1.2. Conflits interfamiliaux
Les conflits entre familles sont fréquents à
Sinfra et s'observent aussi bien chez les autochtones que chez les allochtones.
Ils ont, selon les propos du chef G. (planteur, 69 ans, Gonfla) «
plusieurs origines : vieilles rancunes stimulées par des
étincelles, non- reconnaissance des contrats de vente et de prêt
des lopins de terre entre ruraux, empiètement des limites des champs et
se particularisent à la fois par l'élargissement du réseau
de relations sociales et des violences remarquables».
Dans la pratique, ces conflits font intervenir de nombreuses
personnes issues des familles, des lignées et se caractérisent
par une escalade assez rapide de la violence provoquant des cas de blessures
sévères, d'infirmités partielles ou totales chez les
belligérants.
Pendant nos investigations, nous avons visité le champ
d'un autochtone de kouêtinfla qui présentait des limites
imprécises.Ainsi, lors de cette expédition, il apparaissait clair
que faute de moyens modernes, les champs des ruraux ont des
délimitations naturelles (bas-fonds, termitières, fromagers,
palmiers à huile,....) qui, elles-mêmes disparaissent avec le
temps. Conséquemment, cette disparition (des limites naturelles)
provoque une incertitude relative chez les ruraux, une imprécision
totale des limites qui l'étaient déjà partiellement et une
confusion des droits caractérisés par des empiètements
multiples, des consolidations violentes d'espaces, et le tout, dans un
environnement socio-rural politiquement enrhumé.
144
A cette situation, tandis que certains ruraux espèrent
en un plan d'aide étatique de délimitation foncière,
d'autres y voient comme solution, une consultation régulière des
ancêtres à travers rituels et sacrifices comme le
témoignent les propos d'un sage de Digliblanfla (70 ans,
propriétaire terrien) « en cas de conflit sur les limites, on
invoque les ancêtres qui viennent nous montrer les limites. Dans ce cas,
on ne se trompe pas, puisque ce sont les ancêtres qui ont parlé
».
Pour un diplômé de ce village tels que K. (42
ans, conseiller siégeant au conseil de la notabilité) «
cette procédure est trop mythique pour être appliquée
avec tous les risques d'erreurs, d'ajouts, d'interprétation occultes des
supposés ancêtres ».
1.3. Conflits intercommunautaires
Les conflits entre communautés autochtones et
allochtones paraissent pour de nombreux ruraux (focus group effectué
auprès des jeunes de Djamandji, Février, 2016) comme «
les moins fréquents dans le département mais lorsqu'ils
surviennent, provoquent de nombreux dégâts humains et
matériels. De petites mésententes entre agriculteurs
eux-mêmes ou entre agriculteurs et éleveurs peuvent se transformer
rapidement entre conflits sérieux». Partant de ces propos, il
parait évident que les causes et enchainements de ces contradictions
foncières dans le contexte de Sinfra, n'obéissent pas à
des règles mécaniques, mais s'inscrivent dans un processus
mouvant dont l'orientation est alimentée à la sève des
objectifs des acteurs en interaction.
Un enquêté nous racontait qu'en 2010, un conflit
de ce type avait opposé les autochtones Gouro aux ressortissants
nordistes du département. De petites mésententes foncières
suivies de bagarres entre adolescents (autochtones et allochtones), ont assez
rapidement débouché sur des litiges sanglants entre les
principales communautés sédentarisées (autochtone et
allochtone). Cette dégénérescence abrupte de la violence
s'est présentée succinctement en trois phases. D'abord au stade
familial avec des disputes et bagarres entre parents ; ensuite au stade
lignager avec soutien des parents proches ou lointains et enfin, au niveau
communautaire avec en opposition, les principales communautés
sédentarisés de Sinfra (autochtone et allochtone).
Les dégâts multiformes enregistrés pendant
ces six (6) jours de conflits témoignaient d'une telle brutalité
que les autorités ont alerté leurs supérieurs
hiérarchiques en vue de trouver une solution partiellement acceptable
aux deux parties.
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Aussi, il est à remarquer selon les autorités
locales (SG de la préfecture, entretiens de Mars 2016), que «
dans certains cas de conflit de ce type, les tentatives de gestion se
soldent fréquemment par des échecs, puisque ces décisions
de justice se heurtent à la résistance des individus en conflit.
Ils semblent a priori avoir une attitude de rejet ». En d'autres
termes, les populations rurales, loin de se pencher sur l'intérêt
social des décisions prises par les autorités locales,
s'attardent plutôt sur l'appartenance ethnique, religieuse, politique et
communautaire de l'autorité de jugement. Il s'en suit donc une
application partielle des décisions ou le cas échéant, un
rejet formel.
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