2. Les dispositifs mis en place
Ainsi pour aborder cette question j'ai cherché à
mettre en place différents dispositifs pour interroger le rapport au
patrimoine que pouvait entretenir les habitants avec leur quartier.
39 Extrait doc conseil de quartier
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Toutefois avant de réfléchir aux dispositifs que
j'allais mettre en place il m'a d'abord fallu réinterroger le mot
habitant. Avec quel type de personnes allais-je m'entretenir ? Pour cela, les
paramètres que je pouvais prendre en compte étaient nombreux,
l'âge, le sexe, la catégorie socio-professionnelle, l'appartenance
religieuse ... L'âge est le seul critère sur lequel je me suis
attardée. Ce paramètre me semblait intéressant puisqu'il
permettait à travers le recueil de points de vue allant des plus anciens
habitants du quartier aux plus jeunes générations de faire le
lien avec l'évolution du caractère industriel du quartier. A
travers les propos des personnes j'avais l'occasion d'interroger le lien entre
l'identité perçue du quartier et les éléments
constitutifs de son patrimoine. L'idée principale était surtout
d'aller à la rencontre des habitants et de comprendre quelles
étaient leur(s) représentation(s) du quartier pour ainsi
comprendre ce qui pouvaient faire sens pour eux en terme de patrimoine
bâti.
2.1 : Les cartes mentales
Après avoir défini le type d'habitants que je
souhaitais interroger il me fallait alors réfléchir à
comment aller à leur rencontre. En explorant le quartier, j'ai
remarqué qu'il y avait plusieurs zones de rencontres et une
fréquence de passage très différentes selon les rues du
quartier. En partant de ce constat j'ai alors cherché à me
rapprocher des zones des rencontres délaissant dans un premier temps les
zones de forts passages.
J'ai ainsi porté mon attention sur le café Le st
Romain de la Rue Poizat. Ce café situé dans un lieu à la
fois excentré et proche de la place principale du quartier, la place
Grandclément était particulièrement intéressant
puisqu'ici se réunissent très souvent des habitués vivants
dans le quartier ou y travaillant depuis plus ou moins longtemps. Aller dans
les lieux que fréquentent les habitants est un moyen pertinent pour
déclencher la parole. En effet, le café est le lieu où on
a ses repères, où l'on se détend, où on se retrouve
où l'on discute de sujet plus ou moins importants donc un lieu propice
à la conversation sur ce qui touche au quartier.
Ainsi aider d'une habitante pleinement impliquée dans
la vie du quartier Rachel Echinger nous avons mis en place un atelier de
représentations urbaines où les riverains étaient
conviés à s'exprimer mais surtout à imaginer le quartier
selon leurs envies. Nous avions imaginé le dispositif suivant : sur une
carte où seuls les tracés des rues étaient indiqués
les habitants devaient répondre à la question suivante : Vous
êtes en charge du réaménagement du quartier, vous avez
carte blanche, comment réaménageriez-vous le quartier ? Pour
aider les participants dans cette tâche nous avions mis à
disposition des accessoires en mousse censés représenter les
bâtiments, les espaces verts, les zones aquatiques... Pour accompagner
ces petits
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accessoires nous avions également réalisé
des petites étiquettes avec l'ensemble des thématiques qui
pouvaient être abordés telles que : l'éducation, la
santé, les transports...Le choix a été de ne pas
introduire directement la thématique du patrimoine, nous voulions
observer si cette notion émergeait d'elle-même.
Dans les faits, suite à l'énoncé du sujet
les habitants devaient alors utiliser les accessoires et les stylos à
leur disposition afin de compléter la carte à leur guise.
L'intérêt de cette démarche est double,
d'une part elle permet d'observer la capacité des habitants à
construire la ville, et d'autre part elle permet d'observer
l'intérêt des habitants pour les éléments
bâtis du quartier et donc d'aborder la question du patrimoine. Nous
avions avec la gérante du café convenu d'une date et avions
laissé un flyer qui expliquait notre activité et en donnait
l'heure et la date. La gérante de son côté à fait de
la communication sur notre événement auprès de ses clients
afin qu'ils viennent y prendre part.
Cette première tentative inspirée du
système de carte mentale ne s'est pas avéré aussi
réussie que je l'avais imaginé. En effet, deux personnes se sont
déplacées spécialement pour l'activité et les 5
autres personnes présentes étaient présentes purement par
hasard puisqu'elles se trouvaient là pour commander une collation. Une
fois notre matériel installé nous avons été face
à une personne particulièrement remontée par notre
présence nous prenant pour responsable de « la mort » du
quartier. Cette personne a trouvé à travers cette activité
l'occasion d'exprimer son point de vue en ne craignant pas de créer une
situation conflictuelle. Cette dernière n'a absolument pas voulu tenir
compte des consignes et des informations sur notre statut que nous avions
pourtant bien précisées. Il ne s'agissait aucunement d'une
conversation encore moins d'un échange c'était l'expression
parfaite d'un monologue emplit de frustrations. La véhémence de
ses propos a également fait partir les personnes plus discrètes
présentes et qui paraissaient très intéressé par
notre activité. Face à ce phénomène assez inattendu
nous avons dû revoir notre activité et nous adapter rapidement.
Nous avons alors choisi de poursuivre cette conversation en posant des
questions à l'intéressé dans l'espoir de développer
certaines thématiques ce qui ne fut pas chose aisée. Par la suite
l'individu s'est calmé et nous a laissé poursuivre avec les 4
participants restants.
La dynamique du début n'y était plus et les
réactions attendues sur les cartes mentales n'ont pas progressé
il a alors fallu guider les habitants et poser de nombreuses questions pour
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susciter leurs réactions et essayer d'aboutir à
des informations concrètes sur la question du renouveau du quartier et
de son patrimoine.
Pour faire un point sur les 5 personnes présentes, on
pouvait noter la présence de personnes d'un âge compris entre 50
et 60 ans, de 4 hommes et d'une femme, de milieu apparemment ouvrier des
informations quant à leur profession ont été
mentionnées pendant la discussion.
En résumé, les habitants présents ont eu
beaucoup de mal à se saisir de cette question de renouvellement urbain.
Créer un projet de toute pièce s'est avéré
être une activité particulièrement complexe, lorsque nous
les avons questionnés sur les éléments participants
à l'identité industrielle du quartier les réponses sont
restées très évasives et le patrimoine bâti a
été abordé de manière indirecte. En effet, la
personne très remontée a été la seule à nous
livrer des informations plus exploitables à ce sujet. Pour elle, la
question de patrimoine se posait surtout en terme de patrimoine social. Les
constructions actuelles d'immeubles en hauteurs avec de nombreux logements les
« blockhaus » comme il les appelaient ont eu raison de la vie de
quartier d'autrefois. Les contacts et la convivialité qui
façonnait le quartier ont disparu à cause de ces constructions
dépourvues de toute humanité. Pour lui réfléchir
à la question de ce qu'il faut conserver ou non n'avait pas de sens et
venait bien trop tard puisque « le mal était déjà
fait et que de toute manière c'est pas près de s'arranger
».
Forte de cette première expérience plutôt
mitigé nous avons retenté l'expérience cette fois-ci dans
les locaux du Rize. Un soir de semaine nous avions proposé le même
dispositif, une communication avait été diffusé via la
liste de diffusion du Rize et de la pose d'affiches au sein de
l'établissement bien en amont. Cette fois-ci deux personnes se sont
présentées pensant obtenir de l'information sur la transformation
de la place Grandclément. Il me semblait pourtant que ma communication
était claire, qu'il n'était aucunement question de transmettre
des informations et encore moins sur la place Grandclément pourtant le
message est passé autrement. Une fois que j'ai eu
réexpliqué le principe de l'atelier les personnes ne voulaient
plus vraiment s'investir alors que quelques instants auparavant elles avaient
énormément de questions et de propositions... Cet
événement nous raconte plusieurs choses. Premièrement que
ce genre de dispositif où on invite les habitants à s'exprimer
librement et à construire une réflexion commune n'est pas du tout
courant, les personnes sont quelque peu déroutées par ce
dispositif et ne savent pas vraiment comment se positionner. D'autre part, au
moment où j'ai fait la communication de l'évènement
à venir en allant à la rencontre d'habitants sur la place
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du marché par exemple ou aux arrêts de bus ils
semblaient très intéressés par la démarche en
revanche lorsqu'il a fallu se mobiliser et de se déplacer dans un lieu
propice à cette réflexion leur implication est largement remise
en question.
Un dernier atelier a été mené avec un
groupe d'assistantes maternelles dans le relais d'assistantes
maternelle40 situé en plein coeur du quartier près de
la gare de Villeurbanne. Ce sont 7 femmes de 30 à 45 ans travaillant
dans l'ensemble du quartier de rénovation qui se sont tout à fait
« prises au jeu » et qui ont fourni nombres d'informations
pertinentes. Il ne leur a pas fallu beaucoup d'aide pour comprendre les
consignes et s'investir pleinement dans l'activité. De nombreuses
thématiques ont été abordé, la
sécurité, les aires de jeux, la nature en ville...
Les habitants cette fois-ci très à l'aise
s'expriment massivement. Beaucoup d'informations sur les disfonctionnements du
quartier émergent, mais aussi sur leurs attentes pour le quartier de
demain. Toutefois la question du patrimoine via une approche par la
conservation ou la réhabilitation ne sont toujours pas des
thématiques qui viennent spontanément. J'ai tout de même
introduit cette thématique en
proposant plusieurs photos de bâtiments du quartier, des
petites maisons bourgeoises, des
petits immeubles de types ouvrier et leur ai demandé si
elles aimeraient les voir dans leur
paysage urbain de demain. Les réponses étaient
mitigées mais certaines des participantes
m'ont affirmées qu'il était important de ne pas
toutes les démolir puisqu'elles contribuaient à
créer l'ambiance du quartier. Pour la première
fois le caractère industriel a été mentionné et
s'est imposé comme vecteur de la création d'une
identité propre au quartier.
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