L'apport de l'union européenne dans la gestion des flux migratoires au Cameroun.par Alain-Patrick LOUMOU MONDOLEBA Institut des Realtions internationales du Cameroun - Rapport de Stage 2017 |
2. DEFINITION DES CONCEPTSSelon le sociologue français Emile Durkheim, la définition des concepts est une étape préalable et indispensable à toute recherche scientifique. En effet, la définition des concepts nous apprend-il, sert à délimiter le champ d'investigation. Il s'agit de borner la réflexion afin de tracer les frontières entre ce qu'il convient d'étudier et ce qu'on ne va pas étudier. Par cette exigence méthodologique, Durkheim veut épargner le chercheur que nous sommes des prénotions, des dérapages sémantiques, des incompréhensions et des vulgates.11(*) C'est donc un exercice qui consiste à donner aux différents concepts qui structurent notre thème de recherche leur « essence »,12(*) et leur sens. Il conviendra alors de définir, dans le cadre de ce travail de recherche, les concepts suivants : immigration, émigration, migration internationale, migrant crise migratoire. Selon le lexique de science politique13(*), l'immigration est le phénomène de migration humaine par lequel un Etat voit s'installer sur son sol, de façon plus ou moins durable, des personnes de nationalité étrangère. Par ricochet, un immigré est une personne qui a quitté son pays pour s'installer dans un autre pays. Par extension, il n'est pas rare, dans le langage courant, d'entendre parler des « immigrés » pour désigner la population d'installation récente dans un Etat, quel que soit son statut au regard de la citoyenneté et de la nationalité.14(*) Peuvent être considérées comme immigrés : les réfugiés, les déplacés (à l'exception des déplacés internes), les apatrides15(*), les demandeurs d'asile.16(*) · La notion de migrant Étymologiquement, le mot migrant vient du latin migrare qui signifie s'en aller d'un endroit, changer de séjour, partir. Le terme migrant selon l'Unesco peut être compris comme toute personne qui vit de façon temporaire ou permanente dans un pays dans lequel il n'est pas né et qui a acquis d'importants liens sociaux avec ce pays. Il est important de souligner ici que la notion de migrant ne doit pas être confondue à celle de réfugié ou de personne déplacée. Même si le réfugié ou le déplacé peut à quelques égards être assimilé au migrant. Le terme réfugié vient du verbe latin refugere qui signifie en français fuir en rebroussant chemin, reculer, lâcher pied, chercher un refuge, s'enfuir. Selon la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, un réfugié est une personne « qui, par suite d'évènements survenus avant le 1er janvier 1951 et craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion , de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».17(*)Le réfugié est donc assimilable au migrant, sa spécificité étant qu'il est une personne qui a quitté son pays d'origine par crainte d'un danger (catastrophe naturelle, guerre, persécutions politiques, religieuses, raciales, tribales, ethniques, etc.) et a trouvé refuge dans un autre pays. Quant à la notion de déplacé, elle recouvre deux dimensions : déplacé interne et déplacé international. Suivant la convention de l'Union africaine sur la protection et l'assistance aux personnes déplacées en Afrique, il faut entendre par personnes déplacées, « les personnes ou groupes de personnes ayant été forcées ou obligées de fuir ou de quitter leurs habitations ou lieux habituels de résidence, en particulier après, ou afin d'éviter des effets des conflits armés, des situations de violence généralisée, des violences des droits de l'homme et ou des catastrophes naturelles ou provoquées par l'homme, et qui n'ont pas traversé une frontière d'Etat internationalement reconnue ».18(*)Une telle définition semble limiter la notion de déplacé à sa seule dimension interne lorsqu'elle précise : « (...) et qui n'ont pas traversé une frontière d'Etat internationalement reconnue ». L'autre constat que l'on très rapidement faire est que le déplacé « international » renvoie au réfugié. Mais comment comprendre que la même convention ait consacré une définition à la notion de déplacé interne ? En effet, le déplacé interne est défini dans ladite convention comme une personne qui a subi ou effectué « un mouvement, une évacuation ou une réinstallation involontaires ou forcés à l'intérieur des frontières internationalement reconnues d'un Etat »19(*) · Migration internationale La migration internationale se définit comme « un mouvement de personnes qui quittent leur pays d'origine ou de résidence habituelle, pour s'établir de manière permanente ou temporaire dans un autre pays. Une frontière internationale est par conséquent franchie »20(*) Ce sont les déplacements d'individus décidés à quitter durablement leur pays (émigration) pour se rendre dans un autre pays (immigration).21(*) Il importe de souligner par ailleurs que le phénomène de migrations internationales « s'explique par des raisons économiques, politiques, juridiques ou sécuritaires, et ont, pour motivation, la recherche d'un mieux-être qui constitue chez l'Homme une tendance naturelle ».22(*) L'incapacité de plus en plus affirmée des Etats à contrôler ces flux migratoires a conduit à l'adoption de ce qu'il convient d'appeler aujourd'hui « crise migratoire ». · La notion de crise migratoire Depuis quelques décennies, l'intensification des migrations mondiales, dans le contexte de la mondialisation, rend les flux des populations beaucoup moins contrôlables qu'auparavant. L'imprévisibilité de ces flux tient pour une grande part au fait qu'ils sont principalement constitués d'une agrégation de choix individuels et non de choix collectifs. C'est le cas par exemple de l'immigration clandestine.23(*) C'est donc à cette réalité que renvoie la notion de crise migratoire. Il y a un nombre très croissant de migrants de nos jours. Ainsi, « Une crise migratoire désigne un phénomène d'augmentation sensible du nombre de migrants arrivant dans un pays ou dans une zone géographique. La notion de crise migratoire est subjective et intervient lorsque le flux migratoire devient très ou trop important et pose un problème, réel ou imaginaire, au(x) pays d'accueil ».24(*) * 11Lire Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, PUF, 1894. * 12Aristote définit la définition comme « une phrase signifiant l'essence d'une chose, d'un mot », cité par Madeleine GRAWITZ, Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz, 11e édition, 2011, p. 23. * 13 Olivier NAY, (dir.) et.al, Lexique de science politique, Paris, Editions DALLOZ, 2008, p. 249. * 14 Ibid. * 15 Suivant le plan d'action global visant à mettre fin à l'apatridie 2014-2024 du Haut-commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, l'apatride est «une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation ». * 16 Il s'agit selon l'OIM, d'« une personne demandant à obtenir son admission sur le territoire d'un Etat en qualité de réfugié en attendant que les autorités compétentes statuent sur sa requête. En cas de décision de rejet, le demandeur débouté doit quitter le territoire de l'Etat considéré ; il est susceptible de faire l'objet d'une mesure d'expulsion au même titre que tout étranger en situation irrégulière, à moins qu'une autorisation de séjour ne lui soit accordée pour des raisons humanitaires ou sur un autre fondement ». D'après le HCR, on dénombre 2 231 demandeurs d'asile au Cameroun, en 2008, contre environ 6 000 en 2007, et 3 800 en 2006 * 17Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, article 1er, paragraphe A (I). * 18Convention de l'Union africaine d'octobre 2009 sur la protection et l'assistance aux personnes déplacées en Afrique, article 1er, paragraphe k. * 19Ibid., paragraphe L. * 20Glossaire de la migration de l'OIM, p. 49. * 21 Olivier NAY, (dir.) et.al, Lexique de science politique, op.cit., p. 318. * 22Apollinaire TITE AMOUGUI, « Etat du Cameroun et problématique des migrations », in SIMO, David SIMO (dir.), Problématiques migratoires en contexte de globalisation, actes du séminaire des 24 et 25 septembre 2012 à Yaoundé, pp. 105. * 23 Ibid * 24 http://www.toupie.org/Dictionnaire/crise_migratoire.htm, consulté le 13 mars 2018 à 10h29. |
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