2. Qu'est-ce que le patrimoine ?
Ces quelques cas de figure ont permis d'interroger le principe
même de patrimoine. D'après les cas que j'ai rencontré le
patrimoine reste quelque chose d'assez vague, tantôt utilisé pour
parler des spécificités architecturales, tantôt pour
appréhender une richesse sociale, et parfois employé pour
justifier une conservation de bâti. Le patrimoine revêt de toute
évidence des aspects pluriels mais pour plus de précision
revenons à présent sur sa définition.
Trouver une définition simple du mot patrimoine n'est
pas chose aisée. Si on s'en tient à celle fournit par le
dictionnaire Larousse on apprend que le patrimoine c'est « ce qui est
considéré comme l'héritage commun d'un groupe » cette
première définition permet une première approche en la
matière mais manque encore de précisions. Pour mieux comprendre
le terme de patrimoine il est en fait nécessaire de se replonger dans
l'histoire de ce mot.
Le mot patrimoine fait une entrée remarquée
dès le 18ème siècle dans l'histoire des
nations. Les autorités locales souvent par soucis patriotique commence
à créer des inventaires patrimoniaux censés
représenter les spécificités de leur pays. Les
singularités paysagères sont ainsi mises en avant, et les sites
bâtis témoignages d'une puissance révolue commence à
constituer les premiers éléments patrimoniaux.
C'est au début des années 80 que le mot
patrimoine a commencé à se détacher
progressivement du monde de l'Histoire. Il s'élargit et semble avoir
vocation à désigner l'ensemble des formes culturelles produite
par les sociétés, au fur et à mesure de leur
déconnexion de la sphère productive (Veschambre). Il
apparaît clairement que le « patrimoine n'existe pas a priori »
(Leniaud) et que cette reconnaissance est initiée et portée par
certains groupes sociaux, qui expriment des normes, des intérêts,
développent des stratégies, voire provoquent des conflits
(Gravari-Barbas, Veschambre). Les objets du patrimoine sont le reflet d'une
parfaite construction sociale, ils sont immatériels comme
matériel, de supports variés et
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ils constituent « ce qui est censé mériter
d'être transmis du passé, pour trouver une valeur dans les
présent » (Jacques Lévy et Michel Lussault)38
Bien que, le patrimoine semble pouvoir être l'apanage de
tous la réalité est quelque peu différente. L'article L
110 du code de l'urbanisme affirme que Le territoire français est le
patrimoine commun de la Nation intégrant ainsi dans le droit la notion
élargie de patrimoine. Malgré, cet article de loi seuls quelques
autorités sont légitimes à statuer de manière
durables sur le caractère patrimonial d'un objet. Statuer sur ce qui
fait patrimoine s'inscrit presque toujours dans une approche top down. Les
quelques exemples bottom up sont toujours le fruit d'une situation
conflictuelle autour d'enjeux identitaires. Ce rappel sur les
singularités du terme patrimoine rappelle qu'il reste encore un outil
largement dominé par les institutions classiques et que toute personne
non impliquée dans une de ces institutions ne peut que difficilement
imposer ses idées sur ce qui doit faire patrimoine ou non.
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