Entre similarités et dissemblances les projets de Bus
Rapid Transit (BRT) constituent depuis le début des années 2000
un renouveau dans la politique des transports pour de nombreux pays en
développement. Le projet pilote de BRT dans l'agglomération de
Dakar en est le parfait exemple. Aussi, en partant de ma première
expérience en contexte africain et face aux réalités de
terrain auxquelles j'ai pu être confronté j'ai souhaité
consacrer ce dernier ce chapitre à une réflexion sur
l'émergence de ce nouveau concept de transport. Ainsi, je m'attache
à mettre en parallèle les particularités du système
de transport africain avec certains éléments constitutifs d'un
projet de BRT en Afrique du Sud. Ce nouveau volet a ainsi pour ambition de
mettre en lumière les particularités territoriales dans
lesquelles peuvent s'insérer les projets BRT.
Pour se faire, j'essaierai tout d'abord de comprendre quels
sont les enjeux auxquels se confrontent les projets BRT en Afrique
subsaharienne. Après avoir rappelé le succès du 1er
modèle de BRT à Curitiba qui a inspiré de nombreux projets
à travers le monde et spécialement en Afrique subsaharienne je
continuerai avec l'exemples du BRT de Johanesburg en Afrique du Sud, l'occasion
de rappeler le caractère singulier de chacun des projets BRT. Enfin, je
viendrai clôturer cette thématique en rappelant quelles sont les
principales difficultés que peuvent rencontrer des opérations de
transports d'une telle ampleur et quels sont les leviers d'actions
envisageables pour l'Afrique subsaharienne.
Chaque jour des milliers d'habitants des métropoles
africaines se confrontent à l'air particulièrement pollué
de leur agglomération. En effet, une étude publiée par
l'Organisation de coopération et de développement
économique (OCDE) en octobre 2016 rapporte que le continent africain de
façon globale est désormais gagné par le problème
de la pollution de l'air
Figure 11 : Pays africains et pollution de
l'air (Crédits photo : Betty Lafon)
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extérieur. En près de 25 ans, le nombre de
décès prématurés en lien avec la pollution de l'air
par les particules ambiantes a connu une progression spectaculaire de 36 %. En
tenant compte de la fragilité de la collecte de données sur le
continent, il apparaît à présent que la pollution de l'air
extérieur égale le problème de malnutrition des enfants
parmi les principales causes de décès
prématurés.2
La pollution urbaine en Afrique est singulière et se
différencie de celles que peuvent connaître les pays occidentaux.
Si par exemple pour Londres le secteur des transports constitue la principale
source de pollution dans la ville de Lagos au Nigéria la situation est
plus complexe. En effet, de nombreux paramètres sont aujourd'hui
responsables de la pollution de la ville. A ce titre on retiendra, la
combustion des déchets, l'utilisation de matériel de cuisson
défectueux, l'utilisation de générateurs au gasoil,
l'emplacement d'usines en plein coeur de villes et surtout les très
nombreux véhicules disposant de pots catalyques.
Toutefois, même si le secteur des transports ne
constitue pas forcément le facteur premier de la pollution de l'air il
n'en reste pas moins un élément constitutif important.
Au-delà du nombre de véhicules en circulation dans les villes
africaines c'est aussi et surtout la qualité des véhicules qui
interroge. Qu'il s'agisse de transports en commun, de poids lourd, de deux
roues ou de véhicules légers le constat est le même, ils
sont tous en partie responsable de la dégradation de la qualité
de l'air. La disparition progressive des entreprises structurées de
transport collectif en Afrique subsaharienne dans les années 90 a peu
à peu laissé la place à de très nombreuses
structures informelles de transports. Selon les pays les motos-taxis ou les
taxi minibus se sont ainsi largement imposés dans le paysage urbain,
remplaçant ou complétant avec efficacité les
réseaux de transports publics quand ceux-ci existent encore.
2 Le Monde, 2016
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Pour se développer, ces entreprises artisanales se
dotent de véhicules obsolètes qu'elles rafistolent dans le temps.
L'essor du marché de l'importation de véhicules anciens a
drastiquement accéléré le vieillissement du parc de
véhicules avec dans la majorité des cas des moteurs fonctionnant
au diesel (58 % des minibus à Dakar sont âgés de plus de 20
ans ; à Ouagadougou, l'âge moyen des véhicules particuliers
est passé de 14 à 17 ans entre 1999 et 2003, pendant que celui
des camions passait de 18 à plus de 20 ans sur la même
période).
Figure 12 : Minibus dans la
ville de Dakar (crédit photo: Camille Jean-Baptiste) Figure 13 :
Mototaxi au Cameroun (crédit photo : africatime)
En bref, ces différents éléments, dont
notamment l'accroissement du parc de véhicules par l'importation de
véhicules d'occasion âgés augmentent les émissions
de polluants et développent une toxicité plus importante de ces
émissions, notamment pour le parc diesel (en 1998, 90 % du parc de cars
rapides à Dakar fonctionnent au diesel, 96 % pour les camions). La
concentration de polluants nocifs atteint des seuils importants dans plusieurs
capitales africaines. A titre d'exemples à Cotonou, les enquêtes
effectuées et les campagnes de mesures réalisées afin de
définir le niveau global de la pollution de l'air montrent : -- une
forte concentration en CO2 atteignant 18 mg, soit presque le double de la norme
admissible ; -- une forte concentration des hydrocarbures volatils
dépassant à certains endroits 2.000 ug/Nm3 ; -- une
émission journalière d'environ 83 tonnes de CO2, dont 59 %
générés par les deux-roues et de 36 tonnes d'hydrocarbures
volatils (HC), provenant essentiellement des deux-roues ; -- une concentration
élevée en plomb (Pb) avec un maximum de 13 ug/Nm3 (soit plus de
six fois la
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norme admise)3. Les impacts de ces polluants sur la
santé des populations sont indéniables. En rappel l'essor
fulgurant de maladies respiratoires, d'allergies, de maladies de la peau, et de
cancers.
En définitive, l'ensemble du système de
déplacements, qu'il s'agisse de transports en communs ou non, tel qu'il
fonctionne aujourd'hui génère d'importantes externalités
négatives : accroissement de la congestion du trafic urbain, niveau
important d'accidents, mais surtout la montée de la pollution
atmosphérique. Quelques études de cas (Dakar, Abidjan,
Ouagadougou et Cotonou) sur les coûts de dysfonctionnement du
système de transports urbains et la qualité de l'air dans les
villes africaines confirment que la pollution atmosphérique et l'effet
de serre associé représentent l'un des principaux enjeux
environnementaux pour le continent.