2.2 Violence
Ce concept qui, étymologiquement procède du
latin « violentia » signifie la force, le caractère
violent ou farouche. L'usage, « violentia » renvoie à
l'abus de force. Toutefois, ce terme reste difficile à définir
car il sous-entend des actions humaines (intentionnalité et
cruauté) individuelles et collectives (Michaud, 1998), et son
appréhension dépend du milieu, des circonstances et des facteurs
agissants (Chesnais, 1981).
La compréhension du concept nécessite donc
l'analyse de différentes approches juridique, psychologique,
sociologique et symbolique.
Dans l'approche juridique, les auteurs considèrent la
violence comme un écart ou une infraction par rapport aux normes ou
règles qui définissent les situations légales ou
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anormales. Mieux, la perception de violence est le fait de
porter atteinte à la dignité de l'homme.
Selon le guide juridique sur la prévention et la lutte
contre la violence (2015), « La violence est l'action volontaire ou
involontaire d'un ou plusieurs individus qui porte atteinte à
l'intégrité physique ou morale d'un autre individu. Il peut
s'agir de coups et blessures qui impliquent un contact direct entre l'agresseur
et sa victime ».
Dans cette même logique, Utebay (2013), concevant la
violence comme l'expression de la volonté de la justice, estime qu'elle
correspond à la « force, à la puissance, aux instruments
et outils conçus et utilisés en vue de multiplier la puissance
naturelle de la justice ». En d'autres termes, parler de violence
signifierait pour lui, considérer les moyens mis en place par la justice
pour instaurer et maintenir le calme social.
Cette approche juridique jette certes les bases normatives de
la compréhension du terme mais semble souffrir de mutisme quant à
la prise en compte de la violence psychique (trouble psychologique,
colère,...). Toute chose qui nous amène à analyser une
autre approche d'obédience psychologique.
Dans la dimension psychologique, les auteurs
s'intéressent à la violence verbale. Pour les tenants, cette
forme de violence subtile et difficile à identifier consiste en des
propos dénigrants, humiliants, des interdictions, de contrôle
autoritaire, des menaces et intimidations...
Ainsi, selon le guide juridique sur la prévention et la
lutte contre la violence (2015), « la violence consiste en des
agissements destinés à impressionner fortement, à causer
un choc émotionnel ou un trouble psychologique ». Autrement,
la violence apparaît comme le caractère de ce qui produit des
effets brutaux, des sentiments de peur, de doute, d'incertitude catalyseurs de
l'affaiblissement de l'estime de soi chez les victimes.
Relativement à cette conception verbale de la violence,
l'Organisation Mondiale de la Santé(2002) met en évidence le
traumatisme qui découle des actes de violence. A cet effet, elle
conçoit la violence comme « la menace ou l'utilisation
intentionnelle de la force ou du pouvoir contre soi-même, contre autrui,
qui entraîne ou qui risque fortement d'entraîner un traumatisme, un
décès, des dommages psychologiques».
Dans la même perspective, Braudo (2014)voudrait
établir un lien causal entre violence et conséquences
résultantes. Pour lui, la violence doit être perçue comme
« l'acte délibéré ou non, provoquant chez celui
qui en est la victime, un trouble physique ou
Comme on peut le constater, la violence se présente
comme une interaction entre un acteur agissant et un autre subissant.
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moral comportant des conséquences dommageables sur
sa personne ou sur ses biens ». La violence apparait donc comme celle
pouvant provoquer chez la victime un trouble psychologique
matériellement constatable.
A l'analyse, la perspective psychologique conçoit la
violence comme celle verbale pouvant provoquer chez la victime des troubles
mentaux et un affaiblissement de l'estime de soi.
Toutefois, limiter la violence en des propos dénigrants
serait restreindre son sens car la violence se veut interactionnelle
c'est-à-dire manifeste parmi des individus en interaction. Ce qui nous
amène à analyser une autre approche d'obédience
sociologique.
Pour les sociologues, la violence se perçoit comme une
force physique intentionnelle ou non, exercée sur une victime.
Avec Michaud (1986), « il y a violence quand dans une
situation d'interaction un ou plusieurs acteurs agissent de manière
directe ou indirecte, massé ou distribuée, en portant à un
ou plusieurs autres, à des degrés variables soit dans leur
intégrité physique, soit dans leur participation symbolique et
culturelle ».C'est-à-dire que la violence n'est manifeste que
parmi des individus en interaction.
Pour Brubaker et Laitin (1998), la violence est perçue
en termes de force appliquée dans la société, de mode
d'agissement visant à agresser la victime. Ils affirment que
« la violence est une action volontaire visant à faire mal
à une personne, une agression physique intentionnelle contre la victime
».
De Zotti (2007) perçoit en ce concept un choc, une
effraction au lien social. A cet effet, il déclare « la
violence est la manifestation d'une effraction du lien et, en particulier dans
le champ social, une rupture du lien social ».
Weber (1963) distingue deux formes d'expression de la violence
dont les objectifs seraient différents : l'une, illégitime,
émanant des individus ; l'autre, légitime, concerne la violence
employée par l'Etat, dont le but est de combattre l'expression de la
première.
En ce sens, weber pense qu'il y aurait une violence
qualifiée de positive c'est-à-dire celle émanant de l'Etat
et une autre qu'il nomme, négative c'est-à-dire celle
résultant des agissements personnels que la première voudrait
controler, combattre.
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Toutefois, bien que sociologique, cette orientation ne situe
pas de degré de participation, de responsabilité des acteurs
(agissant et subissant). Les auteurs qui suivront, s'attardent sur la dimension
symbolique de la violence.
Quelques auteurs émettent l'idée de la
participation des dominés à leur propre soumission. Pour Bourdieu
(1997), « la violence symbolique requiert donc, pour s'exercer, la
complicité de l'agent social qu'elle prend pour cible ».
Ainsi, ce processus à la faveur duquel le sujet soumis
devient inconsciemment complice de sa propre soumission s'explique par la
connivence de l'agent assujetti qui, tenant compte de certains facteurs, assume
la position d'infériorité par rapport au dominant.L'auteur ajoute
que cette forme de violence correspond à « cette coercition qui
ne s'institue que par l'intermédiaire de l'adhésion que le
dominé ne peut manquer d'accorder au dominant (donc à la
domination) lorsqu'il ne dispose, pour le penser et pour se penser ou, mieux,
pour penser sa relation avec lui, que d'instruments qu'il a en commun avec lui
».
Le rapport de soumission obtenu au moyen de la violence
symbolique est plutôt le fruit d'une acceptation machinale et
involontaire qui prend sa source à l'intérieur de schèmes
de perception conditionnés à l'avance.
Dans ce même registre, Kibler (2010) estime que «
c'est un processus de soumission par lequel les dominés
perçoivent la hiérarchie sociale comme légitime et
naturelle. Les dominés intègrent la vision que les dominants ont
du monde. Ce qui les conduit à se faire d'eux-mêmes une
représentation négative ». La violence symbolique est
donc source de sentiment d'infériorité ou d'insignifiance chez
les « dominés » qui conscients de leur position,
placent à un certain piédestal les « dominants
».
Au regard de ces appréhensions du concept, nous
souhaiterions emprunter à chaque approche des éléments qui
nous permettront de constituer une définition pouvant répondre
à notre objet d'étude. De ce fait, nous pensons qu' il y a
violence lorsque dans une situation d'interaction, un ou plusieurs acteurs
agissent de manière directe ou indirecte, massé ou
distribuée en portant à un ou plusieurs autres, des actes
à des degrés variables soit dans leur intégrité
physique, soit dans leur participation symbolique.
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