II.2.2.2.
Evaluation de la qualité de la communication et du climat de travail
perçu et socialisation organisationnelle des salariés
La communication s'affiche, au fil des années, comme
une valeur stratégique au sein de l'entreprise et commence à
être perçue comme un véritable outil du management. La
tendance actuelle des entreprises à s'intéresser à la
communication et à l'amélioration du climat de travail correspond
aux besoins de plus en plus vitaux de concilier les pratiques
organisationnelles aux attentes des salariés afin de redonner un sens
aux préoccupations de socialisation organisationnelle des
salariés. Allant dans cette perspective d'analyse, une grande part de la
littérature managériale s'est intéressée à
étudier les comportements de socialisation organisationnelle des
salariés en prenant pour variable clé l'évaluation
positive par le salarié des préoccupations pour
l'amélioration du climat de travail et des interactions au quotidien.
En ce qui a trait au partage de l'information et à
l'amélioration de la communication dans l'entreprise, les études
de Da Silva et St-Hilaire (2004) ainsi que d'Ihadjadene (2010) signalent
qu'elles renferment deux aspects à expliciter : la part dite
organisationnelle dans l'information reçu et la part relative au
métier que le salarié exerce dans l'entreprise. Le premier aspect
permet de coordonner les acteurs au niveau d'un projet et de partager les
informations nécessaires à la réalisation de ce projet. Le
second aspect concerne une dimension de partage intermédiaire qui permet
de créer un espace d'échange entre acteurs d'un même
métier à l'intérieur d'une organisation. Le communicateur
intervient dans ce processus en tant que « facilitateur » et recourt
aux canaux les plus adéquats en fonction des messages et des groupes
cibles afin de répondre efficacement aux attentes de chacun dans la
relation d'emploi Girin (2001). Cette dernière relève
également cette double casquette des enjeux de communication et de
dialogue social qui présente des projets de communication de
l'entreprise « principalement orientés vers
l'activité » et des actes « principalement
orientés vers l'ordre social ». Les interactions de
travail répondent ainsi aux deux besoins distincts des salariés
dans la relation d'emploi que sont transmettre des consignes pour assurer le
fonctionnement des opérations et inscrire les employés dans un
cadre social bien définie. C'est donc ce deuxième volet qui volet
qui est à élucider dans les lignes qui suivent.
a. La construction de l'identité
organisationnelle
L'identité organisationnelle est au coeur de la
réflexion stratégique (Giroux, 2002) parce que l'avantage
compétitif qu'une entreprise peut avoir sur ses concurrents
dépend notamment de la capacité des acteurs dans l'organisation
à construire collectivement l'identité de l'organisation.
L'identité organisationnelle résulte d'un « processus
organisant » (Weick, 1969) au terme duquel l'action collective et
concertée est consubstantielle au partage des représentations et
valeurs de toutes les parties prenantes qui trouvent ainsi dans cette
construction leur réalité sociale (Berger et Luckman, 1996). Le
concept d'identité sert donc à classifier l'organisation par
rapport à d'autres entreprises et facilite les liens
intra-organisationnels (Giroux, 2002) et les réseaux d'échanges
d'informations et de ressources qui alimente le réseau quotidien
d'amélioration des interactions sociales (Nkakleu et Kern, 2003). Pour
cela, la construction sociale de l'identité de l'organisation
apparaît comme un enjeu majeur de la résultante des effets d'une
harmonieuse cohésion entre les salariés de l'organisation (El
Akremi et al., 2009).
Pour Schein (1993), l'adoption d'un processus dialogique et
socialisant (Nonaka, 1993) permet de canaliser les représentations des
individus de façon à trouver des traits d'identification.
L'identité organisationnelle découle ainsi d'un processus
d'élaboration qui incorpore les discours et les représentations
des individus (Searle, 1995 et Giroux, 2002) qui vont créer
l'identité de l'organisation sur la base de leur perception de la vie en
société et de leurs attentes. Selon Brun et Dugas (2002),
L'identité organisationnelle peut être définie comme une
configuration autour de laquelle les parties prenantes s'identifient, se
connaissent, partagent leur perception de la vie en société et
leur imaginaire social, se font confiance mutuellement et ont confiance dans le
groupe d'identification qu'est l'organisation. Cette co-construction de
l'identité procure à l'organisation une personnalité et
une réalité sociale (Lazzeri et al., 2004) qui sont
légitimées par les salariés dès lors qu'ils croient
au maintien de la qualité de leurs relations les uns des autres et en la
capacité de l'organisation de répondre à leurs attentes,
de protéger les intérêts de tous les membres, et de
sanctionner les comportements opportunistes (Finegan, 2000). Le salarié
va donc être d'autant plus réceptif et coopératif s'il
partage avec les autres membres de l'organisation des valeurs communes, et a
confiance dans les règles, les codes et les conventions
édictés par l'organisation et qui fondent l'action collective.
La construction de l'identité organisationnelle sociale
recouvre les échanges, relations et dialogues entre les individus dans
l'organisation. A ce niveau, plusieurs études montrent que le partage de
l'identité et des valeurs d'une organisation recouvre trois dimensions
qu'il convient d'analyser en mettant en évidence la contribution de la
qualité de l'interaction entre les salariés.
Dimension structurelle de l'identité
organisationnelle
Pour Ryan (2010), la qualité de la configuration des
relations interpersonnelles dans l'organisation est nécessaire. Par
l'appropriation des liens affectifs entre les acteurs, cette configuration
facilite le transfert d'informations (Coleman, 1988) et par la même
occasion, l'apprentissage organisationnel (Fischer et White, 2000), et
l'exécution des activités dans l'organisation (Shah, 2000).
Bolino et al. (2002) soulignent quant à eux que le transfert
d'informations et de connaissances se fait plus aisément et sans biais
lorsque les employés sont interconnectés dans l'organisation. En
outre, l'exécution des activités dans l'organisation est plus
efficiente lorsque les employés se connaissent, et partagent
collectivement des représentations et des valeurs auxquelles ils
s'identifient. Cette identification crée ainsi une connexion plus facile
qui va orienter les actions des individus vers l'échange d'informations
et de ressources dans le sens des intérêts de tous les membres de
l'organisation et de l'organisation elle-même.
Dimension relationnelle de l'identité
organisationnelle
Cette deuxième dimension de l'identité
organisationnelle se caractérise par un fort degré de confiance,
de normes et de perception d'obligations partagées, et par
l'identité commune. Créplet et al. (2002)
dénotent de cette caractérisation que les individus se sentent
d'autant plus en confiance et animés par la réciprocité
qu'ils partagent ensemble des valeurs communes, entretiennent des relations
affectives et sont insérés dans une même structure
d'identification. Cette structure d'identification renforce en retour leur
sentiment et leur désir d'appartenance à l'organisation. La
conceptualisation de Nahapiet et Ghoshal (1998) de l'identité
relationnelle se rapproche de la notion des "liens forts" utilisée par
Granovetter (1973) pour décrire la confiance, la
réciprocité et l'intensité émotionnelle dans les
relations interpersonnelles. Il apparaît que la dimension relationnelle
de l'identité organisationnelle se construit par la qualité de
l'interaction entre les salariés (Koys, 2001) et concerne les relations
affectives entre ces derniers. Ainsi, les groupes de travail au sein desquels
les membres possèdent des représentations partagées,
s'adaptent plus facilement au changement de l'environnement, sont plus
flexibles et donc plus performants (Bolino et al., 2002).
La dimension cognitive de l'identité
organisationnelle
Selon Nahapiet et Ghoshal (1998), la compréhension
mutuelle entre les employés se fait au travers des langages et des
récits partagés. Ainsi, les employés peuvent
résoudre sereinement les problèmes qui se posent sur leurs lieux
de travail ou en dehors, s'échanger les idées, s'aider
mutuellement et partager les connaissances. La dimension cognitive de
l'identité organisationnelle incorpore non seulement les langages et les
récits communs, mais également une vision partagée qui
permettent aux membres de l'organisation de percevoir et d'interpréter
les événements de façon similaire (Bolino et al.,
2002). Puisque ces représentations et vision partagées sont
inscrites dans leur mémoire collective (Weick et Roberts, 1993), les
employés peuvent alors anticiper et prédire plus facilement les
actions des autres. Dans une certaine mesure, cette « vision
partagée » des relations de travail stables et saines favorise
l'émergence d'une connaissance organisationnelle (Créplet et
al., 2002) ; à certains égards, l'aspect cognitif du
capital social induit la cohésion intra-organisationnelle
nécessaire à la performance de l'entreprise. Nous soutenons que
l'identité organisationnelle renforce la dimension cognitive de
l'apprentissage en ce sens qu'elle contribue à la mise en commun des
routines collectives, à la production et à l'échange des
connaissances.
En raison de ce qui précède, l'identité
organisationnelle concourt à l'efficacité du fonctionnement
interne de l'organisation. Elle est donc à la base d'un processus de
socialisation des individus. C'est ce qu'ont souligné Adler et Kwon
(2002) dans leurs analyses du fonctionnement économique des
organisations. En effet, l'interaction de qualité fait partager la
vision et les valeurs de l'entreprise et contribue à la création
d'une identité de l'organisation par laquelle les acteurs s'identifient
à elle à travers des représentations communes (Zaoual,
1996). Il s'établit alors entre eux une confiance mutuelle qui va
garantir l'action collective et la socialisation organisationnelle de ces
derniers.
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