 Friches urbaines, p 76 lexique de la ville, jean-philippe
antoni
27
morphologique qui prédomine dans le nord du secteur est
sans nul doute celle des sites industriels en cours de reconversion. Les
surfaces représentées par ce tissu sont considérables, en
particulier quand on sait que la désindustrialisation a
déjà amputé le quartier de certaines de ses anciennes
industries. Ici on trouve à la fois des « terrains vagues »,
espaces essentiellement vides délimités par d'anciens murs
délabrés mais aussi certains vestiges architecturaux d'anciennes
usines qui tombent lentement en ruine. La plus grande zone vide d'une
superficie16 plus ou moins égale à 24 556
m2 est située sur l'ancien site de l'usine à
gaz17 de la ville dont il ne reste absolument rien. On trouve
également des vestiges presque intacts de la période
industrielle. En effet cette fois-ci d'avantage dans le sud de la zone on
remarque d'anciens sites industriels d'une taille non négligeable.
Derniers témoin d'une époque révolue ils marquent le
quartier par leur silencieuse présence.
Enfin, la dernière unité morphologique à
noter représente un tissu récent. On distingue sur le site
plusieurs types de tissus récents. Des immeubles implantés
à l'alignement (d'époques diverses) affectent le tissu de
façon diffuse et ont un impact sur le paysage que l'on perçoit.
On les retrouve particulièrement le long des grands axes, de hauteur
généralement importante à R+8, ces immeubles proposent
également des grands linéaires de façade. Ce
caractère diffus n'empêche pas la mutation complète de
certains secteurs.
16 Calcul d'après Géoportail, annexe 11
17 Plan archives
28
Ce type de construction s'inscrit inévitablement dans
la tendance urbaine du début du 20ème siècle et
qui se poursuit encore aujourd'hui, l'intensification du sol urbain. En effet,
l'augmentation démographique dans la ville y est pour beaucoup. Devant
la demande croissante de logements les agglomérations investissent aussi
bien dans des tours que dans des barres résidentielles. Les secteurs de
l'habitat et du travail sont désormais largement sectorisés et on
le constate aisément dans le quartier.
29
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