II. PROBLEMATIQUE
Suite à ce contexte, il apparait que lorsqu'on parle
d'insertion professionnelle l'accent est mis sur le marché du travail.
Il donc important de faire ressortir la relation entre éducation et
marché du travail. Ainsi va donc se fonder la littérature pour ce
thème.
L'approche économique contemporaine de
l'éducation s'est développée à partir de la fin des
années 1950 avec les travaux de Schultz (Prix Nobel 1979), Becker (Prix
Nobel 1992) et Mincer qui ont fondé la théorie du capital humain.
Cette théorie relève que les compétences acquises dans le
système d'enseignement rendent les individus plus productifs et de ce
fait les revenus issus de leur travail ne peuvent qu'en être
augmenté.
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Education et insertion professionnelle au Cameroun : le
déclassement professionnel des jeunes
Dans cette théorie, l'éducation est
perçue comme un investissement en capital humain en ce sens que chaque
individu décide de la durée et du contenu de ses études en
fonction de ses couts et des bénéfices espérés dans
le futur. De cette décision émane donc la demande
d'éducation à laquelle le système d'enseignement
répond en termes d'offre. L'enseignement est donc présenté
comme un processus de production du capital humain dont les dépenses
d'éducation sont traduites en résultats scolaires. Cette
théorie soutien donc l'hypothèse selon laquelle
l'éducation serait une condition suffisante pour accéder à
un emploi. Cependant Tanguy (1986) démontrera dans son ouvrage
l'introuvable relation formation-emploi que l'éducation est
certes une condition pour accéder à un emploi sur le
marché du travail mais il y'a aussi d'autres variables qui doivent
être prise en considération dans l'accès à l'emploi.
Elle s'aligne ainsi à la suite des penseurs comme Arrow(1973) pour qui
l'éducation est avant tout un signalement. Partant du fait que les
employeurs ne peuvent avoir d'informations réelles sur la
productivité des candidats, ils sont juste limités aux
diplômes et au niveau d'études. L'éducation apparait donc
comme un filtre permettant de détecter et de conserver les candidats les
plus « capables » à priori. Thurow (1975) le rejoindra par la
suite en stipulant que puisque l'employeur ne dispose pas des connaissances sur
le cout d'éducation de chaque individu, il se servira donc des
explicites de chacun comme reflet de l'aptitude à être
formé. En outre, Thurow met un accent sur le fait que la
productivité réside dans l'emploi et non dans le travailleur.
Ainsi, « au cours des décennies
écoulées, le nombre d'étudiants engagés dans les
études supérieures a beaucoup augmenté »2.
Les jeunes se ruent massivement vers les études universitaires et
supérieures quoique cette évolution s'opère dans un
contexte de faible croissance économique et de progression continue du
taux de chômage, favorisant la dégradation des conditions de
l'insertion des jeunes diplômés sur le marché du travail.
Les jeunes se retrouvent donc dans une situation où ils doivent arbitrer
entre chômage et l'emploi disponible (même si celui-ci ne
corresponde pas à leur niveau de diplôme), leur insertion sur le
marché du travail est faite au prix d'un déclassement
professionnel. Les jeunes diplômés sont donc prêts à
exercer un emploi pour lequel leur niveau de formation initiale dépasse
celui théoriquement requis ou à percevoir un salaire
inférieur à celui correspondant théoriquement à
leur niveau d'instruction3.
Est considéré comme «
déclassé », tout individu qui, à son entrée
dans la vie active, occupe un emploi inférieur à celui auquel son
diplôme aurait pu lui permettre de prétendre. Compte tenu de la
forte croissance de l'offre de main-d'oeuvre diplômée
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Education et insertion professionnelle au Cameroun : le
déclassement professionnel des jeunes
relativement à celle de la demande de travail
qualifié, de telles situations sont devenues fréquentes sur le
marché du travail.
La notion de déclassement reste souvent floue ou
contestée en sciences sociales perçue comme le reflet des
pratiques de surqualification des employeurs pour certains ou, à
l'inverse, comme le produit de la sur-éducation des jeunes pour
d'autres, la logique explicative de ce phénomène reste donc en
tension. Se référant à l'acception de BOURDIEU (1978), il
faut souligner qu'un individu est déclassé quand il est contraint
de renoncer au classement social qu'il pensait obtenir grâce à son
diplôme. Néanmoins, l'idée de contrainte forme un
élément essentiel dans le « renoncement », il s'analyse
en lien avec l'état du marché du travail sur lequel le jeune se
positionne.
Bon nombre des pays de l'ASS suite aux difficultés
liées à leur enlisement dans les persistantes crises
socioéconomiques ces deux décennies, vivent des situations
paradoxales. Car, à mesure que la population croît rapidement les
conditions de vie se dégradent de plus en plus rendant ainsi plus
difficile la situation sur le marché du travail.
Avec la saturation de l'État Camerounais qui est
resté depuis l'indépendance en 1960 le principal pourvoyeur
d'emploi du pays, le recrutement des diplômés a connu un
inquiétant tassement. Les jeunes qui constituent la frange de la
population active la plus affectée sont les moins outillée pour
lutter contre le chômage car, 70 % de jeunes qui arrivent sur le
marché du travail camerounais n'ont aucune qualification en termes de
métier. Ainsi, malgré les dispositifs d'aide à l'insertion
mis en place par l'Etat, le chômage des jeunes reste une
préoccupation. Les données du recensement démographique de
1987 indiquaient que le chômage des moins de 25 ans représente 66
% du chômage total et celui de la tranche des 15-29 ans, 80 %; les
conclusions de l'étude du Groupe d'études et de recherches en
économie appliquée du centre universitaire de Douala (1988, 35)
qui relèvent que 52 % des diplômés de l'enseignement
supérieur sont au chômage (Tama Ateba, 1996, ) ont sans doute
largement contribué à la détermination du gouvernement
à réorienter la politique de l'éducation vers le monde de
l'entreprise.
Mebara (1984) fait figure de pionnier dans la recherche sur
l'éducation, l'emploi et le salaire au Cameroun. Ce dernier montre que
:les entreprises ont tendances a ne recruter que les étudiants ayant une
expérience du terrain au détriment de ceux qui, ayant un
diplôme équivalent n'ont suivi qu'un cursus uniquement
universitaire ; il existe des inégalités en matière
d'importance accordée par le pouvoir public a l'enseignement
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Education et insertion professionnelle au Cameroun : le
déclassement professionnel des jeunes
général par rapport à l'enseignement
technique ; dans le supérieur les disciplines littéraires et
juridiques sont dominantes des disciplines scientifiques. Cette approche,
quoique ancienne dans les textes reste encore présente aujourd'hui car
malgré les efforts consentis, l'insertion sur le marché du
travail demeure une préoccupation permanente.
Actuellement, le niveau de diplôme est bien un facteur
essentiel d'accès au monde professionnel Camerounais, mais il ne suffit
pas à garantir une protection face au chômage et d'autres
aléas du marché du travail. De plus, pour les
diplômés qui veulent obtenir un emploi, il existe un fort
décalage entre le niveau de diplôme atteint et la qualification de
l'emploi obtenu. La demande de travail pour des emplois qualifiés n'est
pas suffisante par rapport à l'offre de main-d'oeuvre
diplômée. Ainsi, les difficultés d'insertion sur le
marché du travail conduisent beaucoup de jeunes diplômés,
car ils n'ont pas d'autre alternative, à exercer un emploi pour lequel
leur niveau de formation initiale dépasse celui théoriquement
requis, les entraînant de ce fait au déclassement
professionnel.
Face à cette situation, il apparait opportun
d'approfondir les analyses sur la notion d'insertion professionnelle des jeunes
au Cameroun. Au regard des développements et la problématique
ci-dessus la question principale qui servira de fil conducteur à nos
investigations est celle de savoir : Quel est le lien existant
entre l'éducation et l'insertion professionnelle des jeunes au Cameroun
et quelle est l'ampleur du déclassement professionnel des jeunes
camerounais ? De cette question principale peuvent naitre deux
questions spécifiques que sont :
-Quel est l'apport du niveau d'études et/ou de
formation professionnel dans l'insertion des jeunes sur le marché du
travail ?
-les jeunes formés (diplômés)
trouvent-ils toujours un emploi cadrant avec leur niveau de formation ?
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