WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L’héritage industriel dans le renouveau du quartier « Grandclément gare".


par Camille JEAN-BAPTISTE
Université Jean moulin Lyon 3 - Master géographie et aménagement du territoire 2016
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Partie 3 : Quel patrimoine industriel pour les habitants du quartier ?

Dans ce volet de ma recherche il me semblait important d'interroger les habitants du quartier Grandclément sur le patrimoine bâti de leur quartier. La question de la gestion du patrimoine d'une ville est une question qui n'est presque jamais soumises aux habitants ce qui peut paraitre paradoxale au moins en partie dans la mesure où les riverains peuvent se prétendre d'une certaine manière experts de leur ville car il la côtoie au quotidien et la connaissent presque dans ses moindre recoins. Ils développent avec le temps de nombreuses connaissances à son sujet et sont capables de nous livrer des anecdotes insoupçonnées que les professionnels de l'urbanisme sont loin de disposer. En partant de cette idée il me paraissait alors nécessaire d'aller interroger ces habitants pour essayer de définir avec eux et de comprendre quels pouvaient être les éléments du paysage urbain qui avaient du sens pour eux et qu'ils aimeraient voir conserver, réhabiliter, ou voir même démolis. Je voulais en les interrogeant sur ce sujet les faire réagir sur leur potentiel d'implication dans les projets de réaménagement urbain.

I- Retour sur la notion de patrimoine

1. Le « gros mot » patrimoine

Pour mettre à bien cette partie de mon étude, la première question que je me suis posée a été : Comment parler de patrimoine ?

Lors des premiers contacts avec les habitants je me suis rapidement rendue compte de la difficulté pour les interrogés à se représenter et à définir le mot patrimoine. Il apparaît finalement comme une notion mal connue, qui impressionne et qui ne permet pas d'engager une conversation facilement. J'ai souvent été dans des situations où lorsque j'abordais le terme patrimoine voire même d'héritage industriel s'en suivait un blocage j'étais de fait confronté à une profonde incompréhension de la part de mes interlocuteurs. Bien qu'essayant de débloquer la situation en tentant de remanier le mot patrimoine avec le plus d'habileté possible dans l'espoir de faire comprendre mon intention de discuter sur les représentations personnelles du quartier en questionnant les souvenirs de chacun, cette tentative restait vaine. Peu de choses ressortaient et l'échange prenait fin très rapidement.

51

A d'autres moments, les personnes interrogés m'ont fait part de leur difficulté à répondre à cette question puisqu'ils m'expliquent ne pas se sentir spécialiste en la matière. Le patrimoine est en fait très souvent rattaché à la notion de conservation de bâtiment et dans l'imaginaire collectif des personnes avec qui j'ai pu m'entretenir ce qui se conserve c'est ce qui a une valeur architecturale importante, que de fait des « non experts » comme eux sont incapables à détecter, d'où la difficulté pour eux d'investir cette question de patrimoine.

De ces exemples il ressorts plusieurs éléments importants. Tout d'abord le questionnement autour du patrimoine apparait d'une part comme un thème difficile à appréhender pour les habitants non connaisseurs en matière de patrimoine de manière générale. Une sphère d'experts du patrimoine (principalement architectural) se devrait de se consacrer entièrement à cette question. Les habitants s'excluent instinctivement de cette question. Un autre exemple peut renforcer cette hypothèse. Une démarche d'inventaire participatif est actuellement en cours au Rize et celle-ci concerne en grande partie le quartier Grandclément. Cet atelier invite l'ensemble des habitants de la ville à participer à la « connaissance et à l'appropriation du territoire par des habitants » pour reprendre les mots du directeur du Rize Vincent Veschambre. Malgré une communication du projet par l'intermédiaire du magazine de la ville très peu de personnes se sont investies dans cet atelier. La plupart des présents étaient soient des passionnés d'histoire, des curieux ou des personnes largement impliquées dans la vie de quartier et ayant des relations avec le Rize36. Ce faible investissement de la part des riverains pourrait donc être interprété comme un désintérêt pour les questions patrimoniales ce qui est tout à fait probable. Toutefois on peut encore aller plus loin dans le raisonnement en rapprochant cette attitude d'une certaine forme d'autocensure. Les riverains s'interdisent de se prononcer sur le sujet et renvois la responsabilité de cette question à des professionnels.

Je pense que ce phénomène est à mettre en relation avec le fait qu'il n'existe aucun enjeu conflictuel pour le renouveau du quartier du point de vue patrimonial. Il n'y a pas de lutte ou de revendication sur les constructions au sein du quartier du moins à l'heure actuelle. Auquel cas les habitants se seraient certainement d'avantage saisie de la question patrimoniale comme ça a été le cas dans d'autres villes (Zanetti)

D'autre part, cette autocensure rappelle la volonté du monde de l'aménagement de créer deux mondes distincts, avec d'un côté les professionnels de l'aménagement et de l'autre les riverains. Bien que cette démarche tende à disparaitre avec le renouveau de l'urbanisme, ces

36 Informations obtenues lors d'une participation à cette réunion

52

réponses rappellent quand même la force de ce dispositif dans la mesure où les habitants l'ont pleinement intégré. Même si on peut nuancer ce propos quand on remarque l'implication de certaines associations en charge de la question patrimoniale de la ville qui sont très engagées dans ce que les bâtiments de la ville peuvent raconter, on remarque rapidement que lorsque leur implication dans un projet urbain est suggérée ils ne s'en saisissent pas. En effet, lors des différentes réunions de concertation, étaient présents Mr Patrick Pellerin président de l'association patrimoine et cadre de vie ainsi que quelques-uns de ses membres. Lors des discussions autour des pépites du quartier aucun des propos des membres de l'association ne s'est distingués du discours d'autres habitants. La question de la valeur patrimoniale des pépites mais aussi de tout autre élément bâti du quartier n'a suscité aucune réaction particulière. Cette association pourtant très impliquée dans la récolte de souvenirs propres aux différents quartiers de Villeurbanne avait ici l'occasion de s'exprimer et de mettre en avant les informations dont elle disposait ou qu'elle pouvait éventuellement obtenir, il n'en fut rien.

J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec Mr Pellerin sur les différentes activités de l'association et son impact dans les processus d'aménagement urbain. Autant sa participation active dans l'histoire de la ville est effective autant le constat n'est pas le même lorsqu'on évoque sa potentielle contribution dans les projets de renouvellement urbain. Le président de l'association m'a très clairement fait comprendre que son association avait pour unique rôle de récolter et transmettre à l'occasion, des informations sur le passé de la ville mais qu'elle n'était aucunement impliquée dans les décisions d'aménagements37. La volonté ou non de s'engager dans cette démarche n'est pas ici la raison retenue, en fait il s'avère que cette démarche ne fait absolument pas sens pour cette association. Les différents témoignages récoltés sur bâtiments concernant leurs richesses sociales et leur intérêt en termes de traces de vie n'a pas vocation à perdurer dans l'espace urbain de demain par l'intermédiaire de conservations ou de réhabilitations. Le récit de vie est une donnée à conserver dans des cartons, à ressortir lors de petites expositions pour faire ressortir les données cumulées avec le temps mais pas à réutiliser lors d'un projet urbain. Le matériel patrimonial à exploiter dans les projets d'aménagement apparaît être l'exclusivité des professionnels de l'urbanisme.

Le terme patrimoine en plus de lier les témoignages entre le bâtiment et son aspect social, renvoi également à la question de l'intime. Il m'a été donné quelques fois lors de

37 Extrait entretien : « Ce n'est pas à nous de dire ce qu'il faut faire ou pas on est là juste pour raconter l'histoire et se rappeler des bâtiments qui étaient là avant »

53

conversations bien engagées avec des habitants de découvrir quelques morceaux de leur vie. Les souvenirs évoqués, la manière de raconter, les différentes émotions qui émergent de leurs récits interpellent. Raconter sa ville, son quartier et ses bâtis c'est aussi se raconter, c'est donc une entrée dans l'intime. Parler patrimoine n'est pas toujours un acte anodin qui nécessite la création d'une relation de confiance.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera