B. Le tourisme aérien en question
À la suite des entretiens réalisés avec
des membres de l'agence Allibert, il en ressort certaines grandes lignes quant
à la perception de l'avenir du tourisme aérien. Il y a tout
d'abord le positionnement du groupe Voyageurs du monde,
représenté par Jean-François Rial. N'ayant pu rencontrer
directement Monsieur Rial, je résumerai sa pensée en utilisant
des interviews qu'il a donné dans la presse. Nous verrons ensuite qu'au
sein de l'agence la question du tourisme aérien fait réagir et
fait débat. Ensuite nous aborderons l'idée de limiter le recours
à l'aérien en se demandant quelles en seraient les
conséquences. Nous verrons ensuite quelles seraient les autres pistes
pour terminer sur une image prospective.
1. Note méthodologique :
Afin de recueillir les informations développées
dans la suite de ce travail j'ai réalisé six entretiens au sein
de l'agence en choisissant des personnes ressources.
· Tout d'abord le directeur général
puisque c'est lui qui insuffle et décide les grandes orientations de
l'entreprise.
· La responsable du service qualité et du label
AIR.
· Un membre du service communication chargé des
réseaux sociaux.
· Un Chef de produits au service des Alpes qui par son
passé professionnel, se sent pleinement concerné par ces
questions.
·
55
La responsable du service communication qui a une vision
précise des clients Allibert et de leurs attentes
· La responsable du service aérien
Je remercie chacune de ces personnes de m'avoir
accordé un peu de temps. Les entretiens ont été
menés avec une grille unique (en annexe 5) ;
enregistrés puis retranscris afin d'être cités et
analysés. Un des entretiens a été réalisé
par écrit, faute de temps pour se rencontrer. Pour ces échanges,
j'ai utilisé l'entretien semi-directif avec seulement six questions
posées. Cette méthode m'a paru la plus appropriée pour
aborder un sujet mêlant considérations professionnelles
liées à l'entreprise et convictions personnelles. L'entretien
semi-directif permet de cadrer le discours autour de la thématique
choisie, tout en laissant l'espace à l'interlocuteur de partager ses
doutes, ses propres questionnements et ainsi d'ouvrir plus largement
l'échange.
2. Positionnement du groupe Voyageurs du Monde
Ce résumé est tiré de deux interviews
radio de Jean-François Rial, Président Directeur
général du groupe Voyageurs du Monde depuis 1996. Ces interviews
ont été données entre mai et juillet 2019 sur
RMC83 et France info84.
Interroger le PDG d'une grande entreprise touristique sur
l'aérien revient à mettre en évidence des paradoxes. Le
mouvement Flygscam fait encore une fois parler de lui et c'est une certaine
culpabilité du voyage qui est mise en avant par le journaliste de RMC,
Olivier Truchot. Face à ces questionnements, le positionnement de
Jean-François Rial est très clair. Il est convaincu de la
nécessité de la transition et se définit lui-même
comme un écologiste. Il évoque des désastres
environnementaux à prendre en compte rapidement comme la destruction des
sols agricoles, l'érosion de la biodiversité ou le
réchauffement climatique. Mais Jean-François Rial se dit
être un écologiste libéral, et dénonce la
pensée des altermondialistes. Il est convaincu de la possibilité
d'une croissance verte et vertueuse. Selon lui, l'idée de ne plus
voyager en avion est absolument irréaliste voir même dangereuse.
Le voyage constitue selon lui un facteur majeur de tolérance,
d'ouverture d'esprit et de paix entre les peuples. Il fait également le
constat qu'on ne peut pas empêcher les gens de voyager « c'est
complétement irréaliste85 », et qu'ils en
auront toujours envie. Se retrouvant face à un tel paradoxe et en tant
que
83
https://rmc.bfmtv.com/mediaplayer/video/le-grand-oral-de-jean-francois-rial-pdg-du-groupe-voyageurs-du-monde-0407-1173080.html
84
https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-interview-eco/jean-francois-rial-pdg-de-voyageurs-du-monde-veut-faire-planter-des-milliards-darbres-contre-la-pollution-des-avions3403059.html
56
chef d'une entreprise qui fonctionne grâce à
l'aérien, il propose la solution suivante : planter des arbres. Selon
ses dires il est possible de compenser intégralement les
émissions de C02 des avions en plantant environ 4 à 5 milliards
d'arbres par an. Derrière cette proposition, on peut faire deux constats
: le premier est que la compensation serait la seule voie «
réaliste » étant donné qu'on ne saura pas fabriquer
des avions propres d'ici trente ans. M. Rial ne souhaite donc pas se lancer
dans un discours trop optimiste sur un transport aérien d'avenir qui ne
serait pas polluant. La deuxième chose derrière sa proposition
est qua dans son idée, le transport aérien n'est nullement remis
en question. Il est un indispensable dont on ne peut se passer et qu'on ne peut
(et veut) pas réduire. L'avion représente environ 5 % des
émissions de CO2 de la planète, dans l'idée de Monsieur
Rial si des arbres sont plantés c'est pour compenser ces 5% là.
Quant à la place nécessaire pour ces arbres, M. Rial cite une
étude Suisse86 qui estime qu'il y a suffisamment de surface
sur notre planète pour planter encore 1200 milliards d'arbres sans
toucher aux activités humaines. Ces 1200 milliards d'arbres,
représentent 10 ans d'émissions de CO2 actuelles
planétaires. L'argument de Jean-François Rial devant cette
idée est donc « il suffirait de prendre 3,6 milliards
d'arbres [pour compenser les émissions des avions] c'est colossal mais
Voyageurs du monde le fait à lui tout seul. C'est-à-dire que
notre entreprise sur ses 300 000 clients par an, sur l'ensemble de ses marges
et de ses activités, réussit à être en carbone
neutre en plantant plus de 4000 arbres par jour. Donc si nous on le fait,
pourquoi les autres ne pourraient pas le faire ?
»87 Jean-François Rial prône
également l'économie d'avion, c'est-à-dire ne prendre
l'avion que quand c'est nécessaire. Cette notion de «
nécessité », est toutefois propre à chaque individu.
Enfin, le PDG de Voyageurs du monde, propose en mai 2019 une taxe qu'il appelle
« contribution planète » d'une
vingtaine d'euros par tonne de CO2 émise et par personne, payés
par le consommateur pour compenser mais aussi pour financer la transition
écologique gérée non pas par l'Etat mais par un organisme
sanitaire indépendant.
En résumé, M. Rial est convaincu de la
pertinence des solutions de compensation carbone pour répondre aux
problématiques liées à l'avion, inhérentes à
son domaine d'activité. Toutefois, face aux constats scientifiques, les
autres pollutions causées par l'aérien ne sont pas
compensées par la reforestation. Cette dernière semble être
une réponse incomplète au problème. En revanche,
l'idée d'un arrêt total du trafic aérien semble elle aussi
totalement irréaliste. La proposition de M. Rial navigue donc entre ces
deux bornes de réflexion, au sein du paradoxe.
86
https://science.sciencemag.org/content/365/6448/76.abstract
87
https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-interview-eco/jean-francois-rial-pdg-de-voyageurs-du-monde-veut-faire-planter-des-milliards-darbres-contre-la-pollution-des-avions
3403059.html
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Voyons à présent la perception de ces enjeux au
sein de l'entreprise Allibert trekking, qui est rappelons-le une entreprise du
groupe Voyageurs du Monde depuis 2013.
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