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La gestion des conflits fonciers entre autochtones et allochtones dans le département de Sinfra.


par Jean Noel PacàƒÂ´me KANA
Université Félix Houphouet Boigny d'Abidjan - Doctorat en Criminologie 2019
  

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1.2. Conflits interfamiliaux

Les conflits entre familles sont fréquents à Sinfra et s'observent aussi bien chez les autochtones que chez les allochtones. Ils ont, selon les propos du chef G. (planteur, 69 ans, Gonfla) « plusieurs origines : vieilles rancunes stimulées par des étincelles, non- reconnaissance des contrats de vente et de prêt des lopins de terre entre ruraux, empiètement des limites des champs et se particularisent à la fois par l'élargissement du réseau de relations sociales et des violences remarquables».

Dans la pratique, ces conflits font intervenir de nombreuses personnes issues des familles, des lignées et se caractérisent par une escalade assez rapide de la violence provoquant des cas de blessures sévères, d'infirmités partielles ou totales chez les belligérants.

Pendant nos investigations, nous avons visité le champ d'un autochtone de kouêtinfla qui présentait des limites imprécises.Ainsi, lors de cette expédition, il apparaissait clair que faute de moyens modernes, les champs des ruraux ont des délimitations naturelles (bas-fonds, termitières, fromagers, palmiers à huile,....) qui, elles-mêmes disparaissent avec le temps. Conséquemment, cette disparition (des limites naturelles) provoque une incertitude relative chez les ruraux, une imprécision totale des limites qui l'étaient déjà partiellement et une confusion des droits caractérisés par des empiètements multiples, des consolidations violentes d'espaces, et le tout, dans un environnement socio-rural politiquement enrhumé.

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A cette situation, tandis que certains ruraux espèrent en un plan d'aide étatique de délimitation foncière, d'autres y voient comme solution, une consultation régulière des ancêtres à travers rituels et sacrifices comme le témoignent les propos d'un sage de Digliblanfla (70 ans, propriétaire terrien) « en cas de conflit sur les limites, on invoque les ancêtres qui viennent nous montrer les limites. Dans ce cas, on ne se trompe pas, puisque ce sont les ancêtres qui ont parlé ».

Pour un diplômé de ce village tels que K. (42 ans, conseiller siégeant au conseil de la notabilité) « cette procédure est trop mythique pour être appliquée avec tous les risques d'erreurs, d'ajouts, d'interprétation occultes des supposés ancêtres ».

1.3. Conflits intercommunautaires

Les conflits entre communautés autochtones et allochtones paraissent pour de nombreux ruraux (focus group effectué auprès des jeunes de Djamandji, Février, 2016) comme « les moins fréquents dans le département mais lorsqu'ils surviennent, provoquent de nombreux dégâts humains et matériels. De petites mésententes entre agriculteurs eux-mêmes ou entre agriculteurs et éleveurs peuvent se transformer rapidement entre conflits sérieux». Partant de ces propos, il parait évident que les causes et enchainements de ces contradictions foncières dans le contexte de Sinfra, n'obéissent pas à des règles mécaniques, mais s'inscrivent dans un processus mouvant dont l'orientation est alimentée à la sève des objectifs des acteurs en interaction.

Un enquêté nous racontait qu'en 2010, un conflit de ce type avait opposé les autochtones Gouro aux ressortissants nordistes du département. De petites mésententes foncières suivies de bagarres entre adolescents (autochtones et allochtones), ont assez rapidement débouché sur des litiges sanglants entre les principales communautés sédentarisées (autochtone et allochtone). Cette dégénérescence abrupte de la violence s'est présentée succinctement en trois phases. D'abord au stade familial avec des disputes et bagarres entre parents ; ensuite au stade lignager avec soutien des parents proches ou lointains et enfin, au niveau communautaire avec en opposition, les principales communautés sédentarisés de Sinfra (autochtone et allochtone).

Les dégâts multiformes enregistrés pendant ces six (6) jours de conflits témoignaient d'une telle brutalité que les autorités ont alerté leurs supérieurs hiérarchiques en vue de trouver une solution partiellement acceptable aux deux parties.

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Aussi, il est à remarquer selon les autorités locales (SG de la préfecture, entretiens de Mars 2016), que « dans certains cas de conflit de ce type, les tentatives de gestion se soldent fréquemment par des échecs, puisque ces décisions de justice se heurtent à la résistance des individus en conflit. Ils semblent a priori avoir une attitude de rejet ». En d'autres termes, les populations rurales, loin de se pencher sur l'intérêt social des décisions prises par les autorités locales, s'attardent plutôt sur l'appartenance ethnique, religieuse, politique et communautaire de l'autorité de jugement. Il s'en suit donc une application partielle des décisions ou le cas échéant, un rejet formel.

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