Comme l'illustre bien cette dernière publicité,
la carte du monde a été redessinée par l'avion. Certains
pays lointains ont longtemps été réservés aux
grands explorateurs, aux pionniers, voir aux conquérants. Avec l'avion
cela est complétement bouleversé. Ces deux cartes isochroniques
du monde (pages suivantes) illustrent ce phénomène en mettant en
avant les temps de trajets nécessaires pour atteindre une partie du
monde depuis Londres. On constate qu'entre 1930 et 2000 les destinations sont
redéfinies par l'avion. A l'image du développement du
réseau aérien en hub, on voit des ilots aujourd'hui
rapprochés de Londres en termes de temps de voyage : le rose de la carte
isochrone ne s'étend pas linéairement mais progresse par
tâches.
On constate qu'en 2016, on trouve des zones roses (les plus
proches de Londres en temps de trajet) et des zones bleues (les plus
lointaines) très proches les unes des autres. Cela s'explique par
l'implantation d'aéroports dans des zones isolées. On peut citer
par exemple l'aéroport de Kangerlussuaq qui met Londres à 5h du
Groënland alors qu'il fallait en 1914 entre 10 et 20 jours de voyage entre
ces deux villes. Au-delà du simple aspect pratique, on peut se demander
si ce n'est pas aussi la notion même d'exotisme qui est modelée
par les possibilités offertes.
Figure 15 Carte Isochrone 1930
21
Figure 16 Carte Isochrone 2016
22
Si techniquement l'avion permet de voyager facilement, encore
faut-il que les billets soient accessibles financièrement pour les
voyageurs. Le rapport Aviation Benefits (IHLG, 2017) nous présente
l'évolution du coût des voyages en avion. Ce dernier n'a
cessé de diminuer depuis les années 1950. Cette baisse continue a
été rythmée par différents événements
mondiaux majeurs comme la dérégulation du trafic aérien
aux Etats-Unis à partir de 1979 ou encore la libéralisation du
trafic aérien en Europe dans les années 1990.
Figure 17 Evolution du prix moyen des voyages en avion de
1950 à nos jours
Le prix des billets d'avion a lui aussi diminué. Ce
même rapport (IHLG, 2017) nous expose qu'un Paris-Milan aurait
couté 400 euros en 1992 et seulement 15 euros en 2017. Au-delà de
la baisse des coûts, ce qui a permis une telle réduction des prix
des billets c'est l'avénement du low-cost.
L'offre de billets d'avion à bas coûts est
proposeé par les compagnies LCC (low cost carrier). Ces compagnies sont
capables de minimiser leurs dépenses, notamment en réalisant des
économies de densité qui sont plus efficaces que les
économies d'echelle. Les avions volent plus longtemps, la main d'oeuvre
recrutée est plus flexible en temps et en tâche. Comme le
décrit Frédéric DOBRUSKES, ces compagnies livrent à
une « chasse systématique aux coûts : réduction ou
suppression des services gratuits (repas, journaux...), réservations par
téléphone ou internet évitant les agences de voyages et
leurs commissions, utilisation d'aéroports secondaires moins gourmands
en taxe, absences de billets imprimés, refus de vendre des vols avec
correspondance. » (DOBRUSZKES, 2005)
24
Le business model du low-cost est en résumé :
· Basé sur des courts-courriers qui lui
permettent de ne posséder qu'un seul type d'avion (le Boeing 737 par
exemple).
· Limité sur les choix des trajets, l'objectif
n'est pas de développer l'offre mais d'utiliser des aéroports peu
encombrés pour accélerer toutes les manoeuvres au sol.
· Limité sur les services (repas, bagages,
perosnnel d'accueil etc).
· La sous-traitance des prestations aux entreprises les
moins coûteuses. Par exemple, comme le décrivent Michel Santi et
Véronique Nguyen dans leur article Le business model du low-cost
(NGUYEN, 2012) Easyjet fait appel à six fournisseurs sur ses vols
londoniens (gestion des bagages, prestataire pour la gestion des horaires de
vol, fournisseurs pour les boissons et encas vendus, prestataire pour la
maintenance de la flotte etc ...).
· La non-affectation des sièges et le sur-booking
(vente de plus de billets que de sièges disponibles).
· Le Yield management (c'est-à-dire la
tarification en temps réel, non pas basée sur le prix de revient
mais sur la demande du consommateur) .
Cette optimisation des coûts est
réfléchie en fonction des attributs de la Valeur d'Utilité
Percue par le Client ou VUPC. En résumé les compagnies vont jouer
sur un fil entre minimiser les coûts et ne pas boulverser les clients
pour qu'ils continuent d'acheter des billets. Pour cela la technique de
l'escamotage est souvent utilisée : par exemple supprimer les agents
d'accueil à l'aéroport ou en agence et demander aux clients de
choisir eux-même leur billet en l'achetant sur internet. Egalement en
demandant au client d'enregistrer lui-même son bagage : baisse du
coût pour la compagnie (moins de personnel) mais pas de baisse de la
VUPC. Comme le décrivent Michel Santi et Véronique Nguyen cette
habile manipulation amène au paradoxe suivant « le client
réalise une partie de la prestation qu'il achetait
précédement et il s'en trouve entièrement satisfait.
» (NGUYEN, 2012)
Arrêtons-nous enfin sur une autre pratique du low-cost,
l'utilisation d'aéroports secondaires. Les compagnies LCC les
préfèrent pour plusieurs raisons : le temps perdu au sol est
diminué, les taxes sont moins importantes, il est plus facile de
négocier les termes de leur utilisation (parfois exclusive) car ils sont
souvent sous-exploités. Ainsi de nombreux aéroports secondaires
vivent uniquement grâce au low-cost. C'est le cas de Brussels South
Charleroi, Paris Beauvais ou encore Rome Ciampino comme l'explique Frederic
Dobruskes. (DOBRUSZKES, 2005)