2. Concepts implicites
La conceptualisation de « conflit foncier»
laisse transparaître quelques centres d'intérêts parmi
lesquels nous retiendrons: Système agraire, Violence, Crime, Crise,
Déviance.
2.1 Système agraire
S'investir dans une entreprise de définition des
contours sémantiques du concept de « système agraire
» ne parait pas chose aisée et son identité
étymologique est fonction des paramètres physiques, biologiques,
humains, géographique économique et relationnel. Pour bien
comprendre le sens du concept, il parait nécessaire de passer en revue
les conceptions traditionnelle et moderniste avant d'en venir à la
conception purement socio-rurale.
En effet, dans la conception traditionnelle, les auteurs
abordent la question de système agraire dans une dynamique
systémique. Ils intègrent les pratiques agricoles, les «
manières concrètes d'agir » comme moyen d'analyse
et comme expression de la cohérence du système. Le système
agraire peut selon eux, être cindé en sous-systèmes
constitutifs ; d'un côté le système agraire ou foncier et
de l'autre, le système de production lui-même
décomposé en système d'élevage ou de cultures.
L'ensemble est en perpétuelle dynamique spatio-temporelle et les
pratiques agricoles sont à l'origine de la formation d'objets
repérables dans le paysage (Besson, 1992).
Chercher donc à définir le système
agraire reviendrait à le considérer en amont comme un
système composé de ces deux sous-systèmes puis en aval,
à analyser la relation entretenue par ces deux sous-systèmes.
C'est dans ce contexte que
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Mazoyer(1975) affirme que « Chaque système
agraire est l'expression théorique d'un type d'agriculture
historiquement constitué et géographiquement localisé,
composé d'un écosystème cultivé
caractéristique et d'un système social productif défini
[ou «système technique, économique et social»],
celui-ci permettant d'exploiter durablement la fertilité de
l'écosystème cultivé correspondant ». Autrement,
l'auteur pense qu'analyser et concevoir en termes de système agraire,
l'agriculture pratiquée à un moment et en un lieu donnés,
consiste à la décomposer en deux sous-systèmes principaux,
l'écosystème cultivé et le système social
productif, à étudier l'organisation et le fonctionnement de
chacun de ces sous-systèmes dans leurs interrelations.
Dans ce regard systémique, Cholley (1946)
établit une interdépendance entre l'écosystème et
le système social ; autrement entre le cultivateur et l'espace de
culture. Ainsi, il affirme qu'« on arriverait à serrer de
beaucoup plus près la réalité en considérant que
l'activité agricole révèle une véritable
combinaison ou un complexe d'éléments empruntés à
des domaines différents très étroitement liés
pourtant ; éléments à tel point solidaires qu'il n'est pas
concevable que l'un d'entre eux se transforme radicalement sans que les autres
n'en soient pas sensiblement affectés et que la combinaison tout
entière ne s'en trouve pas modifiée dans sa structure, dans son
dynamisme, dans ses aspects extérieurs même ». En
d'autres termes, le système agraire parait pour lui comme le lien
indissociable, interdépendant et interactionnel entre
l'écosystème (espace de culture) et le système social
composé d'acteurs inclus dans un environnement déterminé.
Et ce sont précisément ces interactions réciproques entre
les éléments relevant, d'une part, de «
l'écosystème cultivé » et, d'autre part, du
« système social productif » qui confèrent
à l'ensemble le caractère de système agraire (Cochet,
2011).
Pour George (1956), il est certes nécessaire de
définir le système agraire à partir du système
composé de l'écosystème et du système social, mais
insiste sur l'intégration des données géographique et
économique dans la définition. Il pense donc que le
système agraire est l'ensemble des données relatives à
l'aspect morphologique des terroirs et aux combinaisons qualitatives sur lequel
repose le système d'exploitation. De cette définition, deux
éléments nouveaux apparaissent : les formes d'utilisation du sol
et la manière d'assurer cette utilisation. Le système agraire
permet donc d'identifier toute forme d'agriculture comme un système
d'interactions entre la mise en place et la gestion d'un
écosystème cultivé.
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Cette conception traditionnelle a certes de mérite de
poser les bases sémantiques du concept (de système agraire) en
relevant son caractère systémique mais à y voir de
près, elle tend à confondre le concept de système agraire
à celui de structure agraire. D'autres contributeurs dans un regard
moderniste, intègrent des notions de techniques agricoles et les
modifications de rapports sociaux dans la définition.
Ainsi, Dufumier (2007) pense que le concept de système
agraire est aussi complexe qu'exigeant. Cette complexité est le reflet
de la réalité qu'il cherche à décrire. Celle-ci
proviendrait, d'une part, de l'exigence de combinaison d'échelles
d'analyse très différentes, et d'autre part, de celle d'exprimer
le faisceau de relations. Dès lors, il affirme que le système
agraire ne peut alors être considéré comme un simple
système technique de pratiques agricoles, ni réduit aux seules
structures de répartition des terres destinées à
l'agriculture. Dans ce paradigme, définir le système agraire
revient à analyser conjointement les transformations des techniques
agricoles et les modifications qui interviennent dans les rapports sociaux, non
pas seulement à l'échelle locale mais aussi au niveau national et
international.
Pour Mazoyer et Roudard (1997), le système agraire est
« l'expression théorique d'un type d'agriculture historiquement
constitué et géographiquement localisé, composé
d'un écosystème cultivé caractéristique et d'un
système social productif défini, celui-ci permettant d'exploiter
durablement la fertilité de l'écosystème cultivé
correspondant ».De cette définition, il ressort avec Moindrot
(1995), trois éléments : l'étude des paysages agraires,
les systèmes de production agricole et les structures
foncières.
Cette conception moderniste intègre certes de nouveaux
éléments dans la conceptualisation du terme de système
agraire mais souffre de mutisme lorsqu'il s'agit de prendre en compte la
spécificité rurale qui fait part belle au respect des principes
coutumiers. Toute chose qui a constitué le point d'ancrage d'une
conception d'obédience socio-rurale.
Ainsi, des tenants de la conception socio-rurale, Agnissan
(2012) reste le plus prolixe et pense qu'aujourd'hui, avec l'urbanisation et
son acculturation, l'homme moderne africain perçoit de moins en moins
ses rapports avec la nature en termes de complémentarité
dialectique et tend à évacuer sa dimension sacrée et lui
substituer une forme d'antagonisme. Les logiques qui fondent la dynamique des
systèmes
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agraires urbains obéissent plus à des
considérations d'ordre socioéconomique (rentabilité,
profit, productivité) et ignorent souvent la logique socioreligieuse et
symbolique sous-jacentes. L'on assiste selon l'auteur, à
l'émergence de nouveaux types de comportements humains et de "gestion
laïque" des systèmes agraires urbains qui mettent en péril
la survie des forêts sacrées inscrites dans un processus de
désacralisation permanente. Autrement, l'auteur pense que
l'intégration de la dimension sacrée de la terre et ses
composants, pourrait certainement permettre d'aiguiser la compréhension
du concept sous nos tropiques.
Par ailleurs, Agnissan insiste sur le fait que l'espace
physique ou géographique est doublée d'une dimension spirituelle,
sacré, un espace mythique culturellement géré par les
autochtones. Ces attributs sacrés s'expriment à travers les
constituants physiques de l'environnement (eaux, minéraux, montage,
arbre, forêt, etc.) qui ne sont pas de simples objets matériels
mais des entités écologiques habitées par des esprits (les
génies et les ancêtres). L'auteur innove et intègre un
élément nouveau : aspect sacré des constituants physiques
de l'écosystème dans l'étymologie du concept de
système agraire. Dès lors, définir le
système agraire dans une dynamique Agnissanienne, serait prioriser
les attributs sacrés de la terre qui deviennent de ce fait, le substrat
de l'identité même du concept (de système agraire).
Retenons dans le cadre de ce travail que le système
agraire est un système composé de terres dotées
d'attributs sacrés et de cultivateurs entretenant des liens
étroits avec la terre cultivée ou à cultiver.
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