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La gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones dans le département de Sinfra.


par Jean Noel PacàƒÂ´me KANA
Université Félix Houphouet Boigny d'Abidjan - Doctorat en Criminologie 2019
  

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5.1.2 Protection tribale des ressortissants

Pendant le déroulement de nos investigations dans le département de Sinfra, de nombreux enquêtés à l'image de G. (maçon à Bégonéta, entretien de Septembre, 2016) insistait sur le fait que « dans certains services, beaucoup de travailleurs sont de la même ethnie ou de la même religion ». En d'autres termes, de nombreux agents issus des services décentralisés de l'Etat appartenaient au même groupe ethnique, communautaire, religieux ou politique. Ainsi, cette pression du bord ethnique et politique a, non seulement orienté les objectifs organisationnels étatique en faveur des objectifs partisans du groupe ethnique, mais aussi et surtout a été facteur d'exclusion de certains groupes minoritaires. Ces minorités se sont vues contraintes d'une certaine façon d'adhérer à cette vision nouvelle communiquée (repli identitaire, l'adhérence vitale à un groupe), sous peine d'étiquetage et de privation foncière en raison de supputations sur l'appartenance communautaire.

Dès lors, ce travail professionnel exercé dans les différents services locaux, étant donc pipé par une volonté de protection des membres de la communauté sienne, manque quelques fois d'objectivité et de sérieux pour ces élus. C'est cet état de fait que l'enquêté Z. (cultivateur à Sanégourifla) mentionnait en ces termes « il faut que tu connaisses un cadre comme le préfet, le sous-préfet, le commandant de brigade ou que tu sois de la même groupe avec eux sinon, ton affaire va rester comme ça ».

Il ressort que ce protectionnisme tribal de ruraux donne non seulement lieu à des déviations d'objectifs organisationnels, structurels mais plus loin, à des abus de toute nature et de toute sorte (évictions foncières arbitraires, frustrations successives).

Dans la pratique, des affrontements sectoriels surgissentdans certaines contrées du département entre groupes ou communautés.Ceux-ci justifient sans ambages leurs hostilités réciproques par leur appartenance ethnique, confessionnelle ou régionale et revêtent parfois des proportions inquiétantes.

A cette situation, il est à noter qu'en raison de la configuration plurale de la société de Sinfra, le fonctionnement des institutions locales se trouve fragilisé par l'instrumentalisation, à divers égards du registre socio-identitaire (positionnement des cadres gouro et allochtones, organisation des partis politique, élections, accès aux

En effet, l'allochtone, après avoir exercé plusieurs années des travaux champêtres sous la coupole de tutorat, s'appropria une portion de terre de son tuteur Niantien,

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privilèges matériels et symboliques de l'Etat etc.). Une instrumentalisation qui, parce qu'elle est très souvent génératrice d'exclusion et donc de frustration, se révèle potentiellement confligène.

Ainsi, dans les risques liés aux effets combinés de l'exclusion et de la frustration de minorités sociales, certains fulminent, les émotions négatives se cristallisent et les préjugés qui façonnent localement les représentations sociales favorisent les logiques de crispation identitaire qui se manifestent par un retrait social ou par des rixes et joutes de restauration de la situation de départ.

Les interactions entre acteurs ruraux et étatiques paraissent donc floues et fluctuantes entrainant négociations et renégociations constantes dans une situation foncière locale ambiguë et incertaine.

Toutefois, loin d'expliquer exclusivement cette situation conflictuelle à Sinfra par des joutes singulières entre communautés opposées, ces conflits sont davantage traductrices des carences des acteurs de l'Etat en matière de gouvernance et d'arbitrage de ces conflits ruraux. Ils révèlent combien la société de Sinfra peut être exposée au risque de confrontation violente dans la mesure où ceux qui apparaissent comme les acteurs régulateurs procèdent très souvent à l'aggravation ou à l'extrapolation des querelles de clocher par des interventions suspectes, intéressées, démagogiques et clientélistes.Cela est d'autant plus perceptible au sein des instances de régulation foncière à Sinfra où l'on voit alterner jugements arbitraires et partisans. Certaines décisions de justice y sont prononcées en fonction de l'appartenance ethnique, communautaire, religieuse ou politique de l'une ou l'autre des parties en présence.

Les enquêtes foncières sont effectuées de façon partielle, partiale et orientée selon des objectifs partisans. Il s'en suit que certaines décisions de justice prises sont pipées par le bord affinitaire encourageant ainsi certains ruraux à vérifier au préalable l'appartenance ethnique ou religieuse de l'autorité de jugement avant d'adopter une attitude d'obéissance ou de rejet de la décision.

On assiste fréquemment à des contestations publiques des décisions de justice, comme ce fut le cas à Proziblanfla dans une joute entre un autochtone (Niantien) et un allochtone (baoulé) en 2012.

Tableau 10: Procès-verbaux des affaires réglées

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estimant être la compensation à ces années de disponibilité et de services rendus à son tuteur. Le propriétaire terrien Niantien, lui affirmait que ces prestations entraient en ligne de compte du bénéfice que lui, le propriétaire devait tirer de ce tutorat.

Quelques semaines plus tard, à travers un processus de manipulation clientéliste, loin d'observer une joute interindividuelle, l'on a assisté à un conflit entre communautés sédentarisées de la localité (gouro et allochtone). Face à cette situation de risque de dégénérescence en violence, les autorités coutumières se sont expressément dessaisies de cet échiquier de résolution afin de laisser le soin au tribunal pénal de Sinfra.

Après un mois d' « investigations », les autorités pénales ont approuvé cette réquisition de la portion de terre par l'allochtone baoulé. Une décision qui a mis en branle l'ensemble de la communauté gouro qui a rejeté énergiquement cette décision et a pris des mesures à la fois physiques et mystiques pour sécuriser l'espace conflictuel.

Au regard de cette remise en cause de la décision par la communauté gouro, les magistrats ont instruit quelques gendarmes pour veiller à la matérialisation de la décision et permettre à l'allochtone d'exercer en toute quiétude. L'accalmie sociale apparente favorisée par la présence des forces de l'ordre, a encouragé l'allochtone à cultiver cette terre qui avait précédemment fait l'objet de nombreuses invocations des esprits du marigot « sokpo », du masque « djê », du python « ménin san ». Il s'en est suivi la mort brutale et rapide de l'allochtone baoulé quelques semaines plus tard.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci