Rôle des politiques culturelles dans l'émergence de l'art contemporain en Auvergne-Rhône-Alpes.par Salmane DIALLO Université Jean Monnet de Saint-Etienne - Master 2 Recherche Formes et Outils de l’Enquête en Sciences Sociales 2019 |
De Malraux à Lang, de nombreuses critiques de la politique culturelleDe Malraux à Lang, le bilan des politiques culturelles est perçu plutôt positivement54(*) mais peut-être plus controversé dans certains cercles intellectuels et professionnels du monde de l'art.
Les débats sur les politiques culturelles se sont toujours ressentis depuis la création du ministère d'Etat des Affaires culturelles mais ils ont pris une autre allure à partir de la fin des années 80. A titre d'exemple sur les critiques, dès les premières années de la création du ministère, « en 1968, c'est la gauche qui attaque la conception de Malraux sur la démocratisation culturelle et les adeptes de l'ordre dénoncent le soutien à des artistes soupçonnés de subversion. Le plasticien Jean Dubuffet, dénonce dans Asphyxiante culture (1968), les configurations intentionnalistes de la culture »55(*). On peut probablement lierces critiques aussi par le changement intervenu à la tête du ministère de la Culture. Dix ministres se sont succédé entre 1970 à 1981. Vers la fin des années 80, les débats sur les politiques culturelles s'intensifient et se multiplient avec des nombreuses contradictions allant du « déclin de la culture » à l'échec de la démocratisation culturelle sans pour autant oublier la défense de l'exception culturelle qui s'en ai suiviplus tard. En 1987, la publication de La défaite de la pensée d'Alain Finkielkraut relance le débat sur le bienfondé des politiques culturelles et cela a provoqué d'énormes controverses. L'auteur, « philosophe et essayiste, dénonce le déclin de la culture. De fait, c'est contre le relativisme culturel - le « tout culturel » - que se construit la démonstration »56(*). Alain Finkielkraut accuse le ministère de la Culture en élargissant son champ d'intervention aux industries culturelles, aux pratiques amateurs, aux genres dits « mineurs » d'avoir contribué à la dissolution de la culture « légitimes » dans le « tout culturel ». Dans le même sens Marc Fumaroli dans son ouvrage `' l'état culturel : une religion moderne'' publié en 1991, « accuse le ministère d'être responsable de l'affaissement de l'échelle des valeurs en remettant même en cause la légitimité des politiques culturelles ». Il faut souligner que l'ouvrage de Marc Fumaroli a suscité d'importants débats57(*) au sein du monde culturel. L'autre aspect qui renforce les critiques des politiques culturelles, c'est aussi la publication en 1990 des résultats d'une enquête menée par le ministère de la Culture sur les pratiques culturelles des Français. Ces résultats montrent en grande partie l'échec de la démocratisation culturelle qui était pourtant au centre des politiques culturelles de Malraux à Lang.
Du renouvellement de la création artistique au mode d'intervention de l'Etat dans le domaine de l'art est née dans les années 90 ce que nous pouvons appeler la crise de l'art contemporain. A partir de 1991, le débat est lancé au sein des revues Esprit et Télérama, « qui affecte aussi la politique mise en oeuvre par le ministre de la culture dans le domaine des arts plastiques. L'essentiel de ce débat très franco-français se situe certes à un autre niveau qui est celui de la mise en cause esthétique des avant-gardes. L'Etat est accusé de parti pris esthétique. La stigmatisation « art officiel » n'est jamais bien loin. Les néolibéraux (MarcFumaroli et Yves Michaud) souhaitent que l'Etat se désengage en accordant une plus grande autonomie aux institutions »59(*). Même si cette idée a été rejetée par certains intervenants dans le domaine de l'art contemporain. Ceux-là se positionnent en faveur de l'augmentation des moyens accordés par l'Etat supposant que le désengagement de l'Etat ne garantirait pas que le marché tiendrait la suite. La crise de l'art contemporain, c'est aussi l'introduction des nouveaux objets dans la création artistique. C'est là qu'intervient l'analyse d'Yves Michaud sur la représentation de l'art dans la question de savoir si « l'art contemporain est de l'anti-art ou du non-art ». « Ces objets, banals et quotidiens, appelés oeuvres d'art, mettent en mal non seulement les théories esthétiques, mais aussi l'expérience esthétique qu'ont les spectateurs face à ces productions. Les oeuvres d'art contemporain ne se matérialisent plus sous une forme traditionnelle »60(*). Ces polémiques ont suivi l'art contemporain tout au long de son évolution à partir des années 90. De ce fait certains professionnels du métier n'hésitent pas à affirmer que ce n'est pas « l'art qui est en crise, mais le jugement sur les productions ». Enfin, il faut tout de même souligner que l'effet des critiques émises par ces intellectuels et professionnels visant à remettre en cause le sens voire la pertinence des politiques culturelles est resté audible dans un cadre restreint (le monde des intellectuels) puisqu'une large majorité61(*) ne « remet pas en cause ces politiques culturelles ». De plus, les successeurs de Jack Lang, n'ont pas remis en cause les politiques culturelles déjà définies mais ils ont évolué dans une large mesure dans la continuité en défendant l'exception culturelle. * 54Jack Lang est perçu comme le meilleur ministre de la culture de la Cinquième République. Sondage effectué par BVA en novembre 2000 pour Beaux-arts magazine (n° 200 janvier 2001) auprès d'un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, composé de 1017 personnes. * 55« Jean Dubuffet, 29 juillet 1968?: asphyxiante culture », LExpress.fr, 30 juillet 2018, https://www.lexpress.fr/culture/art/jean-dubuffet-29-juillet-1968-asphyxianteculture_1999367.html. * 56Philippe Poirrier, Histoire des politiques culturelles de la France contemporaine (Dijon : Université de Bourgogne, 1998), p. 108. * 57Ces débats sont bien analysés par Poirrier Philippe dans son ouvrage `' Histoire des politiques culturelles de la France contemporaine (Dijon : Université de Bourgogne, 1998), p. 108 à 112. * 58Titre de l'ouvrage de Yves Michaud, paru en 1997, où il explique ce qui est pour lui la crise de l'art contemporain. L'auteur pense qu' « il n'y a pas crise de l'art, mais crise de la représentation non pas dans l'art, mais de l'art. Et cette crise de représentation de l'art est due au fait qu'il y a crise avec la représentation dans l'art ». En plus de cette crise de représentations, nous allons aborder celle qui a affecté les politiques culturelles mises en oeuvre par le ministère de la Culture. * 59Chmc1, « L'État culturel en débat (1981-1995) », Billet, Politiques de la culture (blog), consulté le 11 avril 2019, https://chmcc.hypotheses.org/1627. * 60Gwénola Regruto, « La crise de l'art contemporain », Sciences humaines combinées, no 3 (1 janvier 2009), consulté le 11 avril 2019. http://preo.u-bourgogne.fr/shc/index.php?id=127. * 61Selon le sondage réalisé par la SOFRES pour le journal La Croix (7-9 octobre 1992) qui montre que 80% des Français jugent normal que l'Etat contribue au financement de la culture, tandis que seuls 13% estiment que la « culture est une activité comme une autre, qui ne doit pas être subventionnée ». |
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