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L’héritage industriel dans le renouveau du quartier « Grandclément gare".


par Camille JEAN-BAPTISTE
Université Jean moulin Lyon 3 - Master géographie et aménagement du territoire 2016
  

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II- Interroger les habitants sur leur patrimoine

Parmi les orientations préconisées pour le renouveau du quartier, un point est largement accordé à la conservation d'éléments du paysage urbain. L'équipe d'architectes et d'aménageurs se sont largement penchés sur la question et ont cherchés à déterminer des bâtiments remarquables qu'ils ont appelés des pépites. En partant de ce constat je me suis alors demandée si la préoccupation pour la conservation d'un patrimoine industriel faisait également partie des préoccupations des habitants. Existe-t-il pour les riverains un quelconque enjeu patrimonial autour du renouveau du quartier ?

1. Observations pendant les réunions de concertation

En cherchant à comprendre comment le patrimoine pouvait être perçu par les habitants j'ai tout d'abord porté mon attention sur les propos qui avaient pu être tenus lors des différentes réunions de la concertation. Cette invitation à la concertation destinée à l'ensemble des riverains du quartier a été mon premier terrain d'investigation. En effet, en y ayant assisté d'abord par curiosité pour essayer de cadrer un peu plus mon sujet ces réunions ont constitué le point de départ de mes questionnements sur le patrimoine des habitants.

38 Lévy, J, et Lussault, M. (2013) Dictionnaire de la géographie et de l'espace des sociétés.

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Parmi les réunions mises en place l'une d'entre elle prenait la forme d'une ballade urbaine. Les habitants étaient alors invités à suivre les membres du conseil de quartier à travers la partie Nord du quartier afin de prendre connaissances des transformations à venir mais aussi afin d'exprimer leur point de vue. Pour l'occasion l'agence de communication EL spécialisé dans les projets de concertation citoyenne accompagnait les habitants afin de retranscrire leurs paroles et de proposer une synthèse finale.

Le parcours de cette visite en ville était centré sur une partie intéressante du quartier où toutes les composantes du tissu industriel s'y trouvaient : du logement ouvrier, aux usines en activité, aux friches industrielles, jusqu'aux rares commerces survivants. Lors de cette ballade je n'avais alors pas encore commencé mon stage au Rize, et n'en était qu'au prémisses de ma réflexion, je n'avais donc pas particulièrement préparée mon intervention, je cherchais surtout à observer qui étaient les personnes présentes et les réactions des habitants en fonction des thématiques abordées. Cette visite du quartier été donc l'occasion d'observer comment le quartier était perçu et ressenti à l'aube de ses futures transformations. Avec un peu de recul j'ai réexaminé cette excursion urbaine et cherché à mettre en évidence le traitement de la question du patrimoine. C'est en allant au contact des « pépites » et de tous les éléments bâtis du quartier que les participants étaient invités à s'exprimer. Cette action en elle-même est particulièrement intéressante puisqu'elle permet à tout un chacun de faire émerger les souvenirs et les commentaires très facilement, c'est une forme d'immersion où tous les sens son éveil. En terme d'éléments constitutifs du patrimoine les habitants ont cherché à retrouver les pépites mentionnées par l'agence ANMA et ont aussi fait quelques propositions.

Qu'en ressort-il finalement ?

Tout d'abord l'apparente identité industrielle du quartier, le « génie du lieu » que constatait l'agence ANMA n'est de toute évidence perçu que par elle seule. Les rappels de l'époque industrielle ont presque été inexistants et lorsqu'ils l'étaient c'était surtout pour pointer du doigt l'aspect délabré des usines. Les friches industrielles totales ou partielles sont perçues négativement. Ces espaces délaissés et non productifs apparaissent comme des vecteurs de mauvaise image du quartier. Les logements représentatifs de cette période industrielle notamment les petits immeubles de 2 à 3 niveaux n'intéressent pas, seules les petites maisons bourgeoises attirent l'oeil et les remarques. Leurs conservations paraient essentielle, la beauté générale de la bâtisse suffit pour les classer au rang de pépites. Les commentaires sur les pépites découvertes par Mr Michelin n'ont pas fait l'objet de remarques particulières, parfois

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quelques incompréhensions émergeaient mais aucune réaction particulière. Les perspectives de démolitions sont très bien accueillies, les réhabilitations proposées piquent la curiosité des riverains plus qu'autre chose et l'intérêt se positionne surtout sur les hauteurs des constructions d'immeubles à venir39.

En définitive la question patrimoniale est complètement délaissée d'une part parce que le quartier n'offre pas de matière à la réflexion (selon les habitants) et d'autre part parce que les habitants ne sont pas du tout sensibles à ce paramètre, où alors quand ils le sont, c'est pour mettre en avant des bâtiments de types riches ou bourgeois. Cette spontanéité apparente de vouloir conserver ce type de bâtis rappelle que « la conservation du passé n'est pas innocente et impartiale, mais bien sélective et essentiellement idéologique » (Bougarel) et on peut y rajouter parfaitement intégrée. En effet spontanément les riverains ont décidé que ce qui devait faire partie des pépites c'était des bâtiments à connotation bourgeoise. Cet exemple rentre parfaitement dans le schéma de « domination idéologique » du traitement du patrimoine dressé par Brian Graham dans Geography of heritage. En empruntant le concept de « domination idéologique » à Pierre Bourdieu il met en évidence que seul le patrimoine de quelques-uns - des plus riches la plupart du temps - s'impose comme point de vue dominant. Pour le quartier Grandclément, les rares traces de la bourgeoisie sont ainsi mises en avant et se positionnent rapidement comme seules traces du passé méritant d'être élevés au grade de patrimoine. Toutefois, ce constat est à prendre avec précaution dans la mesure où il représente la façon de penser d'un type de personnes en particulier, à savoir les habitants du quartier participants à la concertation par l'intermédiaire du conseil de quartier. Il s'agit donc de personnes particulièrement impliquée dans la vie du quartier de manière générale. En partant de ce constat il m'est alors apparu nécessaire d'aller à la rencontre d'autres habitants, ceux qui ne viennent pas donner leurs avis spontanément et qu'on ne retrouve jamais dans ce type de dispositif afin d'avoir une vision plus large de ce qui peut être perçu comme patrimoine du quartier.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon