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L’héritage industriel dans le renouveau du quartier « Grandclément gare".


par Camille JEAN-BAPTISTE
Université Jean moulin Lyon 3 - Master géographie et aménagement du territoire 2016
  

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III- Remise en question de la concertation habitante

En plus de la réalisation du plan guide pour le quartier en devenir « Grandclément gare » une concertation avec les riverains a été envisagée et mise en place dès novembre 2015. La mairie de Villeurbanne a en effet souhaité mettre en place une concertation avec les riverains sur le projet de réaménagement « Grandclément gare ». Pour se faire elle est passé par le service de démocratie locale du quartier qui n'est autre que le conseil de quartier Grand Clément/ la Perralière.

Né en 2013 le conseil de quartier est associé aux deux quartiers frontaliers celui de Grandclément et celui de la Perralière d'où son nom. Composé d'un adjoint de quartier Alain Brissard, de référents de conseil de quartier Jocelyne Maubert-Michaud et Alain Bassier le conseil il dispose de locaux au 74 rue Léon Blum en plein coeur du quartier Grandclément. Le conseil s'occupe à la fois des préoccupations quotidiennes des riverains en mettant en place différentes commissions mais il est également en charge de la diffusion de l'information de la ville. Son influence dans la création d'évènements festifs, de rencontres est aussi à souligner. C'est à sa commission « urbanisme - cadre de vie » que nous allons nous intéresser. C'est par le biais de cette commission bimensuelle qu'a été mobilisé la concertation habitante pour le projet de réaménagement en question. En effet c'est suite à une volonté de la mairie d'impliquer ses habitants dans ses projets que le conseil de quartier a organisé un temps fort autour du réaménagement futur de son quartier.

Au terme d'un accord en septembre 2015 avec l'adjoint au développement urbain et métropole de la Ville, Richard Llung la perspective d'une mobilisation habitante sur le plan guide du projet de renouvellement urbain est lancée. L'objectif recherché est alors de construire et fournir à l'aide des usagers de la ville un avis sur les orientations du plan guide afin de le remettre à la ville en janvier 2016. Pour mener à bien ce projet le conseil est accompagné par l'agence elc2. Agence de communication crée en 1998 siégeant à Lyon celle-ci est spécialisée « dans l'accompagnement des politiques publiques et les stratégies de

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participation citoyenne » (site elc2.coop). Son activité ici aura été la conception et l'animation d'une démarche participative. Ainsi accompagné le conseil de quartier a mis en place plusieurs réunions d'échanges et ballades urbaines dans le quartier pour mieux saisir la réalité à venir.

Annoncée à l'aide du magazine de la ville Viva, cette concertation apparait comme une invitation afin de « participer à la mise en oeuvre progressive de la transformation »28 du quartier. En y ayant assisté à plusieurs reprises tout d'abord pour observer comment la question du patrimoine était appréhendée je me suis rapidement rendue compte que le dispositif en lui-même méritait un approfondissement. La concertation habitante dans cette opération d'urbanisme est une démarche qui interroge. Qui est à l'origine de cette initiative ? Pour quelles raisons a-t-elle été mise en place ? Était-ce un choix ou une obligation ? Quelles sont les thématiques abordées ? Mais surtout comment est-elle intégrée au projet urbain ? C'est à l'ensemble de ces questions que cette partie tente de répondre.

1. Pourquoi mettre en place cette concertation ?

A l'origine, ce projet de concertation est à l'initiative de la municipalité villeurbannaise. Richard Llung adjoint au maire de Villeurbanne et vice-président de la métropole de Lyon chargé de l'urbanisme réglementaire et de la planification est l'investigateur de cette concertation. D'après les retours que j'ai eu de la part de la Métropole de Lyon Mr Lllung était très engagé pour la mise en place de ce dispositif et c'est encore une fois avec la revue mensuelle de la ville que son implication et plus largement le souhait de la municipalité d'oeuvrer pour des actions participatives est mis en avant. En décembre une double page se consacre à la concertation en cours à Grandclément. L'article intitulé Grandclément : la grande concertation s'attache à la fois à rappeler les grandes lignes du projet urbain mais insiste sur le caractère participatif du projet. L'adjoint au développement, Mr Llung s'exprime à ce sujet et rappelle que « la ville du 21ème siècle doit se construire avec les habitants qui se saisissent des projets, en partagent les grandes orientations et les enrichissent de leurs propositions ». Son engagement pour la mise en place de dispositifs participatifs s'inscrit ainsi dans l'une des tendances actuelles de l'urbanisme, la participation citoyenne. En effet depuis l'émergence dans les années 60 de mouvements urbains qui se développent dans différentes parties du monde porteurs d'une critique sociale (Castells) l'implication du public en matière

28 Viva, novembre 2015 p5

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de planification spatiale et d'urbanisme n'a cessé de se développer. En passant par les ateliers publics mobilisant habitants et professionnels pour la l'élaboration de contre-projets29, l'élaboration de diagnostic partagés, jusqu'à la naissance de système de co-gestion, les approches collaboratives investissent pleinement le champs de l'urbanisme. En parallèle la question de la durabilité des villes et des métropoles est de plus en plus étroitement associées à l'intervention urbaine. Les concepts du nouvel urbanisme et de croissance intelligente sont présentés comme des réponses à cet impératif du développement urbain durable qui impose de nouvelles formes de pensée et d'action (Bacqué Marie-Hélène, Gauthier Mario ) Ainsi, selon Berke 30 le concept de développement urbain durable offre une opportunité de renouvellement des pratiques participatives en matière d'urbanisme, dans la mesure où le concept de durabilité pourrait être un cadre capable de dépasser les intérêts particuliers afin d'adopter une perspective inclusive et globale. Dans ce contexte, la participation publique est aussi envisagée comme un instrument de mise en oeuvre du développement urbain durable (Gariépy

M., Gauthier M.) en opposition au modèle de planification rationnelle global. Les approches collaboratives conçoivent ainsi la planification comme un processus interactif et politique.

Les différents retours d'expériences en matière de planification poussent également les professionnels de l'urbanisme à reconnaître eux-mêmes les limites du modèle de la planification rationnelle globale et cherchent de nouvelles voies pour intégrer les préoccupations des citoyens dans leurs pratiques planificatrices (Bacqué Marie-Hélène, Gauthier Mario ) Les échecs d'opérations urbaines suite à l'inadéquation des travaux réalisés avec la réalité sociale et économique de certains territoires a conduit les experts techniques de l'urbain à reconsidérer leurs pratiques. L'implication des riverains dans les opérations urbaines voir même dans la réalisation de documents urbains (PLU, PLU-H par exemple) tend à se répandre sur l'ensemble du territoire.

La création d'une concertation sur un projet de rénovation est également l'occasion d'engager les habitants à réfléchir et à s'impliquer dans la gestion de leur quartier. Par l'intermédiaire du conseil de quartier, les riverains sont ici invités à échanger et se mobiliser pour s'approprier le projet, se projeter mais surtout ont l'occasion de questionner le projet et de faire des propositions pour le devenir de leur quartier. A ce titre l'adjoint en charge des quartiers

29 Exemple la rénovation du quartier de Kruzberg à Berlin

30 Berke P.-R., « Does sustainaibale development offer a new direction for planning ? Challenges for the twenty-first century », Journal of Planning Literature, 17 (1), 2002, p. 21-36

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Ferrandière/Maisons neuves et Perralière/Grandclément s'exprime « Ce temps long de la concertation est essentiel : les habitants s'impliquent de manière très constructive »31

Aussi ne faut-il pas oublier que ce type de démarche peut cacher des motivations politiques. La participation peut être mobilisée pour répondre à la distance politique plus ou moins importante entre élus et citoyens. Les riverains appelés à réfléchir et à s'exprimer directement auprès des élus ont alors le sentiment d'être écouté et donc d'être valorisé. La mise en place d'un dispositif à destination des citoyens est alors perçu comme la preuve d'une sincère volonté de s'impliquer dans les préoccupations des habitants. Ce n'est pas les riverains qui viennent à la mairie mais la maire qui vient à eux. Ainsi, le département aménagement urbain de la ville est difficilement attaquable. La ville s'inscrit comme partenaire des habitants, redore son blason et en profite pour mener une opération communication réussie.

Il est intéressant de mettre en parallèle le caractère non conflictuel du projet Grandclément gare. En effet, il n'existe aucun élément du projet faisant l'objet d'un désaccord profond entre les riverains et la collectivité. Le seul point enclin au conflit est le marché forain et alimentaire de Grandclément. Toutefois comme ces deux marchés n'appartiennent pas directement au projet et qu'ils feront l'objet d'une concertation spécifique ultérieurement, très peu de situations conflictuelles ont été relevés. Ainsi aucune opposition n'a été capable d'entacher le bon déroulement de la concertation. On peut alors rapprocher ce constat avec les réflexions de Bernard Jouve pour qui « les pratiques participatives dans les métropoles ne permettent pas une réelle transformation de l'ordre politique, mais tendent plutôt à renforcer les traits préexistants des différents systèmes politiques en consacrant le rôle central des élus ».32

Ou alors, on peut se laisser à imaginer que cette mobilisation des riverains était l'occasion de mettre en place une stratégie politique d'anticipation et de régulation. En passant par une institutionnalisation de la négociation (Duran et Thoening) avec la recherche d'une conciliation par la mise en oeuvre des outils de la concertation citoyenne la mairie se prémunit contre toutes situations conflictuelles à venir. En ce sens, on peut supposer que le choix de mettre en place une concertation avec le conseil de quartier n'était pas anodin.

31 Viva, décembre 2015-janvier 2016

32 Jouve B., « La démocratie en métropole. Gouvernance, participation et démocratie », Revue française de science politique, 55 (2), 2005, P 336

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La stratégie de marketing territorial à l'oeuvre pour le quartier et mentionnée auparavant trouve avec la réalisation d'une concertation l'occasion de s'affirmer une nouvelle fois. On pourrait presque aller jusqu'à imaginer le nouveau titre de l'opération urbaine : Grandclément gare un projet respectueux de l'identité industrielle et à l'écoute de ses habitants. Fort déjà d'un premier objet de valorisation avec la reconnaissance de vestiges de l'époque industrielle le dispositif de concertation est alors le deuxième élément de valorisation du territoire. L'apparente volonté de construire ensemble aide à la création d'une image positive du quartier en devenir. Le quartier profite donc d'une belle promotion avec en toile de fond l'idée qu'il est le résultat d'une implication de riverains forte. C'est un argument qui peut tout à fait jouer en la faveur du quartier.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams